FAIT DU JOUR Entre État et direction, au camping Les Cascades, les nouveaux mobil-homes posent problème
"Ne me faites pas regretter d'être venue." Les mots de la préfète du Gard, Marie-Françoise Lecaillon, témoignent de l'âpreté de la discussion qui s'est tenue avec Nicolas Dayot, président de la FNHPA (Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air). Tous deux ont échangé au camping Les Cascades de La Roque-sur-Cèze ce mercredi, qui craint de devoir mettre la clé sous la porte, si une solution n'est pas trouvée pour 25 de leurs nouveaux mobil-homes.
En effet, il y a deux ans, les responsables du camping des Cascades - qui compte 136 emplacements - ont installé 25 nouveaux mobil-homes. Or, ces derniers ont été placés dans une zone du camping qui se trouve en site classé, de par sa proximité et sa covisibilité avec les cascades du Sautadet. Pour respecter le code de l'Environnement, il aurait fallu demander une autorisation spéciale pour effectuer des modifications qui peuvent avoir un effet sur l'esprit des lieux. "Les exploitants de campings ont découvert la règle récemment alors que leur établissement existait bien avant. L'administration demande cette autorisation et si elle est refusée, il faut tout enlever. Le camping fait faillite et le territoire perd son attraction touristique", lance Nicolas Dayot.
Le camping des Cascades pourrait perdre la moitié de son chiffre d'affaires s'il fallait retirer les hébergements. "Surtout qu'on rencontre aussi une problématique technique. En bas du site, on ne peut pas mettre de caravanes et de camping-cars car la pente est trop forte. On est en RNU (Règlement national d'urbanisme, ndlr) ici et on ne peut pas construire de sanitaires", rebondit Giulia Ranzato, directrice et propriétaire du camping, qui a pris la suite de son père il y a cinq ans.
Trouver un "équilibre juridiquement valable et économiquement viable"
Au camping roquairol, on plaide la bonne foi, d'autant que le classement est survenu bien après la création de l'établissement. Pas de quoi attendrir la préfète qui demande aux gérants de faire les demandes en espérant obtenir leur dérogation ministérielle. "Vous êtes en site classé. Mettre des tentes ou des mobil-homes, ce n'est pas la même réglementation. [...] Quand on a un projet sur un terrain, on se renseigne sur les contraintes en vigueur. [...] Nul n'est censé ignorer la loi", rétorque-t-elle, sensible à ce que les espaces ne se trouvent pas dénaturés par l'activité touristique.
Aux yeux d'Éric Giraudier, président de la chambre de commerce et d'industrie du Gard, qui a également fait le déplacement : "Il y a une complexité juridique, avec l'évolution des lois sur l'environnement qui aujourd'hui prévalent. Mais on voit qu'il y a une volonté d'intégration paysagère sur ce site." Tous espèrent qu'un "équilibre juridiquement valable et économiquement viable" va pouvoir être trouvé pour ce camping, qui emploie localement 45 personnes et qui figure parmi les établissements phares de la destination Provence Occitane qui accueille 100 000 visiteurs environ chaque été. Beaucoup d'entre eux passent par La Roque-sur-Cèze, classée parmi les "Plus beaux villages de France".
Pour aider les campings à se conformer et à adopter de bonnes pratiques, le Gouvernement a d'ailleurs acté la publication d'un guide national sur l'insertion paysagère des campings en site classé. "On est vraiment dans la recherche de consensus : ne pas tuer l'entreprise et ne pas dégrader le site", résume Nicolas Dayot. Pour ce qui est du camping des Cascades, les gérants ont déjà accepté d'engager plusieurs travaux pour mieux respecter cette intégration paysagère en remplaçant le sol de l'aire de jeux par des copeaux, en faisant disparaître les filets des terrains multisports pour qu'il n'y ait aucune visibilité avec le Sautadet, mieux habiller le parking visiteur pour qu'il soit masqué, déménager les hébergements du personnel...
Aujourd'hui, en France, une nuitée touristique sur deux se fait en camping
"Déjà quatre exigences sur cinq émises par la DREAL vont être prises en compte par l'établissement qui va assumer les investissements. Ça montre la volonté d'avancer mais le point bloquant reste ces 25 mobil-homes", explique Gilles Rigole, vice-président de la FHPA en charge du Gard. L'équipe du camping des Cascades et lui souhaitent que la prochaine commission des sites prévue à l'automne débloquera le dossier.
Selon le président national FNHPA, 300 campings français seraient dans cette situation, notamment ceux des sites classés de l'île de Ré ou de la dune du Pilat. "On ne demande pas la création de nouveaux campings en France (elle est désormais interdite en site classé d'ailleurs, ndlr), mais il faut stopper la disparition des existants", lance Nicolas Dayot, en rappelant que la France reste leader en Europe sur le secteur mais pourrait bien se faire doubler par les pays voisins si l'offre continue à s'amenuiser. Mais aujourd'hui encore, le camping représente 50% des nuitées des touristes en France et 8% du PIB du pays.
Marie Meunier