LE 7H50 d'un conducteur STDG : "L'appel d'offre remporté par Transdev va entraîner de la casse sociale"
Objectif Gard : Depuis lundi, un blocus empêche les bus de circuler dans Nîmes et sa périphérie. Pourquoi faites-vous grève ?
Hodni Serhène : Tout simplement car nous attendons des informations précises de notre direction sur notre devenir. Transdev vient de remporter l'appel d'offre de Nîmes métropole. Elle va prendre en charge l'intégralité du réseau au 1er janvier 2019 à la place de Keolis et nous, chez STDG, pourtant filiale de Transdev, nous venons d'apprendre que nous serons transféré chez le groupement des 21 transporteurs gardois de la Coop’voyageurs 30. Une réunion est programmée ce mercredi avec la direction régionale de Transdev. Nous espérons avoir des réponses concrètes et rassurantes.
Qu'est-ce que vous attendez précisément ?
Au départ, nous étions plutôt satisfait du choix de Transdev. Appartenant au même groupe, nous envisagions un développement de la sous-traitance via notre société STDG. Or, lors d'une réunion extraordinaire, on nous a appris notre transfert. Ce qui va entraîner forcément une remise en cause de nos acquis sociaux puisqu'il s'agit d'un regroupement de petits transporteurs locaux qui s'appuie sur la convention collective des transports de voyageurs dont la rémunération est inférieur à celles que nous avons négocié après des années de lutte et de reconnaissance de notre pénibilité de travail. Alors, Transdev nous annonce vouloir prendre en charge cette différence de rémunération mais il est évident que nos conditions de travail seront détériorés.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Je suis un conducteur dédié sur la ligne 11 qui emprunte un parcours quotidien entre Bernis et Nîmes. Quand la reprise de notre activité sera effective, rien ne me dit que je pourrais poursuivre de façon permanente sur cette ligne. Imaginez que je sois transféré à la Société Ginoux spécialisée dans le transport touristique. Je peux me retrouver à gérer des trajets jusqu'en Espagne. J'ai une vie de famille et il n'est pas acceptable seulement d'un point de vue économique, de bouleverser entièrement mon activité professionnelle. Par ailleurs, on nous annonce que notre rémunération n'évoluera pas tant que les salariés appartenant déjà à l'entreprise ne hissent pas leur salaire à notre niveau. Il s'agit ni plus ni moins d'un gel des salaires pour de nombreuses années. Nous demandons là aussi que notre rémunération soit indexée sur le coût de la vie.
À vous entendre, cette reprise par Transdev est très inquiétante. Mais finalement, n'est-pas simplement une adaptation de votre activité à la réalité économique ? Nîmes métropole doit faire des économies...
Je ne reproche pas la stratégie d'économie de Nîmes métropole mais nous avons le sentiment que les 10 millions de moins obtenus chaque année dans le cadre du nouvel appel d'offre se font sur le dos des salariés. Et ce n'est pas fini car nos collègues de Tango vont aller de surprise en surprise. Savez-vous qu'il est prévu une réduction de la masse salariale avec la suppression de 80 postes de travail ? Une externalisation des contrôles de voyageurs est aussi à l'ordre du jour. Les conducteurs n'auront bientôt plus le droit de vendre des tickets dans les bus. À terme, c'est plus de productivité, une cadence augmentée, la fin des RTT... Dans cette optique, c'est un service de transport de qualité qui va en prendre un coup.
Avez-vous rencontré Yvan Lachaud, le président de l'Agglo de Nîmes depuis le début du conflit ?
Non. Yvan Lachaud est dans une stratégie politique. Faire des économies, ne pas augmenter la fiscalité et plaire aux usagers. Mais il oublie que le service est intrinsèquement lié aux conditions de travail des salariés et des conducteurs. Plus il y aura de dégradations du service et plus le mécontentement de la population sera au rendez-vous. J'ai 15 ans d'ancienneté. Je bénéficie de trois jours de repos tous les 14 jours travaillés pour une rémunération de 1 935 euros brut par mois. Régulièrement, je prends mon service à 6h du matin avec une coupure loin de chez moi de 3h ou 4h que je passe seul dans mon bus pour finir à 20h le soir. Je n'ai pas le sentiment de voler ma paie.
Transdev était donc pour vous un mauvais choix ?
Je ne dis pas cela mais avec mes collègues, nous sommes dans une vraie inquiétude. La STDG a rempli sa mission depuis de nombreuses années. Repris par Transdev, nous avons le sentiment d'être le dernier village gaulois que l'entreprise veut liquider. Nous ne sommes pas récompensés de notre bon travail. Au prix où Transdev a remporté le marché de l'Agglomération nîmoise, il est évident qu'il y aura de la casse sociale.
Propos recueillis par Abdel Samari