FAIT DU JOUR Journée des aidants : qui sont ces "invisibles du quotidien" et que fait-on pour eux ?
Ce jeudi 6 octobre, se tient la journée nationale des aidants. Des événements sont organisés partout dans le Gard pour mettre en lumière et offrir une respiration à ces "invisibles du quotidien". Mais qui sont les aidants ? À quoi ressemble leurs journées ? Qu'est-ce qui est mis en place pour eux sur les territoires ? On fait le point.
Un aidant ou proche aidant est quelqu'un qui assiste au quotidien une personne handicapée ou en perte d'autonomie de son entourage. Cela peut être un senior qui s'occupe de sa moitié, un adulte qui prend soin d'un parent âgé ou des parents en charge de leur enfant handicapé. Les situations sont multiples mais très répandues. Le ministère de la Santé estime entre 8 et 11 millions le nombre d'aidants en France. Pourtant leur statut peine à être reconnu. Certains aidants peuvent tomber dans un sentiment d'isolement, d'oubli de soi en s'occupant pleinement de leur proche. D'autres le vivent mieux, même si le quotidien n'est pas toujours rose. C'est le cas de Jean Joubert, un Villeneuvois de 83 ans, qui a été l'aidant de sa compagne, Nicole, pendant huit ans.
En août 2021, il a même publié un livre "Alzheimer, même pas peur!", où il raconte le quotidien auprès de sa belle, rongée par la maladie neuro-dégénérative. Elle décédera malheureusement deux mois plus tard en octobre 2021. Jean se remémore "avec plaisir" son rôle d'aidant : "Je le faisais facilement. On était tellement fusionnels. J'étais elle et elle était moi." L'histoire du couple a débuté 38 ans plus tôt de manière totalement fortuite. Jean pilote sa voiture rutilante rue du Camp de Bataille à Villeneuve lorsqu'une camionnette lui raye accidentellement sa carrosserie.
Les deux conducteurs, bien embêtés, n'ont ni l'un ni l'autre de feuille pour établir un constat. Jean se précipite alors dans la boutique de fleurs en face pour en demander et là, son cœur se met à battre à la chamade quand il aperçoit Nicole derrière le comptoir. Il reviendra quelques jours plus tard lui acheter un bouquet et lui donner un chèque avec comme montant "Mille baisers".
"Aider ceux qui l'ont aidé"
C'est ainsi qu'une belle vie à deux commença. Pendant des années, Jean a dirigé le journal "Éco sud" tandis que Nicole décrochait les contrats publicitaires. À l'aube de la retraite, cette dernière présente déjà des signes de la maladie et a du mal à conduire. "C'est devenu difficile. Au supermarché, elle me suivait et il suffisait que je change de direction pour qu'elle suive quelqu'un d'autre sans s'en apercevoir", narre son homme. Très vite, il a dû faire preuve d'adaptation : "Être aidant, c'est vite décoincer les situations en réagissant calmement et avec le sourire."
Mais ce n'est pas toujours facile. Un jour, alors que Jean s'agace, il découvre deux larmes qui roulent sur les joues de sa femme. "À ce moment-là, je me suis regardé dans le miroir de la salle de bain, je me suis juré de ne plus recommencer. C'est elle qui est humiliée et malheureuse et moi, je me suis comporté bêtement", se rappelle-t-il. Impensable pour lui de laisser sa femme en Ehpad. Quelques fois par semaine, il l'amène à l'accueil de jour entre les bonnes mains des équipes pour s'octroyer des moments à lui. Il est aussi aidé par les femmes du SSIAD (Service de soins infirmiers à domicile), qui chantent et dansent pour rendre le moment joyeux.
Au décès de sa femme, tout ce monde s'effondre. Jean Joubert a passé des heures compliquées, quittant même sa grande maison pour un appartement. Un an plus tard, il est en train de tourner la page sans pour autant oublier celle qu'il a aimé pendant 38 ans. Il s'est inscrit dans une chorale et veut désormais "aider ceux qui (l'ont) aidé." Car sa Nicole l'a "fait grandir et fait découvrir des capacités insoupçonnées de gentillesse, d'altruisme, de patience et d'invention".
"Mon quotidien, c'est mon mari, ma préoccupation, c'est mon mari, et mon avenir, c'est mon mari"
Elles sont nombreuses les personnes, qui comme lui, sont devenues aidantes par amour et par dévouement. C'est le cas aussi de Marie-Claire, 75 ans, qui habite Rochefort-du-Gard et s'occupe de son mari depuis 10 ans. Ce dernier a fait un AVC, devenant hémiplégique. "Il ne fait plus rien alors que c'était quelqu'un de très actif. Une vraie bombe qui n'arrêtait jamais", assure-t-elle. Face à cet accident de la vie, elle a tenu à garder celui avec qui elle partage sa vie depuis 56 ans à ses côtés : "Mon quotidien, c'est mon mari, ma préoccupation, c'est mon mari, et mon avenir, c'est mon mari." Parfois, la tension prend le dessus : "Je monte dans les tours. Je hurle pour que ça sorte sinon ça fait effet cocotte minute."
Alors ce mardi, Marie-Claire s'est rendue à la journée des aidants, organisée à la base de loisirs des Cigales, à Rochefort-du-Gard. Organisée par le syndicat intercommunal SIDSCAVAR et par le Département, cette manifestation vise à offrir une respiration et une écoute aux aidants du territoire. Les participants ont pu s'initier à différentes activités comme la cuisine, le vélo, la médiation animale, la sophrologie, la réflexologie ou même la réalisation d'une oeuvre collective. Le tout dans une ambiance conviviale et amusante pour se délester des tensions du quotidien. L'idée est aussi que les aidants se rencontrent et échangent entre eux pour se sentir moins seuls, et aient accès aux stands d'information pour découvrir ce à quoi ils ont droit.
D'autres journées comme celle-ci sont organisées dans le département, notamment à Nîmes ce jeudi 6 octobre, à Uzès le samedi 8 ou encore à Bagnols-sur-Cèze le jeudi 13. Plus largement, le conseil départemental fédère un réseau d'aidants, de professionnels, d'associations et d'élus dans les territoires pour répondre aux besoins de "ces invisibles" et mieux les soutenir et les accompagner. C'est capital lorsque l'on rappelle ce terrible chiffre : "30% des proches aidants meurent avant leur proche aidé", indique Dalia Coseraru, animatrice du réseau d'aidants en Uzège et Gard rhodanien.
C'est pourquoi, elle et l'Association des aidants d'Occitanie (ADAO) travaillent sur la prévention, le repérage des personnes, qui ont souvent du mal à s'identifier comme aidants. "On est parfois confronté à des situations d'urgence où les aidants sont à bout. Pour trouver des solutions, c'est compliqué. On met à disposition tout un panel d'informations qui peuvent amener du soulagement avant", explique Corinne Costa, présidente d'ADAO.
D'ailleurs, le thème de la fête des aidants cette année, c'est "prendre soin de soi pour prendre soin de l'autre". Encore faut-il parvenir à débarrasser les aidants du sentiment de culpabilité qu'ils peuvent ressentir en prenant du temps pour eux. Mais c'est essentiel pour leur santé et leur équilibre même si ce temps n'est pas toujours facile à trouver. ADAO propose de nombreux ateliers (même en présence aussi des aidés pour faciliter la venue des aidants). Le SIDSCAVAR a aussi créé l'Escale des aidants à Rochefort et propose aussi régulièrement des activités. De nombreux territoires lancent des actions pour mieux orienter, accompagner et divertir les aidants. Une volonté bienvenue car chacun peut le devenir un jour.
Marie Meunier