FAIT DU JOUR Les années lyonnaises d'Anthony Briançon
Ce soir à 20h45, le Nîmes Olympique se déplace à Lyon pour disputer la 10e journée de Ligue 1. Ce match sera particulier pour le capitaine nîmois, Anthony Briançon, qui est resté trois saisons (2009-2012) au centre de formation du club rhodanien.
Un apprentissage du métier de footballeur, loin de sa famille, que nous avons voulu vous raconter. Grâce aux précieux témoignages, de Dylan Vrontos, son copain de chambre, Catherine Rajat, responsable d'internat, Jérémy Jacquemot, kinésithérapeute de l'OL, et de Stéphane Roche, éducateur, nous avons tenté de percer la personnalité d'Anthony Briançon. Émotions et fous rires garantis.
Pas évident de retracer la vie d'Anthony de 15 à 18 ans, en quelques minutes. Pour y parvenir, Dylan Vrontos, qui partageait la chambre du défenseur des Crocos, nous sert de fil conducteur. À travers différents thèmes, nos autres interlocuteurs viendront se greffer.
L'éloignement familial et la vie au centre
Dylan Vrontos, 24 ans, est resté trois ans au centre de formation avec Anthony. Il tient une salle d'électro-stimulation et de fitness dans laquelle le défenseur nîmois a investi. Il raconte : "Il jouait à Avignon, moi à Saint-Rémy. On s’était donc déjà côtoyé sur les terrains. On est arrivé à Lyon en même temps sachant que l’on avait fait des essais inimaginables dans toute la France tous les deux. Avant même de signer, on commençait à être proche."
Et les débuts ne furent pas faciles pour les deux jeunes gens. "La première année, on arrive tous les deux du Sud, c’est assez compliqué, reprend Dylan. On découvre un nouveau monde, la rigueur. Je me souviens d’Anthony, il était casanier. Il aime bien être proche de ses parents avec un esprit famille assez développé. Dès qu’il en avait l’occasion le week-end, il descendait le vendredi soir après l’entraînement et remontait le dimanche midi en survêt de l’OL pour jouer l’après-midi. Il avait besoin de se ressourcer. Alors que les autres, la plupart du temps, restaient au centre de formation."
Il refuse le pôle espoir
Tellement attaché à sa famille et à ses habitudes, l'apprenti lyonnais en oublierait presque ses ambitions de footballeur... "Pour l'anecdote, deux années avant Anthony avait refusé d’intégrer le Pôle Espoir d’Aix-en-Provence, affirme son compagnon de chambrée. Lors du rassemblement des joueurs du district, le responsable rentre dans le vestiaire et demande à ceux qui ne veulent pas intégrer le pôle espoir de le dire. On est 50 joueurs qui rêvons que de ballon pour nous c’est évident que personne ne va dire non. Il y en a un qui lève la main, c’est Anthony ! Lui il était en section foot à Avignon, à côté de chez lui, il avait sa famille, ça lui allait bien. À ce moment-là il n’a pas pensé à l’aspect football. À Lyon, on a vécu H-24 pendant trois ans ensemble. On a tissé des liens incomparables. Il allait chercher sa force dans ses proches, qui ont de belles valeurs et qui l’ont bien éduqué. Il y avait aussi Catherine et Didier qui étaient un peu nos parents là-bas."
Il a pleuré en arrivant et en partant
Catherine Rajat, responsable d'internat, qui a côtoyé Anthony tous les jours pendant trois ans hésite avant d'ouvrir l'armoire aux souvenirs : "Il va peut-être m’en vouloir ! (rires). Quand il est arrivé, c’était dur pour lui. Il pleurait souvent les soirs. Sa maman m’appelait. Ils étaient dans la chambre avec Dylan. Ils ont fait trois ans en chambre double. Ils n’ont jamais voulu se séparer. C’est un gamin qui a pleuré quand il est arrivé et qui a pleuré pour partir. C’était dur pour lui de quitter sa famille et de se retrouver à Lyon. Et pour partir, parce qu’il n’avait plus envie de nous quitter ! Ils avaient souvent le cafard le soir, une des mamans m’appelait, en me disant les garçons ne vont pas bien. J’allais les voir dans leur chambre. Au début ils pleuraient, quand je sortais de la chambre ils rigolaient. Je n'étais pas sur le terrain donc avec moi on pouvait parler de plein de choses. Tous leurs petits soucis, je pouvais les entendre. Je suis un petit peu la mère de substitution. Anthony a souvent été blessé mais n’a jamais baissé les bras. On passe plus de temps avec ceux qui sont blessés. Il a toujours rebondi avec le sourire. Quand il était chez nous, jamais il n'aurait pensé jouer en pro avec ses blessures qui l’handicapaient. Son petit accent du Sud nous faisait toujours rire ! Ça nous mettait du soleil quand c’était triste à Lyon. Je suis déçu car je ne peux aller au match et sa famille voulait passer nous voir vendredi. Sinon on ira le voir au match retour au mois de mai à Nîmes !"
