FAIT DU JOUR À Saint-Étienne-des-Sorts, un projet de parc médiéval victime des bisbilles municipales
Un parc médiéval, avec des activités ludiques, une troupe de chevaliers en costumes proposant des spectacles, une buvette, une piste avec spectacles de chevaux, des vide-greniers et un petit marché de producteurs les week-ends : voilà ce à quoi aurait dû ressembler l’été sur le terrain municipal de 25 000 mètres carrés qui accueillait autrefois le parc aquatique Moby Parc, à Saint-Étienne-des-Sorts, petit village d’un peu moins de 600 habitants près de Bagnols.
Or, le terrain inoccupé depuis plus de deux ans, en cette mi-août, est encore loin d’être aménagé, et son portail est resté fermé par une chaîne tout l’été. « On aurait dû ouvrir le 8 juillet », souffle Pascal Quittard, à l’initiative du projet de parc médiéval. Cet éthologue équin auparavant installé à Saint-Christol-de-Rodières, qui fait aussi dans les spectacles équestres, a été freiné dans son élan. Pourtant, il bénéficie d’une convention avec la mairie qui lui permet de louer et d’aménager le terrain.
« Je suis venu cinq fois en mairie pour présenter le projet, je me suis entretenu avec la maire et le conseil municipal existant à l’époque, avec sept élus », rembobine-t-il. C’est là où le bât blesse : entretemps, l’opposition qui avait démissionné au printemps pour provoquer une élection partielle, a passé ses huit élus en juin. Résultat : à Saint-Étienne-des-Sorts, l’opposition est… majoritaire. L’ancien maire Didier Bonneaud, désormais premier adjoint, et ses sept élus sont techniquement aux commandes de la commune, la maire Patricia Garnero ne comptant que sept élus au conseil municipal.
« C’est un champ de mines »
Et cette nouvelle majorité a donc décidé de suspendre la convention. « Cette convention a été signée par le maire le 1er juillet, or nous ne le savions pas, nous avons été mis devant le fait accompli, on s’en est rendus compte lorsqu’on a vu qu’un cheval traînait sur le terrain », affirme Didier Bonneaud. Si cette nouvelle majorité a décidé de suspendre la convention, c’est qu’elle souhaite « savoir ce qu’il y a dedans. »
Didier Bonneaud l’affirme : « il nous va bien, ce projet. » Un problème de forme donc, pas de fond. Pour la maire Patricia Garnero, c’est une manière pour la nouvelle majorité de « s’imposer, de dire c’est nous les patrons. » Pascal Quittard serait donc une victime collatérale des querelles entre les deux camps municipaux. « Non, il est une victime de celle qui lui a signé la convention sans la présenter avant, sinon ça aurait été une simple formalité », estime pour sa part Didier Bonneaud.
En attendant, Pascal Quittard a mené une grève de la faim durant trois jours pour se faire entendre. Il indique avoir subi « un perte d’argent conséquente, j’en ai pour 4 500 euros par mois pour l’entretien de la cavalerie, et comme je l’ai dit au conseil municipal : qui va payer la facture ? Et les troupes programmées ont aussi perdu de l’argent. » Pour lui, c’est clair : il est victime d’une « guerre de clocher. » « C’est un champ de mines, je suis entre l’enclume et le marteau, je me sens un peu otage », reprend-t-il.
Et ce alors que Patricia Garnero le martèle : « la convention est valide, la préfète m’a donné raison cette semaine. » Pour elle, la responsabilité de la situation incombe à la nouvelle majorité, ce que conteste Didier Bonnaud : « s’il y a une polémique, c’est par le maire, une de ses élues et différentes personnes qui veulent tout faire pour que le projet capote et ainsi créer un angle d’attaque pour nous fragiliser. » Pour le premier adjoint, qui accuse le camp d’en-face d’attaques et insultes sur les réseaux sociaux, c’est clair, « Monsieur Quittard est manipulé. » Entre les deux hommes, il y a eu de l’orage : « J’ai eu une réunion un peu houleuse avec lui, affirme Pascal Quittard. Oui, je lui en veux un peu. »
« Remettre le conseil municipal au centre des décisions »
Un comité de soutien s’est monté pour défendre le projet, et une pétition a été lancée en ligne. Elle avait regroupé près de 140 signatures au moment du bouclage de cet article. « On s’en fout de signatures si ce ne sont pas des Stéphanois », balaie Didier Bonneaud. Le cas Quittard préfigure-t-il la manière dont les choses vont se passer désormais à Saint-Étienne-des-Sorts ? « J’en ai peur, lance Patricia Garnero. Je sais que continuer à travailler avec eux, ça ne va pas marcher, il va y avoir des blocages. »
Pour Didier Bonneaud, il s’agit simplement de « remettre le conseil municipal au centre des décisions. » Dans ces conditions, la maire devenue minoritaire devrait-elle démissionner ? « On ne lui demande pas de démissionner, mais on ne va pas lui faciliter la vie si elle ne veut pas travailler avec le conseil municipal et si elle ne respecte pas les Stéphanois », affirme-t-il. Démissionner, Patricia Garnero y a pensé, ne serait-ce que pour débloquer la situation de Pascal Quittard. « Mais la préfecture m’a donné raison, je compte bien rester », dit-elle désormais.
Reste que ses pouvoirs, déjà amputés par la perte de sa majorité, vont encore se réduire à la faveur d’un conseil municipal extraordinaire convoqué par la nouvelle majorité la semaine prochaine. Outre le projet de parc médiéval, il va être question de supprimer « une grande partie des pouvoirs de signature du maire, son pouvoir va se réduire à peau de chagrin », présente Didier Bonneaud. Quant aux blocages redoutés par Patricia Garnero, « il n’y en aura pas si les choses vont dans l’intérêt général », ajoute-t-il.
En attendant, Pascal Quittard, qui a pris un avocat, doit s’asseoir sur sa saison. « J'avais des spectacles prévus jusqu’au 10 septembre, tout est annulé, regrette-t-il. On va essayer de se rattraper en septembre-octobre, mais je ne sais pas ce que ça va donner. » Une chose est sûre : si son projet finit par aboutir, « Didier Bonneaud ne sera pas le bienvenu. »
Thierry ALLARD