Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 28.04.2021 - boris-boutet - 3 min  - vu 7217 fois

FAIT DU SOIR Aurel Feraru ex-SDF et sculpteur de sable au Grau-du-Roi

Aurel Ferraru passe le plus clair de son temps sur les plages graulennes pour y réaliser d'impressionnantes sculptures de sable. (Photo Boris Boutet)

Originaire de Bucarest (Roumanie) où il était ferronnier d'art, Aurel Feraru a posé ses valises au Grau-du-Roi il y a une dizaine d'années. Un temps sans domicile, il vit désormais des impressionnantes sculptures de sable qu'il réalise tout au long de l'année sur les plages graulennes. 

C'est à l'âge de 45 ans qu'Aurel Feraru a réalisé son premier château de sable. "Quand j'étais enfant, je ne m'amusais pas sur les plages, souligne-t-il. J'ai eu comme une révélation en voyant travailler Toni, un sculpteur de sable de la Grande-Motte. Je l'ai pas mal observé avant de m'y mettre à mon tour." 

Autodidacte, Aurel Ferraru s'essaye d'abord tout seul, sur un bout de plage. "Mes premières réalisations n'étaient pas impressionnantes, reconnaît-il. Je ne faisais que des petits châteaux de sable. Mais je me suis pris au jeu et j'ai voulu être de plus en plus ambitieux." 

Hébergé par un Graulen

"Mes premières années au Grau-du-Roi n'étaient pas faciles car j'étais sans domicile fixe, poursuit l'artiste. J'ai quitté la Roumanie à cause d'un chagrin d'amour. Depuis cinq ans, un Graulen m'héberge dans un appartement du centre-ville. Nous avons fait connaissance sur la plage alors que je travaillais. Nous avons sympathisé et il m'a proposé son aide." 

Un coup de pouce du destin qui a bien aidé Aurel Ferraru. Avec dix ans d'expérience dans la sculpture de sable, il réalise désormais des œuvres de grande ampleur et vit essentiellement des dons des passants qui apprécient son art. "Je travaille tout au long de l'année. Mais l'été c'est 7 jours sur 7, parfois plus de 12 heures par jour, raconte le passionné. Je ne m'en lasse pas. J'ai sans cesse envie de progresser et de réaliser autre chose."

Des nuits passées à surveiller ses œuvres

Même si parfois, la déception est à l'arrivée. "En août dernier, j'ai voulu réaliser une réplique de la Tour Eiffel, sur 5 mètres de haut. J'avais terminé les deux premiers étages mais quelqu'un a tout détruit dans la nuit", déplore-t-il. Pas de quoi décourager Aurel Feraru, qui va jusqu'à planter sa tente certains soirs pour surveiller ses œuvres.

Car la plupart de ses réalisations nécessitent plusieurs jours de travail. "Tout d'abord je tamise le sable pour qu'il soit propre et que je puisse l'utiliser, détaille-t-il. Ensuite je m'attaque aux fondations. Il faut beaucoup d'eau pour qu'elles soient solides. Sur cette base, je peux affiner ma sculpture. Le plus long, c'est de soigner les petits détails." 

Aurel Ferraru a réalisé une crèche pour Noël. (Photo DR)

Personnages historiques ou de fiction, monuments, tableaux illustratifs : les possibilités de travail sont infinies. Mais c'est souvent dans l'actualité qu'Aurel Feraru puise son inspiration. "J'ai réalisé une sculpture de Valéry Giscard d'Estaing à sa mort, illustre-t-il. C'était quelqu'un de très populaire en Roumanie. Il était naturel pour moi de lui rendre hommage."

Pour la nouvelle année, le Graulen a opté pour une œuvre très symbolique : "Il s'agit d'un livre qui comporte une page blanche au bas de laquelle j'ai inscrit 2020. À droite, j'ai écrit 2021 et sculpté une colombe pour symboliser l'espoir."

Une œuvre très symbolique réalisée pour la nouvelle année. (Photo Boris Boutet)

Désormais, cet amoureux de la France et de ses monuments rêve de s'attaquer à d'autres symboles de l'histoire hexagonale. "J'envisage de reproduire Notre-Dame-de-Paris en grand format et pourquoi pas les arènes de Nîmes", projette Aurel Feraru.

Des œuvres qui nécessiteront plusieurs jours de labeur mais ne feront pas de vieux os sur le front de mer. "J'essaye de les arroser au maximum pour qu'elles durent un peu, mais en général elles sont détruites par la météo ou les passants en moins d'une semaine", se résigne celui qui offre, pendant les vacances scolaires, son savoir aux enfants volontaires qui souhaitent réaliser leurs propres châteaux.

Mais plus qu'une simple activité divertissante, l'éternel recommencement de l'art éphémère d'Aurel Ferraru est finalement un bien bel exemple d'humilité. Car dans les châteaux de sable comme dans la vie, tout est plus vite détruit que construit.

Boris Boutet

Boris Boutet

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