Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 18.10.2020 - anthony-maurin - 3 min  - vu 2752 fois

FAIT DU SOIR La jeune fille au chevreau, l'histoire d'une vie

La Jeune fille au chevreau conservée au Musée des Beaux Arts de Nîmes, en bronze, est plus petite que la sculpture de pierre saccagée aux Jardins de la Fontaine. Un faux aire de Carrrie Fisher dans son personnage de la princesse Leia non ? (Photo Anthony Maurin)

Les restes de la jeune fille au chevreau aux Jardins de la Fontaine (Photo archives Hervé Collignon/ archives municipales de Nîmes).

La petite histoire se mêle bien souvent à la grande pour le malheur des deux. Nîmes ne fait pas exception à la règle et a connu par le passé des moments de troubles qui ont impacté l'art local.

La volupté, la grâce, l'innocence et la finesse... Ce groupe sculpté par Marcel Courbier, né à Nîmes en 1898, était aussi le symbole de la légèreté et de l'éveil des sens. Mais il est devenu synonyme de disgrâce et de gravité. Connu et reconnu pour ses talents, il est, dès 1925, primé pour son travail et obtient un an plus tard le Grand prix national des Beaux-Arts pour sa fameuse Jeune fille au chevreau.

L'œuvre en marbre fragile est achetée par la Ville pour être mise en valeur aux Jardins de la Fontaine mais connaîtra, fort heureusement, plusieurs éditions réduites en bronze. Plusieurs fois vandalisé en 1941 et en 1944, ce groupe, qui est un rappel de l'intérêt que porte le sculpteur à des sujets ayant trait à l'enfance, est remisée dans les locaux de la ville de Nîmes puis disparaît après 1945. Une édition en bronze qui date de 1943 est  toutefois conservée au Musée des Beaux-Arts.

Mais cette histoire ne saurait s'arrêter à ces quelques péripéties. D'ailleurs, pourquoi a-t-elle été vandalisée ? Vous l'avez sans doute deviné, la jeune fille qui a posé pour la sculpture avait un peu vieilli au moment de la tragique Seconde Guerre mondiale. Mais sa beauté demeurait encore à cette époque. Le modèle, qui avait à peine plus de 17 ans à l'époque, était née en 1917, pendant la Première Guerre mondiale. Elle s'appelait Marcelle Battu (Polge), et c'était une voisine du sculpteur qui habitait alors Rue Sully.

Une fois l'épuration de 1944 lancée, plus rien n'a pu arrêter le triste désastre. Entre les mois d'août et d'octobre de cette même année, Marcelle Battu (Polge) fut prise dans la tourmente sociale. Elle fut condamnée à mort et exécutée pour avoir fricoté et collaboré avec les Allemands. Elle fut bien évidemment tondue comme cela se faisait à l'époque et sa statue connut alors les pires affres.

Couverture du roman sorti en juin dernier, la jeune fille au chevreau de Jean-François Roseau (photo Anthony Maurin).

Un roman, inspiré de cette période, de cette femme et de cette œuvre, est sorti cette année et dévoile Nîmes en ces temps troublés. Le livre, signé Jean-François Roseau compte parmi la liste des best-sellers. Taboue, l'histoire avait passionné les gazettes et les foules de l'époque. Un défouloir, un exutoire, voilà ce qu'est devenue cette femme et la sculpture qui la célébrait.

Il faut dire que la violence était de mise, pour tout et pour rien. On réglait des comptes et on passait souvent sous silence les raisons réelles. Sans trop de preuves, Marcelle Battu (Polge) était un symbole de la collaboration même si les preuves de sa compromission étaient plus que ténues lors de son procès. Pourtant, en 1941 lors du passage d'un certain Pétain, les Nîmois applaudissaient... Cette statue qui a été à plusieurs reprises mise à mal devait-elle servir d'exemple ? L'a-t-on anéantie pour oublier cette sombre histoire ? La statue et son modèle ont-ils été sacrifiés par la société ?

La jeune fille au chevreau aux Jardins de la Fontaine (Photo Archives Hervé Collignon Archives municipales de Nîmes).

On raconte même que le cadavre de Marcelle Battu (Polge), exécutée, aurait été profané.

Le roman, La Jeune fille au chevreau de Jean-FrançoisRoseau, aux éditions de Fallois, 240 pages,19 euros. Ebook à 13,99 euros.

Anthony Maurin

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