SAINT-HILAIRE-DE-BRETHMAS La commune dessine les contours de la ville de demain
Ce mardi 23 août, la mairie saint-hilairoise était en ébullition à l'occasion de la venue du sociologue franco-colombien Carlos Moreno. Fondateur du concept de "ville du quart d'heure", le génie de l'urbanisme a "inspecté" la commune administrée par Jean-Michel Perret, guidée par la démarche du "gourou des mégalopoles" depuis plusieurs années.
Retrouver toutes les commodités à moins de quinze minutes de chez soi via des mobilités décarbonées. C’est la promesse de la "ville du quart d’heure", concept urbanistique créé par le sociologue franco-colombien Carlos Moreno pour réduire les déplacements en concentrant les besoins essentiels – école, travail, soins, loisirs, achats – dans des quartiers-villages. Depuis 2019, à partir d’un dessin du graphiste local Frank Vriens, la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas apprivoise cette démarche a priori réservée aux mégalopoles, ce qui a valu au maire, Jean-Michel Perret, une invitation prestigieuse qu’il a honorée.
Ce mardi 23 août, l’édile saint-hilairois a ainsi reçu Carlos Moreno en mairie. « Avoir un mec de son envergure qui se déplace à Saint-Hilaire, c’est un put∗∗∗ d’évènement ! », se félicitait l’élu avant l’arrivée du directeur scientifique de la Chaire entrepreunariat territoire innovation (ETI) Paris-Sorbonne. Accompagné de plusieurs membres de l'équipe municipale et de ses proches collaborateurs, le premier magistrat s'est d'abord présenté comme "le Petit Poucet" au regard de la taille des villes que son invité du jour à l'habitude d'"inspecter" (Paris, Mexico, Buenos Aires, Shanghai, Bombay, etc.).
"Ça ne pouvait que matcher entre Christophe et moi"
Rappelant la genèse de la connexion improbable avec ce grand ponte de l'urbanisme via Twitter (relire ici), ce dernier s'est dit "très honoré" d'avoir retenu l'attention de celui qu'il considère comme "le gourou des mégalopoles". Ce dernier lui a rendu la pareille, se montrant "très touché de l'invitation" et de l'intérêt porté à ses travaux de recherche liés aux mobilités décarbonées, entre autres. Le duo se présentant à une assistance fournie dans la salle du conseil municipal était en réalité un trio.
Christophe Rivenq, président d'Alès Agglomération, venait tout juste de mettre "16 minutes" depuis son bureau de l'hôtel de ville d'Alès pour rallier la mairie de Saint-Hilaire-de-Brethmas en vélo à assistance électrique. "Sous 34°, je vous le déconseille", a ironisé celui qui a par la même joué la carte du bon élève en matière de mobilités décarbonées. "Sur un sujet comme celui-là, ça ne pouvait que matcher entre Christophe (Rivenq, Ndlr) et moi", a indiqué Jean-Michel Perret, à l'origine de l'invitation du premier adjoint du maire d'Alès.
L'un comme l'autre avaient des "messages" à passer à Carlos Moreno. "On ne peut pas traiter Saint-Hilaire ou Alès comme on traite la région parisienne. Ceux qui décident doivent faire en sorte que les lois qu'ils créent s'appliquent au mode de vie local. Je compte sur vous qui avez sans doute plus d'influence que moi pour le faire remonter à Paris", a par exemple embrayé le président de l'Agglo. Alors que le dernier nommé s'apprêtait à rendre hommage à sa "folie intelligente", JMP a pris le temps de développer l'exemple de la fresque de Sienne : "Ça guide tout ce que je fais depuis que je suis élu à Saint-Hilaire." Et d'ajouter : "Elle décrit parfaitement la jonction entre la cité et les terres agricoles à proximité qui représentent l'autonomie alimentaire."
À "son échelle", le maire saint-hilairois travaille en effet depuis "des années" à offrir "l'autosuffisance alimentaire et énergétique" à sa commune. Se présentant en "ardent défenseur de la ville à taille humaine", Christophe Rivenq a ensuite interpellé l'auditoire avec une question rhétorique : "Quoi de mieux quand on est élu que d'essayer de faire le bien autour de soi en améliorant la qualité de vie ? Ça passe inévitablement par les mobilités. Ici, tout est à proximité !"
La parole est alors revenue à l'invité d'honneur du jour, lequel s'est mué en maître de conférence dans un français impeccable. "La réputation de nos travaux est planétaire. Ils sont, c'est vrai, plutôt destinés aux grandes métropoles des cinq continents. Mais j'ai toujours gardé une porte ouverte aux petits territoires car il est de notre devoir de nous intéresser à toutes les formes d'habitat", a-t-il introduit. Pour illustrer son propos, le génie de l'urbanisme a rappelé qu'en 2017, dans le timing de la campagne présidentielle, à Arras, il avait écrit un manifeste intitulé "La République des territoires".
Développer la proximité heureuse
"La qualité de vie doit être un objectif pour tous les élus et les gens qui gouvernent. Elle doit être indépendante de la densité et de la taille des territoires", a insisté celui qui avait prédit "depuis 15 ans" des crises sanitaires, alimentaires et climatiques. Et d'étayer : "Ce qu'on a perdu en route depuis plusieurs années, c'est d'arriver à définir très concrètement ce qu'est la qualité de vie. Avec mon équipe de chercheurs, on a donc modélisé six éléments essentiels qui, si on les retrouve à proximité de soi, nous rendent heureux."
Le modèle de "ville du quart d'heure" est en effet spécifié par une ontologie se structurant autour des six fonctions sociales que sont "vivre, travailler, s'approvisionner, profiter, apprendre et se soigner". "Ces six choses ont une propriété unique. Si on les relie entre elles et si on les rend accessibles via des mobilités décarbonées, on développe une proximité heureuse", a résumé le concepteur de la "ville du quart d'heure".
Avant de s'asseoir sur le siège passager de la voiture conduite par le maire afin d'entreprendre une visite de la commune, Carlos Moreno a assuré la promotion de la ville gallicienne de Pontevedra (Espagne) qui, avec ses 80 000 habitants, illustre à merveille ce que doit être à ses yeux la ville de demain. "C'est une ville où les écoles n'ont pas de barreaux car il n'y a pas de voitures", a-t-il vulgarisé. À Pontevedra, il est vrai que le piéton est roi. Tout est fait de sorte que les voitures ne soient plus les bienvenues. Ainsi, les émissions de dioxyde de carbone auraient diminué de 60% depuis 1990. "Il y a un sentiment de sécurité et d'apaisement sans égal qui émane de cette ville", a affirmé le sociologue qui y a rencontré des commerçants "très heureux".
Ce dernier en est convaincu : le changement pour un avenir meilleur (ou moins pire) est encore possible. "C'est à la portée de tous à partir du moment où il y a une volonté politique", a-t-il conclu. Une longue intervention chaudement applaudie par l'assistance et durant laquelle Christophe Rivenq, studieux comme jamais, a pris des notes qu'il réinvestira à coup sûr au profit de l'agglomération et de la pionnière commune saint-hilairoise.
Corentin Migoule