FAIT DU JOUR À Anduze, les Terrasses du Gardon rouvrent deux ans après les inondations
Il en aura fallu de la persévérance, à Pauline et Mickaël Choclan, pour aboutir à ce jeudi 20 octobre qui verra - enfin ! - la réouverture de leur restaurant, les Terrasses du Gardon, traversé et ravagé par la crue du 19 septembre 2020.
Comme si les travaux à mener ne suffisaient pas, il a fallu naviguer entre expertises et contre-expertises, indemnités discutées par les assurances, artisans heureusement conciliants et réfection du sol au plafond. Une montagne que le couple continue d'escalader. La réouverture, dans ce contexte, est une refuge salvateur. Dans la salle de restaurant, rutilante, Pauline est encore pendue au téléphone. À trois jours de l'ouverture, les chaises neuves sont empilées en attendant d'être disposées et les derniers détails sont en train d'être réglés. Plus de deux ans après l'inondation qui avait traversé le restaurant, détruit les grilles de la terrasse et abattu un mur de la réserve, la vie est en passe de reprendre.
L'aboutissement d'un parcours semé d'embûches. "Ç'a été très compliqué, souffle Pauline Choclan. Et très long avec les assurances, entre expertises et contre-expertises. À titre d'exemple, la dernière a duré six heures. J'en suis sortie à plat." Pauline comprend pourtant que le bâtiment est gros, qu'il y avait "beaucoup de choses à lister". Le fait d'être rompue aux négociations n'aura pas non plus été inutile. Pour autant, tout n'est pas réglé avec les assurances. "Et puis, les pertes d'exploitation ne se récupèrent qu'à la réouverture du commerce."
Le prêt garanti par l'État, attribué pour la période covid, s'est révélé utile en période d'inondation
Si les ministres Darmanin et Pompili avaient rivalisé de mots cajoleurs à leur descente d'hélicoptère, suite à la crue qui avait ravagé l'amont d'Anduze côté Gardon de Saint-Jean, le couple n'a pas vu un sou de l'État. Le maintien de son activité ne doit rien à tout ceci, plutôt au contexte de l'époque et la mise en place du Prêt garanti par l'État (PGE) pour limiter les faillites pendant la période covid. "On avait anticipé sa demande parce qu'on s'attendait à un nouveau confinement à l'automne 2020, confie Mickaël. Et heureusement qu'on l'a obtenu, sinon on n'aurait jamais tenu." Dans l'intervalle, au passage, Pauline a dû combattre un covid dont les restes sont encore fortement d'actualité.
Les promesses de soutien et de subventions, Pauline et Mickaël préfèrent donc les oublier pour ne pas entretenir l'amertume. Mais le ministre de l'Intérieur, contrairement à son engagement, n'a fait parvenir aucun chèque pour aider au remboursement du PGE. "Quand j'ai réclamé cette aide, on m'a rétorqué que l'État ne pouvait pas intervenir entre une assurance et son client", conclut Pauline sur le sujet. La mairie, en revanche, a soutenu le couple "dans les limites de ce qui lui était possible". Tout comme les artisans, "qui ont été hyper bienveillants et se sont montrés disponibles dès qu'ils l'ont pu".
"Le sol était bouffé, il n'y avait quasiment plus de ciment"
Il fallait bien pouvoir compter sur un peu de soutien face aux travaux pharaoniques qui s'annonçaient. "On a dû tout casser à l'intérieur, jusqu'à la dalle et la chape", rembobine Pauline. Un mini-tractopelle a même longtemps élu domicile directement dans la salle de restaurant. En plus de l'eau venant du Gardon, une vague est venue s'écraser dans la salle quand un mur qui protégeait la réserve, à l'arrière, a cédé sous la pression de l'eau. "Le limon était entré dans les parpaings. Le sol était bouffé. Il n'y avait quasiment plus de ciment, résume la restauratrice. Deux ans après, quand l'électricien est venu souffler les prises par sécurité, du limon en est encore sorti."
Pour autant, Pauline et Mickaël ne se voyaient pas reprendre une affaire ailleurs. "C'était soit ici, soit on arrêtait", tranche Pauline, après huit ans d'exploitation dans la cité de la Porte des Cévennes. Ils ont néanmoins apporté quelques modifications aux lieux, pour ne pas revivre le même cauchemar en cas de nouvelle crue. Le mur de la réserve ? Il a été renforcé et "ne tombera plus", en sourit Mickaël. Les clôtures de la terrasse ? "On les a faites de différentes hauteurs par rapport au sol, décrit Pauline, de manière à laisser courir l'eau." Le restaurant s'est aussi équipé de batardeaux plus hauts. Et voit avec plaisir - même si c'est un peu tard aux yeux des propriétaires - les matériaux être actuellement retirés du lit du Gardon, en amont du pont submersible (relire ici).
En deux ans, le couple Choclan a aussi assisté à la hausse des coûts de production. L'énergie est évidemment en cause, mais pas seulement. "Pour le même type de frigo on passe de 1 000 € quand on les avait achetés, à 3 000 € aujourd'hui, témoigne Pauline les yeux écarquillés. On a quand même pris une claque." Les prix vont donc nécessairement augmenter par rapport à 2020. Les menus varient aussi un peu pour surprendre les habitués. "Mais on fait toujours la cuisine qu'on sait faire", rassure Pauline Choclan. Au menu, donc, cuisine française sur fond de grillades, au bord de l'eau et sur un tout nouveau grill.
Rassuré, le couple l'est surtout par le nombre de prises de contact d'anciens clients, actuellement, qui s'impatientent après avoir cru que l'établissement rouvrirait dès cet été. Il a aussi été conforté par la possibilité de garder leur salarié cuisinier - "on ne s'est pas laissé tomber", résume Mickaël - et par le fait de trouver rapidement les deux salariés qui manquaient. Jeudi midi sera vraiment un service spécial, d'autant que le restaurant est habituellement fermé ce jour-là. Alors qu'ils continuent les échanges avec leurs assurances et tentent d'obtenir des indemnités, Pauline et Mickaël Choclan peuvent enfin regarder vers l'avant. Porter son regard au loin, ça change déjà beaucoup de choses...
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
Mis à part ce jeudi, le restaurant les Terrasses du Gardon sera ouvert les lundis, mardis, vendredis, samedis et dimanches, midi et soir. Fermeture les mercredis et jeudis. Tél. : 04 66 61 98 40.