MARCOULE Nucléaire : la réunion publique de la CLI, ou la transparence du vent
La Commission locale d’information (CLI) de Marcoule tenait une réunion publique mardi soir à Bagnols. Bilan : trois heures pour (presque) rien.
Certes, le nucléaire est un sujet complexe, et en parler correctement tout en restant accessible peut se révéler fastidieux, mais à ce point…
« Vous voyez, on a encore beaucoup de boulot »
Dans la salle, pas mal d’élus, les huiles de Marcoule et une tripotée de jeunes étudiants de l’Université de Nîmes qui auront eu la chance de quitter les lieux plus d’une heure avant la fin des hostilités, leur car n’attendant pas. Dans le public aussi, quelques citoyens dont les opinions antinucléaires étaient un secret de polichinelle. Sur scène, autour du président de la CLI Alexandre Pissas, l’adjoint au chef de la division Marseille de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) Aubert Le Brozec, le président de l’Association nationale des CLI Jean-Claude Delalonde et Michel Garrel, le Monsieur Sécurité civile de la préfecture du Gard. On regrettera finalement qu’aucun représentant de l’énergie éolienne n’ait été présent devant la quantité d’air brassée sur scène.
Après les traditionnels amuse-bouches liminaires du maire de Bagnols et ingénieur du CEA Jean-Yves Chapelet (« ce qui est important c’est la transparence ») et d’Alexandre Pissas pour présenter ses compagnons de scène, la parole a été donnée pour un long (long, long) moment à Michel Garrel. On en a retenu que pour l’heure seuls les spiripontains devaient avoir les pastilles d’iode dans leur pharmacie, vu qu’ils sont les seuls gardois à être concernés par le Plan particulier d’intervention du Tricastin, mais que ça va changer, enfin pas tout de suite, parce que le périmètre dudit plan devrait passer de 10 à 20 kilomètres. Mais ce n’est pas sûr. Très bien.
Donc, à part les spiripontains, personne n’a à se préoccuper de ce plan, qui prévoit l’évacuation en cas d’accident. Ah ben non, puisque Pont est à plus de 10 kilomètres. Bref. Ah si, « on a une centaine de milliers de comprimés d’iode stockés pour être distribués en moins de trois heures dans tout le département », précise Michel Garrel avant de faire passer un petit quiz au public sur le Plan communal de sauvegarde (presque personne ne sait ce que c’est), puis de se tourner vers Alexandre Pissas et lancer presque goguenard : « vous voyez, on a encore beaucoup de boulot. » Certes, mais notre petit doigt nous dit que ce n’est pas en le renvoyant à sa propre ignorance de la kyrielle de plans prévus pour absolument chaque situation d’urgence que le citoyen s’emparera de sa propre sécurité. « Je vous trouve très désinvolte » lui lancera l’Insoumise Geneviève Sabathé, depuis le public. « Je ne suis pas désinvolte, je ne dramatise pas », lui rétorquera Michel Garrel, avant de renvoyer les citoyens à leur maire pour plus d’informations sur le Plan communal de sauvegarde.
Enfonçage de portes ouvertes
On passe à l’ASN, qui nous apprendra, stupéfaction, que chaque exploitant nucléaire « doit toujours grader la maîtrise des trois fonctions fondamentales de sûreté » qui sont, accrochez-vous, « la maîtrise des réactions nucléaires en chaîne, l’évacuation de la puissance thermique et le confinement des substances radioactives. » Effectivement, on imagine sans peine que ça vaut mieux. Aubert Le Brozec insistera également sur l’après-Fukushima, qui a amené l’ASN à « imaginer des situations d’agression même improbables, avec des cumuls. » Concrètement, sur Marcoule on imagine des séismes et des inondations plus importants que les plus importants jamais enregistrés dans le secteur qui se produiraient en même temps, des rafales de vent à 180 km/h, un mètre de neige, etc. Eh bien ça tient : le risque est considéré comme « maîtrisé » partout, sauf pour Centraco, où il est (nuance) « globalement maîtrisé », et ce car des études complémentaires doivent être conduites sur « les chutes d’avion (bel euphémisme au demeurant, ndlr), la foudre et les séismes. »
La question du vieillissement des centrales sera posée par le public, et évacuée par l’ASN, « qui fait des réexamens périodiques tous les dix ans », celle des drones (qui ne concerne pas l’ASN) est en discussion « dans des groupes de travail, et des réponses techniques peuvent être apportées. » Celle des rejets aussi, l’interlocutrice, pourtant membre revendiquée de la CLI Marcoule, se disant sur ce point « consternée par ce manque de transparence notoire. » Au moment où Aubert Le Brozec s’apprêtait à répondre, une autre voix se fit entendre : « pas la peine de répondre, on ne vous croira pas. » Sans se démonter, Aubert Le Brozec invitera les opposants à prendre contact avec l’ASN, puis rappellera que « ces données sont publiques. »
La parole sera ensuite donnée au président de l’Association nationale des CLI Jean-Claude Delalonde, dont le long (long, long) discours visait à dire en substance que le nucléaire était l’affaire de tous, mais « qu’il faut accepter que parfois le temps est long. » Surtout pendant une réunion publique de la CLI durant laquelle la transparence s’est malheureusement apparentée à de l’enfonçage de portes ouvertes.
Et aussi :
La CGT a dénoncé durant la réunion la « sous-traitance effrénée » du site de Marcoule, qui serait orchestrée par le CEA pour diminuer les coûts et les effectifs, ce qui poserait, d’après le syndicat, des problèmes sur la sûreté et la sécurité du site. Le directeur du CEA Marcoule Philippe Guiberteau, présent mardi soir, contestera cette version, en affirmant notamment qu’après « plus de dix ans, le processus est parfaitement maîtrisé. »
Le maire de Saint-Etienne-des-Sorts et vice président de la CLI Marcoule Didier Bonneaud quant à lui saisi les parlementaires sur la question du budget alloué au site de Marcoule. D’après lui, « il manque 50 millions d’euros dans le budget du CEA qui risquent d’être prélevés sur le budget 2018, ce qui plomberait l’économie de notre département. » L’élu en profite aussi pour demander « que soit officiellement actée l’installation du réacteur de 4e génération ASTRID en 2018 », tant qu’à faire.
Thierry ALLARD