ALÈS Crouzet automatismes : le tribunal accueille une première audience de conciliation pour 41 salariés
Les salariés, remerciés en cours ou fin d'année 2021 en raison de la fermeture du site alésien de Crouzet automatismes, contestent leur licenciement pour motif économique. Une première conciliation avait lieu hier au tribunal d'Alès.
Ils attendaient ce rendez-vous depuis le dépôt des dossiers, le 17 janvier dernier. "Il s'agit de le première consultation dans la procédure prud'homale", confirme l'avocat des salariés, Me Alain Ottan. L'enjeu pour ces salariés tombés au chômage : contester l'argument économique de leur licenciement, alors même que la branche alésienne, qui produisait des petits moteurs électriques, a travaillé à plein régime quand la partie aéronautique de Valence subissait le contrecoup des confinements et arrêts des voyages aériens. C'est la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et de la solidarité (DREETS) qui juge du bien-fondé du motif.
"Les salariés sont dans la période de congé de reclassement, avance un délégué du personnel. Ils sont donc habilités à contester leur licenciement. Les éléments qu'on apporte montrent que la fermeture était un effet d'aubaine." "On n'a jamais fait autant de chiffre d'affaires au niveau moteurs que l'année du licenciement, confirme un ancien cadre. La preuve, on va toucher de la participation et de l'intéressement." Deux primes rarement conjuguées. "On a un variable basé sur les résultats de l'entreprise et un autre sur les résultats personnels. Les deux ont été multipliés par cinq par rapport à d'habitude."
Le tribunal laisse jusqu'au 16 septembre à la direction de Crouzet pour affûter ses arguments
Le tribunal a finalement donné jusqu'au 16 septembre aux avocats de Crouzet pour délivrer un argumentaire, puis au 14 octobre à l'avocat des salariés pour sa réponse. L'audience aura lieu, ensuite, le 18 novembre. Mais l'avocat des salariés, Me Ottan, se méfie : "Pour leur avocat, ce n'est pas le covid qui justifie la fermeture mais la baisse des commandes, a-t-il expliqué aux salariés devant le tribunal, à la sortie de l'audience. Or, les lois Macron sur le travail ont changé le périmètre du motif économique : il se mesure par rapport au résultat en France."
D'où la suspicion sur la véracité des résultats français présentés par Crouzet, alors qu'une partie de l'activité moteurs avait déjà été transférée au Maroc. Le bénéfice aurait-il, lui aussi, été inscrit dans la filiale marocaine afin d'afficher un résultat moindre en 2021 ? C'est l'un des questionnements de l'avocat, alors que son homologue, qui défend les intérêts de l'entreprise, a présenté une baisse du chiffre d'affaires et du résultat français. "Le motif économique s'apprécie au niveau de la branche d'activité, reprend un salarié. Pour nous, la branche, ce sont les moteurs. Mais eux mettent tout sous l'intitulé Mechatronics, qui existe seulement depuis octobre 2021."
Ce qui occupe la grande majorité des salariés ne s'applique pas aux cinq représentants du personnel, qui vivent toujours une situation ubuesque, comme salariés "protégés" : ils ne sont pas licenciés alors que le site sur lequel ils travaillaient a fermé. "Désormais, soit leur mandat syndical arrive à expiration, explique Me Ottan, soit l'administration autorise leur licenciement. Mais s'ils valident un licenciement économique, on ne sera pas d'accord." Ceux en milieu de carrière attendent désormais l'autorisation de la ministre du Travail de pouvoir répondre favorablement à une proposition d'emploi, alors même qu'ils ne seront toujours pas licenciés de Crouzet. "Ubuesque" serait presque un euphémisme.
Le 2 juin, une présentation des comptes aura lieu devant le comité social et économique au siège de Valence. Pour la première fois, les comptes seront donnés au cabinet Syndex, d'expertise comptable, qui assiste les salariés et donnera certainement une version différente de l'analyse des comptes que les avocats de Crouzet. En gardant à l'esprit que Crouzet, désormais libéré du site alésien, est en passe de faire entrer son activité aéronautique dans un nouveau fonds d'investissement dont l'État ne serait pas absent (*).
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
* Objectif Gard reviendra sur ce sujet dans les prochains jours.