FAIT DU JOUR Gilets jaunes : Et maintenant, on fait quoi ?
Jeudi soir, au bar Le Prolé à Alès, une réunion-débat a réuni des Gilets jaunes, des communistes, des syndicalistes, des personnes du monde associatif, des sans-étiquettes… Pendant deux heures, les échanges ont été constructifs, parfois vifs, mais toujours très intéressants.
L’exercice était délicat. Jean-Michel Suau l’a passé avec succès. Jeudi soir, le conseiller départemental communiste a réuni une bonne centaine de personnes dans une salle du Prolé pleine à craquer où se sont côtoyés des hommes - en grande majorité - de tous les univers. Aussi bien des syndicalistes de la première heure que des gilets jaunes de la dernière.
Ce melting-pot a bien pris et Jean-Michel Suau, en animateur de soirée, pondérant les quelques éclats de voix et commentant certains propos, a réalisé une sacrée prouesse : celle de faire parler de politique des gilets jaunes qui ne veulent, a priori, pas en entendre parler. A priori car, en creusant un peu, ces gilets jaunes, ces citoyens qui prônent l’apolitisme, ont bien été obligés d’admettre qu’ils ne sont pas sans sensibilité, qu’en arrivant sur un rond-point ils ne perdent pas tout discernement. Et pas plus ce qu’ils sont et pensent profondément.
« Si on se divise, on est tous morts ! »
Ce fut, jeudi soir, un point central du débat. Dans le public, un certain Thierry demande la parole. L’homme se présente comme communiste et cégétiste. « Je cumule », plaisante-t-il avant de parler plus gravement du sujet qui le préoccupe. Je me sens profondément gilet jaune, mais vous ne pouvez pas me demander d’enlever mon étiquette CGT et communiste. Il faut me prendre comme je suis. Vous, les gilets jaunes, vous dites que vous ne faites pas de politique, mais vous faites quoi alors ? Vous ne faites que ça ! C’est de la politique quand vous demandez un RIC (référendum d’initiative citoyenne, NDLR) ».
Un premier gilet jaune abonde : « Oui, on fait tous de la politique, on a tous des penchants pour tel ou tel parti. D’ailleurs, on trouve de tout dans les gilets jaunes ». Henri Gouny, un porte-parole du mouvement, précise : « On n’a jamais refusé que les gens viennent avec leurs étiquettes. On veut juste que ce soit apolitique ». Mais Gimmy Pages, un autre leader alésien des gilets jaunes, semble désirer que ses interlocuteurs du soir - syndicalistes, communistes et autres - se mouillent davantage : « Mais pourquoi ne pas prendre l’étiquette gilet jaune ? Faites voir que vous êtes d’accord avec nous ».
Un dernier gilet jaune, venu de Remoulins, tranche : « Sur le constat, on est tous d’accord. On ne va pas se battre pour savoir si on vient avec son badge ou pas. Je n’en ai rien à secouer de tout ça. Ce qui est beau, c’est ce mouvement qui réunit des milliers de personnes comme elles sont. L’important, c’est comment on va réussir à travailler ensemble, parce que si on se divise, on est tous morts ! ». Salve d’applaudissements.
« Mêlez-vous de la politique ! »
Un autre qui a été très applaudi à chacune de ses deux interventions est… un élu. Il s’agit du maire de Cendras, Sylvain André. Le jeune édile s’est enthousiasmé de cette vague jaune : « Avant, mes amis ne me parlaient que de foot ou de voitures. Depuis le 17 novembre, ils ne font plus que me parler de politique ! », commence-t-il avant de faire un souhait : « Je vous propose une chose que vous pouvez tous faire dès demain. C’est de vous intéresser à la politique. C’est de venir au conseil municipal, d’attraper votre maire, votre conseiller départemental, votre député et de lui dire si vous n’êtes pas d’accord. On s’engueulera, mais au moins on ne déléguera pas le pouvoir à d’autres. Mêlez-vous dès demain de la politique à tous les niveaux de notre pays ». Et le mot de la fin, plutôt joli, est celui d’un trentenaire présent dans le public : « Le gilet jaune, on l’a mis pour que le citoyen soit enfin vu ». Il ne reste plus qu’à être complètement entendu.
Tony Duret