FAIT DU SOIR Une grande fête pour le retour du train de voyageurs sur la rive droite du Rhône
Le 28 août 2022 restera un jour historique dans le Gard. Celui où un train inaugural a parcouru les 82 km de rail séparant Nîmes de Pont-Saint-Esprit avec à son bord des dizaines de passagers. Une première depuis 1973, année de fermeture de la ligne aux voyageurs. Mais dès demain, cinq allers-retours quotidiens desserviront de nouveau la rive droite du Rhône entre Pont-Saint-Esprit et Avignon, en s'arrêtant à Bagnols-sur-Cèze (*).
L'événement a été fêté en grande pompe ce dimanche. À chaque arrêt, les passagers sont accueillis en musique, avec des produits locaux à déguster et les rubans inauguraux sont coupés. Bien sûr, était présente Carole Delga, présidente de la région Occitanie, qui finance entièrement les études et les travaux nécessaires à cette réouverture. Déjà 13 millions d'euros ont été investis pour cette première étape. Plus de 80 millions d'euros devraient encore être déboursés pour voir aboutir le projet complet à l'horizon 2026. À terme, il y aura huit arrêts intermédiaires (Pont-Saint-Esprit, Bagnols-sur-Cèze, Laudun-l'Ardoise, Roquemaure, Villeneuve-lez-Avignon, Avignon-centre, Aramon, Remoulins, Marguerittes et Nîmes-centre) et Carole Delga vise "au moins huit allers-retours quotidiens". Horaires, tarifs et informations pratiques sont à retrouver en cliquant ici. Et pendant tout le mois de septembre, les voyageurs pourront profiter de billets à 1€ pour le lancement.
L'effervescence était palpable dans la foule nombreuse, attendant de pied ferme le passage du train à Bagnols et à Pont-Saint-Esprit. Pour ceux qui prenaient déjà le train 50 ans plus tôt, l'émotion est d'autant plus palpable. C'est le cas du maire de Saint-Gervais, Raymond Chapuy, qui se rendait au lycée Dhuoda à Nîmes depuis Bagnols à la fin des années 60, ou encore d'Andrée Serre, Spiripontaine de 85 ans maintenant, qui empruntait cette ligne tous les lundis matin pour se rendre au centre d'apprentissage "le Gai logis", rue des Greffes à Nîmes, alors qu'elle était âgée de 14 ans. "À ce moment-là, on ne parlait pas de TER mais de "Micheline". Quand la gare a fermé, ça a été un vrai déchirement pour tous les habitants. J'avais à ce moment-là 35 ans", indique-t-elle. Elle ajoute : "Je vais essayer d'en profiter de nouveau. C'est très bien pour ceux qui n'ont pas de voiture, je souhaite que le plus grand nombre puisse en bénéficier."
Pendant presque 50 ans, seuls des trains de fret circulaient sur cet axe. Encore une vingtaine y passe quotidiennement. Revoir des voyageurs à bord des voitures est le résultat de dizaines d'années de combat porté par de fervents défenseurs, les syndicats et bien d'autres. En première position, il y avait bien sûr l'association des usagers TER-SNCF de la rive droite du Rhône présidée par Laurette Bastaroli. Très acclamée aujourd'hui, cette militante de la première heure n'a pas manqué de rappeler les nombreuses "pétitions, réunions publiques, banderoles, pancartes" déployées avant d'obtenir gain de cause. "Elle nous a souvent embêtés mais elle avait raison", glisse amicalement le président de l'Agglomération du Gard rhodanien, Jean-Christian Rey. Lors des États généraux du rail et de l'intermodalité (EGRIM) en 2016, la réouverture de cette ligne avait d'ailleurs été classée comme prioritaire. Et Carole Delga, soutenue par le vice-président délégué aux Transports Jean-Luc Gibelin, s'est engagée à ce que la circulation démarre non pas en 2025 mais en 2022.
"La rive droite transportera les voyageurs du XXIe siècle"
Si ce fameux jour est enfin arrivé, l'activité de l'association est loin d'être finie. Les membres vont veiller à ce que l'offre réponde au mieux aux attentes des usagers et corresponde aux nouveaux usages. "On n'amènera plus volailles, fruits et tonneaux de vin au marché comme dans les temps anciens (la ligne avait ouvert au XIXe siècle pour relier Givors à Nîmes, NDLR). Les voyageurs viendront avec ordinateur, vélo et smartphone. La rive droite transportera les voyageurs du XXIe siècle, en fonction de leurs habitudes, vers leur travail, la culture et le loisir", se réjouit Laurette Bastaroli.