Négociateur en pâtisserie et co-entraîneur d'Arles-Avignon !
Du capitaine des Crocos, son ami Dylan connaît même les petites faiblesses gourmandes et ses qualités de négociateur commercial : "Sa mère lui mettait tout le temps une valise pleine de gâteaux. Au début ça ne se savait pas trop et après il y avait tout le centre qui était au courant. Nous étions à la chambre 12 et le soir quand on avait seulement mangé des pâtes à l’huile d’olive, les gars venaient et se servaient. Mais lui du coup il négociait avec les gens. C’était assez drôle ! Parce qu’il ne voulait pas être trop gentil mais en même temps il ne voulait pas passer pour un radin. Je me rappelle aussi des carrières de FIFA ensemble. Derrière c’est son nom sur snapchat et twitter, il s’appelle "Briatos" parce que l’on avait fait le combiné de nos deux noms. Du coup on avait créé un entraîneur qui s’appelait Dianto Briatos et on avait pris Arles-Avignon. À l’époque, c’était la seule équipe qui nous représentait dans le Sud qui était dans l’élite. Ça faisait vraiment entraîneur italien de haut niveau !"
L’amitié, la béquille pour surmonter la blessure
Mais l'heure est rarement à la rigolade sur le rectangle vert où Anthony est souvent handicapé par les blessures récurrentes. "Il avait un problème au genou. Un bout de cartilage qui se détachait, explique Dylan Vrontos. Une blessure qui a pris du temps pour être décelée. Le docteur lui explique que c’est très rare, un seul cas enregistré auparavant dans l’histoire du club. Ils sont un peu dans l’inconnu. Malgré sa blessure, je ne l’ai jamais entendu dire qu’il voulait arrêter. Après forcément il avait des périodes où son mental n’était pas au max. On a eu un peu de chance aussi car je me suis blessé sur les premiers mois après son opération."
Un tandem d'éclopés
Forcément isolés des valides et du rectangle vert, les deux compères vont s'épauler mutuellement dans les moments difficiles. "On était tous les deux en béquilles ! Je pense qu’inconsciemment on s’est soutenu tous les deux, reprend son acolyte. Sa mère venait nous chercher en voiture, on était une belle bande d’handicapés, on en rigolait d’ailleurs ! Sur les premiers mois, ça l’a un peu aidé. Il ne s’est jamais vraiment retrouvé tout seul. J’essayais d’en prendre soin. On formait une belle équipe. Antho ça reste un bon vivant, il arrive à détourner le malheur en bonheur. Je me rappelle le week-end, il descendait chez lui quand il était blessé. Il me laissait des papiers avec des mots d’encouragement. Il était tellement altruiste. Lui était dans une situation super emmerdante et pensait aux autres encore une fois. C’est quelqu'un de différent !"
"Une personnalité attachante..."
Jérémy Jacquemot, kinésithérapeute de l’Olympique Lyonnais, qui s'est occupé d'Anthony pendant quasiment une année d'indisponibilité, connaît bien le Croco : "Sur des blessures un peu longues, les relations s’affinent. La proximité se crée. Anthony a une personnalité très attachante donc la prise en charge en était d’autant plus facile. Il a des ressources que peut-être d’autres n’ont pas et qui lui ont permis d’arriver au niveau professionnel. Certes quand on a une blessure, on prend du retard par rapport aux autres mais lui ce n’était pas quelqu’un d’abattu. C’est quelqu’un qui aime la vie, qui sourit à la vie. Il se battait pour arriver ses fins, être joueur professionnel. Il est rarement arrivé en tirant la tronche, toujours de bonne humeur. Une rééducation et réathlétisation très sympa avec lui parce qu’il a de grosses qualités de travail. Il n’a pas été conservé chez nous et a su rebondir à Nîmes. J’entretiens toujours des relations avec lui. On se téléphone de temps en temps."
