NÎMES Claudia Nicolas, le mystère de l'Avenue Feuchères (1/6)
Une tombe simplement ornée mais fleurie. Cette sépulture est située en bordure d'une allée du cimetière du Pont de Justice à Nîmes. Elle est atypique et bien souvent on voit encore des dévots remercier la défunte. Sur la tombe il y a de tout : des ex-voto, des médailles, des photos et même des babouches ! Cette tombe est celle de Claudia Nicolas. Mais qui était-elle ? (Épisode 1/6).
Née en 1893, Claudia Nicolas est décédée à l'âge de 63 ans. Jacqueline, 86 ans, la nièce de Claudia Nicolas, est l'ultime témoin en capacité de parler de cette mystérieuse dame qui s'exprimait en patois et tutoyait les évêques. "Curieusement et le hasard fait bien les choses... la tombe de ma maman est juste derrière celle de ma chère tante Nicolas. C'est un pur hasard puisqu'elles sont décédées avec 40 ans d'écart. Donc, si vous tournez le dos à ma tante, vous avez ma mère, qui avait également pour nom de jeune fille, Nicolas. J'étais constamment avec ma tante, et même si elle me faisait un peu peur je ne pouvais pas m'en séparer. Elle a plus fait pour moi en tant que tante que ma mère. Ce n'était que de l'amour. Elle m'aimait et elle riait quand je la battais à la belote. Elle aimait que je gagne pour me voir sourire. C'était une vraie gentille, je n'ai eu que le côté bon", débute Jacqueline.
Jacqueline est un brin de femme assez atypique. Avec plus de 30 ans d'aïkido derrière elle, elle a côtoyé les plus grands maîtres de la discipline. Parmi eux, un certain maître Noro, un disciple du créateur de l'aïkido, qui apporta cet art nippon en Europe et qui posa ses valises chez Charles Toni, au coeur du premier dojo nîmois. Ce maître Noro fut l'autre rencontre de la vie de Jacqueline et de son mari. "L'aïkido m'a permis d'extérioriser certaines choses. J'ai eu une très belle vie, ou plus exactement deux vies, que personne ne m'enlèvera jamais."
Des centaines de consultations par jour
La tante Nicolas travaillait sur l'avenue Feuchères. Elle habitait et consultait au premier étage du numéro 19. Une chambre, une salle à manger qui n'en était pas une car elle y recevait ses patients, une petite cuisine et c'est tout ! Elle est morte assez démunie alors qu'elle a gagné des milliards de centimes.
Jacqueline se rappelle : "Tous les lundis, devant sa porte, il y avait la queue dans les escaliers mais aussi sur l'Avenue Feuchères jusqu'au bureau de tabac qui faisait l'angle. Avec les gens tout était simple. Elle était directe car si cela ne plaisait pas, d'autres personnes attendaient dehors..." Qui venait la voir ? Pourquoi ? Elle n'avait aucun diplôme, elle n'était pas franchement diplomate et on ne peut pas dire qu'elle mâchait ses mots. Cependant, elle a laissé derrière elle une trace vibrante.
"Chez elle, dans la cage d'escaliers et aux abords de l'avenue, quand elle consultait dans son appartement ou ailleurs, ce n'était pas le Club Med... On ne voyait que des gens larmoyants, la tête baissée, et qui venaient chercher une parole réconfortante, un soin, une guérison. Ils étaient tristes et ne parlaient pas. Sur chaque marche des escaliers il pouvait y avoir deux ou trois personnes. C'était impressionnant. Une consultation durait entre 5 et 20 secondes et parfois, les gens n'avaient même pas le temps de rentrer dans l'appartement tant elle était rapide et franche. C'est pour cette raison qu'elle pouvait recevoir plusieurs centaines de personnes par jour." Elle était guérisseuse, une femme d'exception, vous comprendrez pourquoi.
Un jour, cependant, tout s'est arrêté et Claudia Nicolas est décédée. Les Nîmois, reconnaissants de ce qu'elle avait fait pour eux, ont souhaité être présents pour l'accompagner à sa dernière demeure. "Mon mari m'avait conseillée de ne pas aller aux obsèques de ma tante car j'étais enceinte de ma fille Anick et il pensait, à juste titre certainement, que la pression émotionnelle allait être trop forte et que j'allais m'effondrer, risquant ainsi une grossesse compliquée. Je sais qu'il y avait foule sur l'Avenue Feuchères, de là où habitait ma tante jusqu'à l'église Sainte-Perpétue, et même sur l'Esplanade. Il y avait peut-être 2 000 personnes. C'était noir de monde. Extraordinaire ! Des articles du Midi Libre de novembre 1956 ont décrit l'évènement. Ces articles sont toujours visibles aux archives départementales du Gard", conclut Jacqueline (à suivre...).