ÉDITORIAL La vraie Marine ou la nouvelle Marine ?
Elles ont le sourire aux lèvres les équipes de la Marine. Alors que le premier tour de la Présidentielle aura lieu dimanche, elles en sont persuadées, leur favorite sera la prochaine présidente de la République. Les intentions de vote de ces derniers jours indiquent, il est certain, une dynamique qui pourrait se transformer en victoire. Mais le chemin est long, très long. D'abord parce que Marine Le Pen reste, quoi qu'elle en pense, à la tête d'un mouvement d'extrême-Droite. Ses propositions sur le choix de la préférence nationale ou de l'interdiction du voile dans la sphère publique, pour une seule catégorie de la population, sont des marqueurs discriminatoires et dangereux. Ensuite, parce que sa capacité à se renier sur ses croyances précédentes ne dupera personne. En 2017, c'est bien elle qui avait déclaré que la France n'était “pas responsable” de la rafle du Vél’ d’Hiv, en juillet 1942 à Paris, et de 13 000 juifs arrêtés par les autorités françaises. Suggérant la promotion d'un « roman national » et refuser les repentances d’État ? On ne peut pas non plus oublier, il y a cinq ans, sa volonté de sortir de l'Europe, de mettre en place une double monnaie et de supprimer sur le territoire la directive "détachement des travailleurs" et proposer le contraire ensuite. Idem sur la Russie. Aujourd'hui, la fille Le Pen a pris ses distances avec le régime dirigé par Vladimir Poutine. Mais en 2017, elle se disait notamment favorable à un "rapprochement stratégique" pour lutter contre l’État islamique. D’autre part, elle estimait que l’annexion de la Crimée en 2014 n'était pas illégale, ce qui laissait entendre que les sanctions décidées par l’Union européenne et les États-Unis contre la Russie des suites de cette annexion n'étaient pas justifiées. Sur l'immigration, son programme de l'époque n'aurait rien à envier à celui d'Éric Zemmour aujourd'hui. Entre le rétablissement des frontières nationales, la sortie de l’espace Schengen, la suppression de la double nationalité extra-européenne ou encore de l’aide médicale d’État pour les nouveaux entrants. Sans oublier le principe d’assimilation à celui d’intégration. Alors oui, il est possible que Marine Le Pen ait changé profondément d'avis sur de nombreux sujets. Une fois encore. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le polémiste Zemmour a surgi. Mais une question reste en suspens. Une fois élue, Marine le Pen pourrait-elle se renier une nouvelle fois ? Est-ce qu'au pouvoir, c'est la version 2022 ou celle de 2017 qui présidera ? Si ce n'est celle des années 2000 ? Poser la question...
Abdel Samari