Grâce aux cinq allers-retours quotidiens, "de nouveaux horizons s'ouvrent pour tous, pour pouvoir étudier, travailler, aller à un concert, à une pièce de théâtre... Bref s'ouvrir aux autres", affirme Claire Lapeyronie, maire de Pont-Saint-Esprit et conseillère régionale. Dans l'assemblée, de futurs utilisateurs du train se réjouissent déjà, notamment Clovis et Antoinette, deux Bagnolais âgés de 17 ans, qui se rendent tous les week-ends à Avignon pour voir leurs amis ou flâner dans la cité des papes. "C'est super, on va pouvoir s'y rendre plus facilement. Pour le bus, il faut compter 1,50 € contre 1 € pour le train. Et le temps de trajet est autour d'1h30 contre 30 minutes en TER", compare Antoinette. Argument valable aussi avec la voiture : il faut au minimum 50 minutes pour relier Pont-Saint-Esprit et Avignon.
"Certains de nos camarades bagnolais suivent une prépa Sciences Po à Avignon et démarrent les cours à 8h le matin. Ils sont ravis de cette nouvelle offre de transport", rebondit Clovis. Le jeune homme apprécie ce geste politique qui "va servir dans la vie quotidienne" et s'engage à ne pas se rendre à sa future ville universitaire en voiture : "Maintenant, j'ai le train à Bagnols, je n'ai plus d'excuse."
Ce train permettra de booster l'attractivité du Gard rhodanien qui figure comme le deuxième pôle industriel d'Occitanie et se situe dans un bassin de vie de plus de 447 000 habitants. "Sur notre territoire, il y a 28 000 emplois, dont 16 % sont occupés par des personnes qui sont en transit entre Vaucluse et Gard. Ce train, c'est aussi rendre service à ceux qui font ces mouvements pendulaires au quotidien", donne pour exemple Jean-Christian Rey. Grâce au train, Nîmois et Avignonnais pourront aussi découvrir les charmes de la Provence occitane et de la vallée de la Cèze, destination touristique qui n'a pas encore livré tout son potentiel. Les Rhodaniens pourront se rendre aisément en juillet au festival d'Avignon.
C'est bon pour le pouvoir d'achat et pour l'environnement
Le but est d'inciter les voyageurs à lâcher la voiture et ainsi désencombrer l'axe routier Pont-Avignon particulièrement saturé. Pour cela, l'Agglomération du Gard rhodanien a aussi dédoublé ses navettes urbaines gratuites à Pont-Saint-Esprit et à Bagnols et a adapté leurs horaires aux cadences des trains. Les travaux de PEM (pôles d'échanges multimodaux) des deux villes sont aussi en cours pour faciliter les correspondances. Le parking près de la gare de Bagnols devrait être terminé pour septembre prochain et l'ensemble de l'aménagement sera fini pour l'automne 2022 (parvis de la gare, passage sous voie, cheminement pour les personnes à mobilité réduite...). Les travaux du PEM de Pont seront achevés au premier trimestre 2023.
La Région mise aussi sur l'attractivité des tarifs pour atteindre l'objectif de 200 000 voyageurs annuels sur cette nouvelle ligne. Des abonnements sont disponibles pour les salariés avec des trajets à 1 €, pour les étudiants ou encore pour les seniors. Sinon, les prix vont de 3 à 9 €. Carole Delga estime à 17 % la hausse de fréquentation des trains d'Occitanie cet été et veut d'ailleurs porter au national la question de la gratuité des transports en commun.
En dehors du pouvoir d'achat, l'autre argument du train, c'est l'écologie. La présidente de Région compte bien gagner "la bataille du fer contre le carbone". Un défi que l'on souhaite aussi relever dans le Gard rhodanien où 650 000 tonnes équivalent CO2 sont produites contre seulement 65 000 tonnes captées. "On veut atteindre la neutralité carbone avant 2050. Sur ces 250 000 tonnes, 20 % proviennent du transport. Le train représente une belle alternative", atteste Jean-Christian Rey.
Sur la rive droite du Rhône, les travaux vont continuer pour ouvrir à terme dix gares en garantissant la sécurité de tous les usagers. Des aménagements ont déjà été réalisés sur trois passages à niveau notamment celui de la gare de Pont-Saint-Esprit. Une voie de retournement sera aussi créée dans la cité spiripontaine par la suite. L'idée serait aussi de connecter plus tard cette ligne à la région Auvergne-Rhône-Alpes qui envisage la réouverture de la liaison entre Le Teil et Romans, via Valence. D'autres ouvertures de lignes devraient suivre comme Alès-Bessèges, "et pourquoi pas la finalisation inter-régionale cévenole entre Nîmes et Langogne (Lozère)", avance Frédéric Loiseau, sous-préfet de l'arrondissement de Nîmes. De quoi rendre "les territoires plus forts" comme l'a soufflé Marlène Dolveck, directrice générale de SNCF Gares & Connexions.
Marie Meunier
(*) Sur les cinq allers-retours quotidiens, un ira jusqu'à Nîmes-centre.
Découvrez les autres photos du trajet inaugural de la ligne TER rive droite du Rhône :