Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 04.10.2017 - thierry-allard - 5 min  - vu 685 fois

FAIT DU JOUR À Marcoule, la sûreté nucléaire et la radioprotection sont satisfaisantes, mais…

Le site de Marcoule (Flickr / cc / Kmaschke)

L’Autorité de sureté nucléaire (ASN) présentait ce mardi matin à Montpellier son rapport annuel sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection des sites de la région Occitanie.

Pour les installations de Marcoule, le bilan est plutôt bon, même si des points importants restent à améliorer.

« Un peu de retard »

Si le principal site nucléaire de la région Occitanie reste la centrale de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, le site de Marcoule n’en présente pas moins des enjeux importants. Côté Areva Melox, le site de fabrication de combustible pour centrales MOX, on note huit événements significatifs en 2016, dont sept n’ont pas justifié de classements sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES). En revanche, l’un d’entre eux a été classé au niveau 1, le plus bas, celui de l’anomalie. Il s’agit du seul pour l’ensemble du site de Marcoule pour l’année écoulée. Il s’est produit en juin 2016, et concernait un fût de déchets métalliques contenant une quantité de matière supérieure à la limite autorisée.

Pas de quoi inquiéter l’autorité de sûreté, qui estime que « le niveau de sûreté et de radioprotection reste globalement satisfaisant », explique Aubert le Brozec, l’adjoint au chef de la division de Marseille de l’ASN, compétente sur tout l’ancien Languedoc-Roussillon. L’ASN estime qu’à Melox, « les barrières de confinement demeurent efficaces et robustes, le risque de criticité, à savoir celui de réaction en chaîne, est traité avec rigueur et les enjeux de radioprotection des travailleurs sont traités avec rigueur. »

Vue aérienne de Melox (Photo : S. Le Couster / Areva) • CEA/DEN/MAR/DIR/UCAP

En revanche, l’ASN met le doigt sur les intervenants extérieurs, en d’autres termes les sous-traitants, pour lesquels « des progrès sont attendus sur la surveillance. » « Depuis un arrêté ministériel de 2012, les exploitants nucléaires ont l’obligation de surveillance de leurs intervenants extérieurs, détaille Pierre Juan, adjoint au chef de division installations nucléaires à l’ASN de Marseille. Tous les exploitants doivent développer des processus, et à Melox ces processus ne sont pas complètement déployés. Il y a un peu de retard par rapport aux autres exploitants, mais ils sont sur la voie du progrès. » Melox accuse également un peu de retard sur les travaux prescrits en matière de renforcement de la maîtrise du risque incendie. « La mise en place du plan d’action fait l’objet d’une attention particulière de l’ASN », note Aubert le Brozec. « Globalement satisfaisant » ne veut donc pas dire exempt de tout reproche, donc. Tout est dans la nuance.

(Presque) tout roule pour le CEA, Centraco et Gammatec

Versant CEA Marcoule, le niveau est là aussi « globalement satisfaisant », même si l’ASN estime que « les mesures de protection contre le risque incendie doivent être harmonisées entre les installations et étoffées », souligne Aubert le Brozec. Le sujet fait l’objet d’une « attention particulière » de l’ASN. Concernant le réacteur Phénix, à l’arrêt depuis 2009 et dont le démantèlement a été autorisé par un décret en juin 2016, l’ASN note que les opérations de préparation au démantèlement et la construction de l’unité permettant de neutraliser le sodium restant dans l’installation se font « dans des conditions de sûreté satisfaisantes. » Par contre, l’autorité ne se prive pas d’un petit coup de pression sur le CEA concernant l’évacuation des combustibles usés du réacteur, qui doit être effective en 2025. « Nous y sommes vigilants », rappelle l’adjoint au chef de la division de Marseille de l’ASN.

