FAIT DU JOUR Noël : Le pasteur Poujol se confie
Il se fait rare et n'arpente plus quotidiennement les rues de Nîmes. Le pasteur Jean Louis Poujol, a laissé il y a quelques années les rênes de son plus grand réveillon solidaire de France à d'autres personnes. Celui qui fait partie des personnalités incontournables de Nîmes raconte aujourd'hui son quotidien fait "d'amour et d'écoute". Un sage prend la parole à la veille de Noël.
Lorsqu'on évoque Noël à Nîmes, une image revient la votre. Comment l'expliquez-vous?
C'est la plus belle nuit, la plus magique, mais aussi la plus terrible pour les gens seuls, malades, ou en détresse. J'ai organisé le premier réveillon du coeur il y a 24 ans car je voulais tendre une main aux esseulés de la nuit de Noël. Au départ, j'avais beaucoup de SDF, puis les personnes seules qu'elles soient cadres, retraitées ou sans emploi, sont venues partager un moment de convivialité. Les dernières années, près de 1 000 personnes se rassemblaient pour le réveillon. C'était devenu une très lourde machine à faire fonctionner. C'est une grande joie pour moi de voir continuer cet évènement. Je ne suis plus aux manettes de l'organisation, mais chaque 24 au soir, je vais accueillir toutes les personnes qui veulent bien venir partager un moment ensemble.
Vous n'avez plus aucune responsabilité au réveillon du coeur?
D'autres plus jeunes ont pris la relève et c'est tant mieux. J'ai 68 ans, et il est important pour moi de voir ce moment de convivialité perdurer. Je m'occupe toujours des cadeaux pour les enfants. En ce moment je joue au père Noël. Je collecte pour que les enfants qui vont venir au réveillon du coeur au Stade des Costières puissent repartir avec un cadeau. Je cherche aussi des cadeaux pour les enfants de détenus.
Après le réveillon du coeur vous vous êtes investi à la prison comme aumônier. Quelle expérience en retirez-vous?
Lorsque l'on va voir les détenus en prison, on ressort malheureux, détruit psychologiquement. J'ai arrêté mes trois visites hebdomadaires, c'était devenu trop difficile. Il y a une misère, une détresse, une pauvreté explosive en prison. Mais de l'autre côté il y a des victimes. Ce dilemme était devenu trop difficile pour moi à gérer. Un jour, un homme qui a tué une mère de famille m'a demandé s'il pouvait me serrer dans les bras... Lorsque j'ai eu ce moment de compassion, d'affection, avec ce détenu, j'ai pensé à cette maman tuée, aux enfants de cette victime qui ne reverraient plus le visage de leur maman. Je suis sorti de la cellule, en pleurs, bouleversé, mais j'ai compris que je devais arrêter de venir aussi souvent en maison d'arrêt, c'est un univers qui vous détruit.
Aujourd'hui vous continuez à diriger la maison des parents?
Oui c'est un endroit proche du CHU qui sert aux parents dont les enfants sont hospitalisés. Le plus dur dans la vie est d'avoir des enfants malades. C'est un moment qui peut détruire n'importe quel couple, qui peut anéantir un humain. Cet endroit, c'est un peu le repère des parents. Ils peuvent coucher près de l'hôpital. Entre-eux, ils parlent, ils échangent, ils se soutiennent. Et le soir de Noël, les parents qui restent près de leurs enfants passent le réveillon ensemble, entre joies et larmes.
Vous avez des projets, des envies, des regrets?
J'ai surtout un projet qui me tient à coeur et qui avance bien. Il devrait voir le jour en 2017. C'est une maison de l'écoute, ou peut-être un camping-car de l'écoute car je veux me déplacer auprès des gens qui sont isolés parfois dans des contrées reculées des Cévennes. Des médecins m'ont donné l'idée. Des psychologues seront partenaires. Des "oreilles" vont se déplacer pour rencontrer et écouter des personnes malades et isolées. Car pour guérir, on a besoin d'être entouré. Le projet est sur les bons rails.
Boris De la Cruz