FAIT DU JOUR Voyage au coeur du réacteur de la centrale nucléaire du Tricastin
Le réacteur numéro 1 de la centrale nucléaire du Tricastin est actuellement à l’arrêt à l’occasion de sa visite décennale. L’occasion d’aller le voir de (très) près.
D’abord, revenons sur ce qu’est une visite décennale. Comme son nom l’indique, elle se produit tous les dix ans et vise à contrôler l’installation nucléaire et à rehausser son niveau de sûreté. Pour le réacteur numéro 1 de Tricastin, il s’agit de la quatrième. Mis en service le 31 mai 1980, le réacteur est le premier de 900 MegaWatts du parc français à atteindre ce nombre de visites décennales.
De nombreux travaux sont prévus sur le réacteur, comme nous vous les présentions ici il y a trois semaines, et ils ont commencé. « Actuellement nous en sommes au contrôle de la cuve », explique le directeur technique de la centrale du Tricastin, André Abad. La cuve du réacteur, le véritable coeur de la centrale, est un des seuls éléments qui ne peut être remplacé. Douze mètres de haut, l’équivalent d’un immeuble de quatre étages et 4,40 mètres de diamètre, qui sont actuellement soigneusement inspectés. « Nous faisons des contrôles télévisuels, par ultrasons et par gammagraphie. Nous scrutons l’équivalent de 170 m2, 2 millimètres par 2 millimètres », poursuit André Abad.
Il faut dire que c’est dans la cuve que se trouvent les 157 assemblages combustibles qui font tourner le réacteur, et chauffer l’eau du circuit primaire qui va faire tourner la turbine qui produit l’électricité. Une cuve qui compte « des défauts de fabrication entre deux matériaux, entre l’acier et le revêtement inox, note André Abad. C’est un peu comme quand on fabrique du verre et qu’il y a des bulles dans le verre. Nous avons des petits défauts qui n’évoluent pas dans le temps. Là nous venons vérifier qu’ils sont toujours dans le même état. » En aucun cas il s’agit de fissures, précise le directeur technique de la centrale.
5 000 personnes mobilisées
En tout, plus de 5 000 personnes vont travailler sur la centrale lors de la visite décennale, sous la houlette des deux chefs de projet, Frédéric Cornuel et Fabien Bertrand. Autant de personnes qui doivent passer par des contrôles de sécurité et des protocoles stricts avant de pénétrer au coeur du réacteur, si toutefois telle est leur mission. Car s'il y en a de nombreuses sur une visite décennale, toutes ne concernent pas le coeur du réacteur. De l’intérieur, le bâtiment, de plus de vingt mètres de haut, semble moins grand qu’il ne l’est.
Du haut d’un des trois générateurs de vapeur, après avoir crapahuté sur une hauteur de près de vingt mètres, on a une vue parfaitement dégagée sur la piscine du réacteur. Un réacteur qui, à lui seul, produit assez d’électricité pour alimenter plusieurs départements entiers. La cuve est inspectée : en ce mardi, de nombreux employés sont à pied d’oeuvre dans la chaleur moite du bâtiment étanche.
Plusieurs d’entre eux sont au-dessus de la piscine intermédiaire, remplie spécialement pour l’occasion, dans laquelle ils inspectent des composants issus de la cuve du réacteur. L’un d’eux pilote une caméra immergée depuis un ordinateur, les autres observent soigneusement les images qui s’affichent sur l’écran devant eux. Pendant ce temps, des « tirs radio » sont effectués sur une partie dont nous devrons restés éloignés. Il s’agit des contrôles gammagraphiques.
En sortant, nous faisons un bref passage par la salle des machines, où plusieurs alternateurs transforment l’énergie produite en électricité. Un passage bref, tant la température est difficilement supportable, production énergétique oblige, la canicule n’aidant pas. Cette salle, immense, en ligne, est commune pour les quatre réacteurs 900 MegaWatts de la centrale, qu’elle jouxte. Au niveau du réacteur numéro 1, la température est soudain plus supportable. Conséquence de l’arrêt dudit réacteur.
Un arrêt qui durera jusqu’à fin octobre. D’ici là, après le contrôle de la cuve qui doit être fini ce mercredi, « nous allons entamer deux mois avec beaucoup de modifications pour augmenter la sûreté de l’installation. Nous allons également éprouver les circuits hydrauliques primaire et secondaire, puis l’étanchéité de l’enceinte », poursuit André Abad.
Une enceinte qui sera gonflée à plus de 5 bars. De quoi, à l’issue de ces travaux, permettre à EDF de poursuivre l’exploitation du réacteur numéro un pour dix années supplémentaires, si l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) l’autorise. Et d’ici à 2024, les trois autres réacteurs de la centrale y auront aussi eu droit.
Thierry ALLARD