Le CEA Marcoule se voit adresser un satisfecit de l’ASN concernant la conduite du chantier de l’installation Diadem, qui vise à entreposer des déchets majoritairement issus du démantèlement de Phénix, et sur le transfert d’activité du laboratoire LEFCA de Cadarache vers l’installation Atalante. En revanche, l’autorité se montre « attentive aux métiers de support, essentiels pour la poursuite des expérimentations dans des conditions sûres. »

On passe à Centraco, qui fait dans l’incinération et la fusion de déchets faiblement radioactifs, exploitée par Socodei, une filiale d’EDF. Durablement marquée par l’accident mortel de 2011, l’installation présente d’après l’ASN « un niveau de sûreté et de radioprotection globalement satisfaisant », elle aussi. Et si l’ASN a levé en 2016 sa surveillance renforcée sur le site, elle reste encore particulièrement vigilante, et attentive notamment « au retour des déchets à leur producteur après traitement. Notamment dans le cadre des contrats avec l’Espagne », précise Aubert le Brozec. Enfin, dernière installation nucléaire de Marcoule, le laboratoire Gammatec, qui ionise du matériel médical en vue de sa stérilisation. Aucun événement significatif n’est à signaler en 2016, tout juste l’ASN attend-elle « des progrès concernant la gestion des modifications, la traçabilité et la formalisation des contrôles et essais périodiques. »

L'ASN a présenté son bilan 2016 pour la région Occitanie ce mardi matin à Montpellier (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Le nucléaire médical, moins satisfaisant

Le nucléaire ne concerne pas que les centrales : ainsi, dans le domaine médical notamment, l’ASN adresse « un bilan mitigé » en ce qui concerne les pratiques interventionnelles radioguidées, qui consiste en l’utilisation de rayons X pour les interventions médicales. L’ASN y note « un défaut de culture de la radioprotection des praticiens du bloc opératoire ». Mais aussi, de l’autre côté de la blouse, « des progrès attendus concernant l’optimisation des doses délivrées aux patients. » Et il s’agit d’un avis global de l’ASN : « plus d’une centaine d’établissements sont concernés en Occitanie », relève Aubert le Brozec.

Côté transport également, le domaine médical est pointé du doigt par l’ASN, qui relève de nombreuses lacunes, dans « la vérification des colis à l’expédition et à la réception, les protocoles de sécurité, la formation du personnel et le système de management de la qualité ». Avant d’évoquer une prise de conscience par les services de médecine nucléaire de leurs obligations réglementaires du qualificatif de « progressive. » Les autres secteurs du transport nucléaire sont quant à eux jugés « satisfaisants. »

D’une manière générale, à l’issue des 130 opérations de contrôle qu’elle a mené dans la région en 2016, l’ASN estime que « le niveau de la sûreté nucléaire et de la radioprotection reste globalement satisfaisant. On est sur les mêmes conclusions que pour 2015, et en hausse par rapport à 2014 et 2013 qui étaient "assez satisfaisantes"», souligne Aubert le Brozec. Ça tombe plutôt bien, c’est cette nuance de « satisfaisant » qui est aussi attribuée au niveau national, faisant de l’Occitanie un élève dans la moyenne du pays.

Et aussi :

Une délégation d'anti-nucléaires s'est invitée à la conférence de presse de l'ASN, mardi matin à Montpellier (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Anti nucléaires : une délégation de cinq personnes membres des collectifs Arrêt du nucléaire 34 et Stop Nucléaire Drôme Ardèche avait fait le déplacement à Montpellier l’occasion de la conférence de presse. Les anti-nucléaires ont dû quitter les lieux, non sans avoir dénoncé le fait que « la transparence n’est jamais de mise dans le monde du nucléaire », par la voix du porte-parole d’Arrêt du nucléaire 34 Didier Latorre.

La délégation a attendu la fin de la conférence de presse pour estimer devant la presse que « l’ASN n’est pas indépendante, ni crédible », dixit le porte-parole de Stop nucléaire Drôme Ardèche Dominique Malvaud. Les anti-nucléaire présents, tout comme l’ensemble de la population, ont été invités par l’ASN à se rendre le 7 novembre au Visiatome de Marcoule pour une réunion publique autour de la Commission locale d’information (CLI).

ASTRID : le projet de réacteur de quatrième génération, qui pourrait voir le jour à Marcoule, « ne fait pas l’objet d’un suivi particulier », note Aubert le Brozec. Concernant ce projet du CEA, « on en est au stade des options de sûreté, que l’exploitant doit présenter à l’ASN, ce sont des échanges qui peuvent être très longs », précise Pierre Juan.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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