FAIT DU SOIR Un immeuble de 11 m de haut quartier du Bosquet à Bagnols/Cèze, les riverains n'en veulent pas
"Ici un projet immobilier scandaleux". La phrase choc est tracée à la bombe de peinture orange fluo sur le muret cerclant la villa, sise 291 chemin du Bosquet à Bagnols/Cèze. La propriété a été vendue au promoteur "Immo concept" qui prévoit d'y construire un immeuble de 11m de haut pour 50m de long, renfermant 26 logements sociaux et autant de places de stationnement. Et ce n'est pas du goût des riverains.
"On l'a appris mi-décembre par la petite pancarte réglementaire accrochée à la clôture. Aucune information de la part de la mairie, aucune information de la part du promoteur. On met les gens au pied du mur", reproche Jean-François Arlotto, qui vit depuis 37 ans dans une maison à côté de la parcelle où va être érigé l'immeuble. Avec sept voisins, il a monté un collectif contre le projet immobilier et a lancé une pétition en ligne qui a recueilli près de 70 signatures.
Leurs griefs ? "Il va y avoir une affluence de circulation qui va être insupportable. La vue des gens habitant sur place va être complètement gâchée, remplacée par des vis-à-vis énormes. On pourra se dire bonjour facilement...", ironise Jean-François Arlotto. Le collectif craint aussi la diminution de l'ensoleillement et aussi la baisse de la valeur financière des habitations environnantes.
D'autant qu'une villa du quartier est classée aux Monuments historiques et "va se retrouver en covisibilité depuis la voie publique avec ce bâtiment. Ce projet n'est pas du tout adapté à ce quartier pavillonnaire. C'est une espèce de verrue qui va être là au milieu... Si ça se fait, je pense que je finirais par vendre et m'en aller", tonne le riverain.
"On envisage une suite en justice..."
Ce dernier a contacté la Maison de la justice et des droits : "Là, je suis en pourparlers avec mon assurance. On envisage une suite en justice, pas question de se laisser faire. [...] J'ai fait une demande de recours grâcieux contre le permis." Jean-François Arlotto a également été reçu en mairie il y a une quinzaine de jours par Philippe Berthomieu, adjoint à l'Urbanisme et Jean-Yves Chapelet, le maire.
Le premier magistrat nous explique : "Le permis de construire a été accordé car il est conforme aux règles du Plan local d'urbanisme (PLU). On n'a aucun moyen de le refuser, je ne suis pas Louis XIV, je respecte les règles. Si je refuse, je suis attaquable par le propriétaire et par le promoteur." À noter que le projet a déjà obtenu le feu vert de la DDTM et des Architectes des bâtiments de France (ABF)... Et si dépréciation de la valeur du bien il y a, les habitants devront se tourner vers le tribunal civil...
À deux pas du centre-ville, à côté de la future crèche, le projet colle aux recommandations de la loi ALUR "où on nous demande de densifier l'urbain pour ne pas aller construire sur les surfaces cultivables à l'extérieur", fait remarquer Jérémy Boixadera, associé d'Immo Concept, entreprise basée à Vergèze.
"Que les riverains soient mécontents, je l'entends. Je me suis rendu en mairie, il y a quelques jours, pour présenter des solutions d'aménagement à ce projet pour que tout le monde garde sa quiétude sur ce coin de Bagnols", explique le promoteur.
Une plainte déposée à cause des dégradations
Par exemple, conserver une haie ou changer des fenêtres de place pour réduire les vis-à-vis. "Moi je suis prêt à tout écouter mais pas les insultes et les menaces, ça va finir par un projet qui va passer en force", avertit Jérémy Boixadera. L'ambiance est très tendue entre tous les protagonistes. Le propriétaire, un retraité vivant sur la Côte d'Azur, qui a vendu la villa au promoteur a d'ailleurs porté plainte à cause du tag sur le muret et d'autres dégradations préalables.
Pour le promoteur, il n'est pas envisageable de donner une suite favorable au recours grâcieux demandé par le collectif puisque le permis a été délivré dans les règles. Pour répondre aux craintes soulevées par les riverains, il assure qu'après étude avec son architecte, "on a démontré que l'impact sur l'ensoleillement est presque nul."
"On fera 26 familles heureuses"
"Je comprends tout à fait qu'il y ait quatre riverains qui ne soient pas satisfaits. Mais quand il y aura 26 familles qui rentreront dans ces bâtiments, on fera 26 familles heureuses pour quatre déçues", raisonne le promoteur. Au-delà de la rentabilité financière du projet, il assure vouloir redonner de la dignité à des personnes qui vivent parfois "dans des logements loués par des marchands de sommeil où il n'y a aucune normes sanitaires, acoustiques, thermiques."
Il tient à rappeler que "70 à 80 % de la population gardoise est éligible à vivre dans les logements sociaux. Le problème, c'est que la Région Occitanie accueille 40 000 personnes par an, nos centres-villes vont donc se densifier avec les années." Pour l'heure, le promoteur attend la fin du recours grâcieux, mais le chantier devrait commencer en 2021 pour une durée de 18 mois.
Marie Meunier