Un leader avant l’heure
Dylan Vrontos a des explications pour ce qui est du charisme de son compagnon d'apprentissage."La deuxième année, c’est là qu’Antho a commencé à exploser avant de se blesser. C’est Stéphane Roche qui prend les commandes des 17 ans nationaux. À ce moment-là, il rentre dans son plan de jeu et il n'en sort plus. Il jouait milieu défensif et n’avait pas un très grand gabarit, un peu frêle assez vif sur ses appuis. Ce passé de milieu de terrain où il était obligé d’avoir une certaine vision du jeu, d’aller un peu plus vite dans ses choix, de savoir ce qu’il allait faire avant de recevoir le ballon, ça lui a servi. Il a toutes les qualités qu’un défenseur central moderne devrait avoir."
"... les bases pour passer des caps..."
Entraîneur des U17 Nationaux lors de la saison 2010/2011, Stéphane Roche garde un souvenir intact du Sudiste : "On était dans un parcours de formation au milieu de terrain. Il avait du volume, de l’abattage, une bonne vision du jeu. De la qualité pour mettre de bons ballons aux attaquants. C’était aussi un bon récupérateur. Un garçon qui avait des caractéristiques intéressantes au milieu de terrain. Mais aujourd’hui, un milieu peut être capable d’évoluer sur la ligne arrière. En taille, il était dans la moyenne plus. Il faisait partie des joueurs qui jouaient le plus souvent, des cadres de l'année 1994. Je dirais qu’il avait les bases pour passer des caps et progresser. Malheureusement, il a été freiné. Sur le terrain, il se comportait comme aujourd'hui à Nîmes. Quelqu’un avec du charisme, un gros compétiteur mais entraînant pour l’équipe et pas tourné vers son ego. D’ailleurs, je crois que je l’avais mis capitaine. Il avait montré ce côté à ne rien lâcher, être persévérant et être un bon partenaire en permanence. Il faisait partie des joueurs qui ont un peu cet esprit lyonnais, capable d’assumer un côté leadership. Il avait ça en lui. Il y a très peu de joueurs qui l'ont en eux et qui se font vraiment accepter par les partenaires parce qu’ils ne se trompent pas. Il avait cette maturité de savoir les moments où fallait travailler, suer et ceux où on pouvait rigoler que ça soit en dehors ou sur le terrain. Il n’avait pas pu finir la saison et pour les phases finales, il nous avait manqué. Ça je le sais (rires) !"
Revenu de l'enfer
Dylan Vrontos grimpe une dernière fois dans la machine à remonter le temps : "C’est quand il se blesse qu’il pousse d’un coup et le fait qu’il ne puisse pas s’entraîner, il passe beaucoup de temps dans la salle de muscu. La fin de saison est très compromise, il prend un gros coup sur la tête mais il lui reste un an de contrat et il va revenir pour les 19 ans nationaux. Les coaches ont des a priori parce qu’ils savent ce qu’il est capable de faire et attendent de voir comment il va relever la tête. Même s’il a du mal au début, il montre qu’il ne lâchera pas. Il se donne trois fois, quatre fois plus à l’entraînement que des joueurs lambda. Ça nous a un peu marqué. Un jour c’est le coach Delmotte qui a fait une remarque. Il y avait beaucoup de joueurs qui étaient là tranquille en dilettante et il a donné Anthony comme exemple. "Regardez-le, ça fait six mois même plus qu’il est blessé, il a connu l’enfer ! Il lui reste six mois. Il sait que c’est compromis. Il se donne deux fois plus que vous. À un moment donné prenez conscience de la chance que vous avez." Moi j’en témoignais parce que j’avais vécu ça avec lui. Je lui faisais prendre sa douche, c’était un truc de fou."
Propos recueillis par Corentin Corger