LE 7H50 François Noël, directeur du théâtre de Nîmes : "Si on ne soutient pas les compagnies, on va vers un vide terrible du spectacle vivant"
Le spectacle-vivant reprend des couleurs, enfin. Ce lundi 13 septembre, François Noël, le directeur du théâtre de Nîmes, accompagné de l'adjointe au maire de Nîmes en charge de la Culture, Sophie Roulle, a présenté l'intégralité de la programmation de la saison 2021-2022. Un calendrier étoffé de 10 spectacles de plus qu'à l'accoutumée, la conséquence des reports de l'an dernier.
Objectif Gard : On y est, c'est la reprise. Après une année sombre, on voit le bout du tunnel...
François Noël : Enfin ! Je crois que c'est bien parti, tous les feux sont au vert. On va pouvoir rouvrir dans des conditions presque normales, avec une jauge à 100%. Certes, il y aura toujours quelques contraintes mais beaucoup plus légères, à savoir le port du masque, etc. Je suis très heureux de pouvoir relancer la saison. C'est vraiment la réouverture à plus d'un titre car nous avons renouvelé beaucoup de choses. Nous avons profité de ce temps pour retravailler toute notre identité visuelle, la charte graphique, etc. Il y a un avant et un après covid, ce dernier est beaucoup plus réjouissant.
Élue à la Ville de Nîmes en charge de la Culture, Sophie Roulle a précisé que les subventions avaient été maintenues pour le théâtre de Nîmes, entre autres. Il s'agit dans votre cas de 3,3M€. En période de fermeture, à quoi cet argent a-t-il servi ?
Il a d'abord servi à continuer à faire marcher la maison. Mais surtout, cet argent a permis d'honorer tous les contrats qui avaient été signés avec les compagnies dont les spectacles ont été annulés. Leur survie dépendait du respect de ces contrats. Nous avons pu le faire parce que la ville de Nîmes a maintenu son engagement avec la volonté de soutenir et d'être présente auprès des artistes, par notre intermédiaire. C'est ce que nous avons fait et ce qui nous a permis aussi de préparer l'avenir. Si on ne soutient pas ces compagnies, on va vers un vide terrible du spectacle vivant. Pendant notre fermeture, nous avons préparé l'avenir en accueillant des compagnies en résidence. Certaines ont présenté leurs créations à un public de professionnels. Nous avons essayé d'être au plus près des artistes et de les accompagner du mieux possible. Nous y avons consacré tout notre temps, toute la saison.
Effectivement, on craignait moins pour l'avenir du théâtre de Nîmes que pour celui des compagnies...
Bien sûr, c'était le gros risque. Certaines ne s'en remettront peut-être pas mais en tout cas toutes celles auprès desquelles nous étions engagés s'en remettent. Il y aura de la casse forcément car tous les théâtres n'ont pas pu faire ce que nous avons fait. Toutes les villes ne sont pas Nîmes et n'ont pas pris cet engagement.
Vous avez évoqué votre souhait pour cette saison culturelle 2021-2022, de proposer plus de spectacles grand public. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement ? Et qu'est-ce que cela a changé dans votre façon d'élaborer votre programmation ?
Ça m'a amené à avoir un autre point de vue et peut-être un autre éclairage sur des spectacles que je n'aurais pas été voir nécessairement. Par exemple la pièce d'Alexis Michalik, Une Histoire d'amour (les 5, 6 et 7 avril au théâtre Bernadette-Lafont, Ndlr). J'avais vaguement vu passer le dossier et je trouvais ça peut-être un peu léger. Mais en réalité, après l'avoir vu, j'ai été très séduit par la qualité de ce travail, l'écriture, l'intérêt du spectacle, par la qualité des interprètes. Et il y en a eu d'autres, notamment à travers le cirque. Le cirque est vraiment la discipline qui est très fédératrice et qui s'adresse à tous les publics, des plus jeunes aux plus âgés, chacun peut y trouver son plaisir. Donc j'ai multiplié les propositions en matière de cirque. Il y en a quatre cette saison alors qu'habitude, c'est un ou deux.
Cette programmation, ici comme ailleurs, est ponctuée de reports. Mais vous avez tout de même tenu à présenter un nombre conséquent de créations...
Oui, ce qui fait que nous avons dix spectacles et donc une trentaine de représentations supplémentaires par rapport aux saisons précédentes. Nous avons essentiellement opté pour des créations parce que ne présenter que des reports aurait pénalisé tous les spectacles qui ont été créés pour cette saison. Et puis à force de report, on va créer un effet d'entonnoir où tout le monde se retrouvera à un moment donné coincé. Donc, je n'ai reporté que les spectacles qui étaient absolument indispensables à reporter soit parce que c'était des spectacles dans lesquels on était très engagé, en co-production, ou des spectacles étrangers qui eux aussi ont beaucoup souffert car ils n'ont pas eu les aides que les Français ont reçu. Je pense notamment à Laura Murphy qui est anglaise (Contra, les 26 et 27 janvier au théâtre L'Odéon, Ndlr), à la compagnie belge tg STAN (Quoi/Maintenant les 23 et 24 novembre au théâtre Bernadette-Lafont, Ndlr) qui n'ont pas eu droit aux aides et ont absolument besoin d'avoir cette visibilité-là cette année.
Je trouve personnellement que la femme est mise à l'honneur dans cette programmation, autant en ce qui concerne les thèmes des spectacles que les interprètes...
Je ne sais pas. Je ne me pose jamais ce genre de questions quand je prépare la programmation. Je ne me dis pas "il faut tant de femmes, tant d'hommes, tant de transgenres..." Je fais mon choix et ce n'est qu'une fois ce travail terminé que je m'interroge sur la parité mais généralement ça colle. C'est à l'instinct.
Un mot sur la création de l'Académie internationale de mise en scène de théâtre musical, dont le théâtre de Nîmes est l'un de ses plus importants partenaires. Vous proposerez trois œuvres phares du théâtre musical les 12 et 13 mai prochains dans le cadre de ce partenariat...
C'est une idée formidable d'Antoine Gindt, le directeur de la compagnie T&M. L'Académie de mise en scène de théâtre musical existe dans de nombreux pays, sauf en France, en tout cas jusqu'à présent. L'intérêt de cette académie, c'est d'abord de former de vrais professionnels de la mise en scène de théâtre musical et de réunir ici un creuset d'artistes qui vont faire leurs premières armes et avec lesquels nous allons bien entendu nouer une relation qui ne demandera qu'à se développer par la suite.
Quels sont les trois spectacles à ne pas manquer cette saison ?
Il y en a 60 à ne pas manquer ! (rires) Chacun fera son marché dans la programmation mais personnellement l'hommage à Anna Halprin (du 13 au 16 octobre avec le Sémaphore et le Carré d'art, Ndlr) est extrêmement important, le Ballet de l'opéra de Lyon (les 3 et 4 décembre, au théâtre Bernadette-Lafont, Ndlr) dont le programme est absolument sublime, tout comme celui du Ballet du Grand théâtre de Genève (le 1er et 2 avril au théâtre Bernadette-Lafont, Ndlr). Mais il y a aussi le chanteur de flamenco Pedro El Granaino qui chantera pour la première fois à Nîmes (le 15 janvier au théâtre Bernadette-Lafont dans le cadre du festival Flamenco, Ndlr). Vous voyez, je ne peux pas m'arrêter...
Comment définiriez-vous cette programmation en deux mots ?
Futur proche !
Propos recueillis par Stéphanie Marin
Retrouvez l'intégralité du programme de la saison 2021-2022 du théâtre de Nîmes, en cliquant ici.