FAIT DU SOIR Avec leurs « Figures de style », Morize et Koster unissent l’amour des mots et celui des femmes
S’il y a bien une paire de fesses sur la couverture de ces « Figures de style », l’ouvrage qui se cache derrière n’est pas un vulgaire livre de cul, loin s’en faut.
Le livre, paru ce mois-ci aux éditions Sydney-Laurent, se pose en déclaration d’amour aux femmes, à leur beauté, par le truchement de photos signées de Jean-Jacques Morize, photographe de charme installé à Connaux près de Bagnols qui a publié des milliers de clichés dans toute la presse de genre durant quinze ans, et de textes signés de l’auteur Serge Koster, écrivain à l’oeuvre prolifique et critique littéraire renommé.
Le livre fonctionne selon un mécanisme simple, mais efficace : chaque figure de style est illustrée par une photo et un texte qui fonctionnent en diptyques. Pour autant, le texte n’est pas une description stricto-sensu de l’image, et inversement. « Le texte est une interprétation, Serge Koster est un auteur, avec sa propre imagination », note Jean-Jacques Morize, dans son bureau encombré de livres sur les étagères et de photos de charme sur les murs.
D’ailleurs, l’écrivain voit parfois certaines choses qui avaient échappé à l’oeil, y compris du photographe, comme sur cette photo prise à la campagne, où derrière le modèle, à l’arrière-plan, un agriculteur regarde la scène depuis son champ. Serge Koster digresse à partir de ce détail, passé inaperçu à première vue. « Quand j’ai fait la photo et que je l’ai développée, je ne l’avais pas vu ! », s’amuse Jean-Jacques Morize. Plus loin, l’écrivain imagine que la vieille dame vendant un tableau de jeune femme nue est elle-même le modèle représenté des années auparavant. « C’est une photo volée que j’ai prise aux puces », contextualise Jean-Jacques Morize, sans savoir si l’interprétation de Serge Koster est juste. Du reste, on s’en fout.
À l’origine, un palindrome
Et si l’alchimie entre les textes et les photos fonctionne, c’est aussi car les deux hommes sont amis depuis des décennies. « Serge Koster était mon prof de philo l’année où je passe mon bac », rejoue Jean-Jacques Morize. Une solide amitié, nouée autour des bouquins, les lie alors, « et on ne se perd jamais de vue, de loin en loin. » Serge Koster devient professeur au lycée Voltaire, à Paris, et Jean-Jacques Morize photographe.
« Je travaillais dans l’édition, je gagnais très bien ma vie, et un jour un ami me dit qu’il ouvre un studio de photo de mode et me propose d’en être », rembobine-t-il. Et ça lui plaît, au point qu’il laisse tomber son job dans l’édition pour monter son studio à Paris, dans la photo de charme. « Le contact, les filles, ça m’a tout de suite plu », affirme-t-il. Et il a du talent : à 25 ans, sans expérience, ses photos sont publiées alors qu’il n’en fait que depuis quelques semaines. « J’ai l’oeil, un sens du cadre », estime-t-il.
Un jour, il y a une trentaine d’années, Serge Koster passe dans le studio de son ancien élève. « Et sur une plaque lumineuse, il voit une photo qui est d’ailleurs dans le livre », raconte le photographe. Cette photo, représentant une femme brune au bord d’une piscine dans laquelle se reflète son image, Serge Koster y voit immédiatement un palindrome, ce texte qui se lit dans les deux sens, à l’image du mot kayak. « Et on trouve ça marrant, et on se dit que des figures de style il y en a peut-être d’autres dans mes photos », explique Jean-Jacques Morize.
Les deux amis se mettent à travailler sur ce projet, le photographe réalise une sélection, « avec que des photos très soft, Serge a une oeuvre derrière lui, il ne voulait pas se fourvoyer dans un truc graveleux », précise-t-il, et l’auteur rédige une série de textes. Seulement voilà, le livre reste au stade de projet, les deux hommes étant très occupés.
La nudité, « générosité »
Les années passent, et Jean-Jacques Morize décide il y a trois ans avec son épouse de plaquer Paris pour gagner le Gard, et plus précisément Connaux, le couple ayant des amis non-loin de là, à Cavillargues. Le photographe, déraciné de sa vie parisienne, s’ennuie. Il se plonge dans ses archives pléthoriques (« J’ai 10 000 photos de filles nues », revendique-t-il) et retombe sur le travail entamé il y a trente ans, notamment le tapuscrit de Serge Koster.
Les deux hommes décident cette fois d’aller au bout, et le photographe contacte trois éditeurs. Dès le lendemain il reçoit deux réponses positives, dont celle de Sydney-Laurent : cette fois, leur travail sera édité. Le duo se fait trio avec un ami, Alain Escudier, à la création et réalisation de l’ouvrage.
Un ouvrage qui « n’est pas pornographique », insiste Jean-Jacques Morize. Il sait de quoi il parle : au déclin de la photo de charme dans les années 1990, il devient réalisateur de films pour adultes sous pseudonyme. Il en fera 150. Là, ça n’a donc rien à voir, d’ailleurs il n’y a pas que des photos de nu. Il n’y a que du noir et blanc, en revanche. « C’est un choix, la couleur c’est chouette mais c’est cru, le noir et blanc adoucit et sublime », explique-t-il. « Ce que je donne à voir est une image de la femme, resplendissante dans sa beauté. Sans voile, nue, sans fausse pudeur, attirante et conquérante », affirme-t-il. La nudité est pour lui « générosité. »
Une vision qu’il défendra une nouvelle fois dans un prochain livre, toujours aux éditions Sydney-Laurent, toujours en noir et blanc, cette fois-ci exclusivement de photos. Une anthologie, en somme. C’est que « tous ces magazines, toute mon oeuvre est partie à la poubelle, regrette-t-il. Mais ces livres, ça, ça va rester. »
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
« Figures de style », de Serge Koster et Jean-Jacques Morize, est paru en deux formats (standard 15x22 cm, 24,50 euros et grand luxe 21x29,7 cm, 49,90 euros) aux éditions Sydney-Laurent. 110 pages.