FAIT DU JOUR Galère et inquiétude pour des dizaines de campings gardois lâchés par leurs assureurs
La problématique est nationale mais particulièrement présente dans le Gard. Ces derniers mois, quelques compagnies d'assurance ont décidé de se désengager des contrats qui les liaient avec des campings qu'ils jugent trop exposés aux risques. Plusieurs centaines d'établissements sont concernées à l'échelle hexagonale dont une cinquantaine dans le Gard. Parmi eux, plusieurs ont dû attaquer la saison avec une simple responsabilité civile.
Les campings sont-ils devenus persona non grata au sein des compagnies d'assurance ? La question se pose depuis la fin de l'année 2019 et les importantes intempéries qui ont touché le Var. "Les principaux assureurs ont décidé de revoir leurs portefeuilles clients, explique Jean Laborde, expert d'assurés auprès de la Fédération nationale d'hôtellerie de plein air (FNHPA). Certains ont souhaité quitter le marché des campings en résiliant leurs contrats à date anniversaire, d'autres l'ont rompu avec les établissements les plus exposés aux risques."
Le Gard, fortement touché par des inondations à l'automne dernier, n'est pas épargné. Une cinquantaine de campings - dont la quasi-totalité de ceux situés près des berges du Gardon - ont vu leurs contrats unilatéralement résiliés.
Pas sinistrés mais résiliés
Parmi eux, le Castel Rose, situé à Anduze, n'avait pourtant pas été sinistré lors de la crue. "D'ailleurs, Groupama Méditerranée nous a immédiatement rassurés début octobre en nous disant qu'il n'y aurait pas de problème, se rappelle le gérant, Emmanuel Widehem. Trois semaines plus tard, on nous virait par lettre recommandée avec accusé de réception."
Sans couverture au 1er janvier, le Castel Rose n'a pas trouvé de nouveau contrat tout de suite. "On ne nous a proposé aucune solution, regrette Emmanuel Widehem. Après trois mois de recherches accompagnées par la FNHPA, Groupama d'Oc a paradoxalement accepté de nous prendre. Nous avons par contre dû consentir à une hausse de charges de 2% ainsi qu'à une diminution de nos garanties."
Un moindre mal par rapport à leurs voisins du Bel été, eux aussi à Anduze, qui avaient été submergés par les eaux en septembre. "Nous sommes toujours sans contrat, personne ne veut de nous, peste Olinda Amsaleg, la propriétaire. On a rempli des dizaines de dossiers, en vain. Même pour trouver une responsabilité civile en France c'était impossible. Nous avons dû faire appel à une compagnie étrangère."
Anduze particulièrement touchée
Dépitée, elle se prépare à passer la saison sans assurance pour ses biens matériels. "Pour cette année, on a jeté l'éponge, reconnaît Olinda Amsaleg. En cas de sinistre, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer. Si on reprend le même épisode que l'année dernière, on sera bons pour fermer le camping."
Le cas du Bel été n'est pas isolé. Une dizaine de campings gardois actuellement sans solution ont été recensés par la FNHAP, qui compte 95 adhérents parmi les 150 établissements du département, et se démène pour dénouer la situation. "Le problème c'est qu'à partir du moment où un camping est radié, il est considéré comme à risques par les autres assureurs, pointe Gilles Rigole, propriétaire du domaine de Massereau à Sommières et vice-président fédéral en charge du Gard. Nous avons récemment déclenché une démarche au niveau national pour débloquer ce sujet."
En attendant, Olinda Amsaleg perd patience. "Il y a des compagnies d'assurance qui sont soit-disant partenaires de la Fédération, mais dès qu'un camping est en difficulté elles sont aux abonnés absents, regrette-t-elle. C'est une drôle notion du partenariat. À Anduze, on est plusieurs à être dans le même cas. Alors on se serre les coudes. Dès que l'un d'entre nous entend parler d'une solution, il prévient les autres."
Plus surprenant, le camping de l'Espiguette - établissement communal du Grau-du-Roi qui figure parmi les plus grands d'Europe - s'est lui aussi retrouvé sans contrat. "Nous sommes en train de chercher un accord avec l'assurance de la Ville, annonce le maire, Robert Crauste. On devrait arriver à trouver une solution rapidement."
Du côté de la FNHPA, l'expert d'assurés Jean Laborde tente d'inciter les propriétaires à se réorganiser pour rassurer les compagnies. "Chaque camping est un cas particulier mais il est envisageable pour certains de mettre leurs mobil-homes les plus chers sur les secteurs les moins exposés aux crues, avance-t-il. Il faut aussi qu'il y ait une prise de conscience chez certains exploitants. Il faut considérer l'assureur non pas comme un simple fournisseur mais comme un partenaire et l'assurance comme un investissement et non une charge. Sans elle, un camping n'est pas vendable."
Pour l'heure, et à l'instar des manadiers qui peinent de plus en plus à se faire couvrir par les compagnies, l'avenir de plusieurs campings situés les berges du Gardon s'écrit au conditionnel. Et la saison s'annonce plus incertaine que jamais.
Boris Boutet