FAIT DU JOUR Énergie : le Gard dit oui au solaire, non à l’éolien
Ce n’est pas à vous que nous l’apprendrons : notre département est à la fois baigné de soleil, et balayé par le mistral et la tramontane. Il semble donc tout indiqué pour accueillir à la fois des centrales photovoltaïques et des parcs éoliens.
Le Gard, champion régional du solaire
Côté solaire, le Gard fait partie du haut du panier : avec 230 MW de puissance raccordée au 30 septembre dernier, notre département se classe premier de la région Occitanie, elle même deuxième au niveau national tant en nombre d’installations qu’en puissance, 20 % de l’énergie solaire produite dans le pays provenant de notre région. Il faut dire que Gard a vu pulluler les centrales solaires ces dernières années, notamment dans l’Uzège.
C’est dans la garrigue uzégeoise que se trouve justement le plus éclatant exemple de cette croissance du solaire dans notre département, à Belvézet, 270 habitants, entre Uzès et Lussan. Ici, 50 hectares de panneaux photovoltaïques ont poussé entre 2014 et 2017. Un dossier qualifié d’« exemplaire » par le préfet Didier Lauga, lors de l’inauguration d’une nouvelle partie de l’installation en octobre dernier. Un préfet qui ne tarissait alors pas d’éloges sur ce projet, « une superbe réalisation qui va dans le sens des dispositions du gouvernement et du traité de Paris. » Dans le sens aussi de la loi sur la transition énergétique : même si l’objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique d’ici à 2025 a été reporté par le gouvernement, les initiatives permettant de diversifier les sources d’électricité sont vues d’un bon oeil par les représentants de l’Etat. Le secrétaire général de la préfecture François Lalanne ira même jusqu’à dire que « le Gard incarne cette politique », début octobre lors de l’inauguration de la centrale photovoltaïque de la Capelle-et-Masmolène, 20 hectares, toujours dans l’Uzège. Et répondant à l’interpellation du président de la Générale du Solaire et du syndicat Enerplan Daniel Bour, le préfet annoncera même la désignation prochaine d’un « Monsieur Solaire » à la Direction départementale des territoires et de la mer, et ce afin de faciliter le suivi des projets photovoltaïques.
Bref, tout roule pour le solaire dans notre ensoleillé département. Il faut dire qu’Hélios est généreux. Très généreux : le propriétaire du terrain sur lequel est implanté la centrale, en général la commune en question, touche de coquets subsides sous forme de loyers. Pour Belvézet, « il y a une partie fixe et une partie variable, c’est entre 130 et 150 000 euros par an pendant 25 ans », nous expliquait à l’époque le maire Raymond Bonnefille. Pour la Capelle-et-Masmolène, c’est de l’ordre de 50 000 euros annuels, de l’aveu du maire Jean-Claude Saorin. Pas anodin du tout en ces temps de baisse drastique des dotations de l’Etat aux collectivités. Surnommé l’« émir du solaire » par le préfet himself, Raymond Bonnefille note que « ça compense largement les baisses de dotations de l’Etat. » Tellement qu’il a pu enfin lancer le chantier de l’église du village grâce à ce qu’il qualifie poétiquement d’« or vert des garrigues. »
Alors oui, il y a bien eu des opposants — que le maire qualifie de « sceptiques » — parmi sa population, mais il assure que c’était seulement « au début, à cause de la coupe de bois. » Il a réussi à convaincre en rappelant un chiffre à mettre en regard des sommes perçues par la municipalité : « ces 50 hectares, c’est seulement 3 % de la surface de la commune. »
Le Gard vent debout
Et côté éolien ? C’est pareil : à titre d’exemple, le projet de parc conjoint à Lirac et Saint-Laurent-des-Arbres, qui prévoit l’installation de huit éoliennes de 3 MW chacune, rapporterait 80 000 euros de loyers par an aux deux mairies. Une somme à laquelle s’ajouteraient les revenus fiscaux engendrés, de 130 000 euros annuels à répartir entre les communes, l’Agglo du Gard rhodanien, le Département et la Région.
Pourtant, le Gard ne compte qu’un parc éolien, à Beaucaire, pour une production totale de 12 MW. Une goutte d’eau, ou plutôt une très légère brise dans la bourrasque de l’éolien en Occitanie, la troisième région de France sur ce plan. Pas de quoi étonner le président d’honneur de la fédération Vent de Colère, le Gardois Alain Bruguier. Véritable Don Quichotte du XXIe siècle, il ne se bat pas contre les moulins à vent, mais contre les éoliennes. « Une éolienne fait un vacarme épouvantable, et ce jusqu’à 5 kilomètres, notamment dans les vallées avec le phénomène d’écho, affirme-t-il. Ça rend les maisons invendables, d’ailleurs on a vu cette année un arrêt de la Cour de cassation annuler la vente d’une maison pour cette raison. »
De fait, les projets éoliens suscitent bien plus d’oppositions et de controverses que les projets photovoltaïques : citons le projet de Valliguières, contre lequel une pétition et des manifestations se sont tenues il y a un an, et ce alors que la mairie n’a toujours pas arrêté sa décision de faire ou pas ce parc, à Crespian, ou la mobilisation a également été forte et le projet abandonné, aux Plans, où le projet a été abandonné en 2014 suite à un référendum qui a donné 82 % de « non »… « Il y a eu 34 projets au cours des 15 dernières années dans le Gard, note Alain Bruguier. On en a fait capoter 33. » Pour lui, dès que les élus et la population entendent les arguments des anti-éoliennes, « ils ne peuvent qu’être contre. »
Et à part le bruit et l’impact visuel d’engins qui culminent il est vrai à des hauteurs proches de la centaine de mètres, les opposants pointent aussi la productivité de l’éolien. « Le facteur de charge d’une éolienne est d’autour de 20 % en moyenne », explique Alain Bruguier. Ce qui signifie concrètement que l’installation ne produit de l’électricité que 24 % du temps en moyenne, contre 75 % pour le nucléaire. Le photovoltaïque fait encore pire, avec 9 à 13 %. Pour Alain Bruguier, c’est certain : « on ne sortira pas du nucléaire avec des éoliennes et du photovoltaïque, il faut être sérieux ! » Lui prône l’hydraulique, et même le microhydraulique, sur les fleuves et rivières, et qualifie le vent et le soleil « d’énergies intermittentes et aléatoires. »
Côté chiffres, sur les 531 TWh produits en France l’année dernière d’après RTE, seuls 20,7 TWh provenaient d’éoliennes et 8,3 TWh du solaire. Un chiffre en baisse de 1,8 % pour l’éolien et en hausse de 11 % pour le solaire, mais encore loin, très loin de l’objectif de la loi sur la transition énergétique : en 2016, 384 TWh provenaient de l’énergie nucléaire, soit 72 % de la production.
Thierry ALLARD