MIDI VILLAGES La ferme du Rouinet à Fourques : une histoire ancrée dans le temps et la terre
Chaque midi, Objectif Gard met à l’honneur une commune gardoise de moins de 3 000 habitants. Direction Fourques, où une douzaine de producteurs alimente l’association pour le maintien d'une agriculture paysanne du Rouinet.
La ferme du Rouinet, c’est avant tout une histoire de famille, celle des Dumont. Quatre générations d’agriculteurs ont plongé leurs mains dans ces terres plantées à Fourques, d’une surface de 5,5 hectares. Jules et Anna ont écrit les premières lignes de cette histoire. En 1911, le couple installe sa ferme à la frontière arlésienne, et innove en produisant des haricots et des fraises, fait plutôt rare sur le territoire gardois. « Jules vendait sur les marchés locaux et ça marchait bien pour lui », raconte Françoise, son arrière-petite-fille.
De l'opéra d'Avignon à la terre
La ferme a ensuite été transmise à Louis, le fils de Jules et Anne. « Mais il y a eu la crise économique des années 30 et il a souhaité arrêter pour entrer dans la gendarmerie. C’était un fermier qui s’occupait alors de l'exploitation », poursuit Françoise. Suite au décès de Louis en 1943, un de ses cinq enfants, Jean, a décidé à l’âge de 15 ans de reprendre la ferme. Sa production, majoritairement du céleri, était destinée au marché d’intérêt national (MIN) de Marseille.
Puis c’est la fille cadette de Jean, Anne-Marie qui a repris le flambeau en 1991. « Nous sommes cinq sœurs, et aucune n’avait l’envie de reprendre l’exploitation. Ma sœur, Anne-Marie, était costumière à l’opéra d’Avignon. Est venu le moment où elle en a eu marre d’être dans l’ombre, au sous-sol. Elle a donc suivi une formation agricole. » Pendant quinze ans, Anne-Marie poursuivra le travail engagé par son père. Mais victime de la concurrence espagnole, l’agricultrice fourquesienne change ses plans en 2006, diversifie sa production avec une cinquantaine de variétés et se tourne vers la vente à la ferme.
C’était au moment où les premières AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) sortaient de terre. Un concept inspirant pour l’ancienne costumière, car il assure à l’agriculteur la pérennité économique de sa ferme et lui permet d’écouler sa production grâce à un contrat établi avec les consommateurs, aussi nommés des consom’acteurs, ces derniers bénéficiant de produits frais et locaux.
La ferme du Rouinet a distribué jusqu’à 200 paniers par semaine pour 360 familles adhérentes. « Il faut dire que les paniers étaient très généreux, c’était la touche Anne-Marie », s’amuse Jean-Luc Vernier, enseignant au lycée agricole de Rodilhan. Des années de gloire qui furent très intenses. En 2018, Anne-Marie décide d’arrêter son activité. L’exploitation va tout de même perdurer, de même que l’AMAP.
Car les cinq sœurs héritières des 5,5 hectares de l’exploitation s'accordent pour vendre, mais avec un objectif bien précis : « ces terres devaient rester agricoles », indique Françoise. C’est donc le mouvement citoyen Terre de Liens qui a acheté l’exploitation. À travers ses actions, cette organisation lutte contre la disparition des terres et facilite l’accès au foncier agricole pour de nouvelles installations paysannes.
Pari réussi pour la ferme du Rouinet qui après une longue période de transition, a retrouvé un chef d’exploitation - locataire de Terre de Liens - en la personne de Khalid Abarki. L’homme âgé de 45 ans a été le salarié d’Anne-Marie pendant 14 ans. La transmission officielle a eu lieu au mois de juin dernier. Khalid fait donc partie de la douzaine de producteurs à alimenter l’AMAP du Rouinet, désormais présidée par Pauline Joubier. Un nouveau départ plus structuré avec des référents pour les producteurs, Jean-Luc étant celui de Khalid. « Aujourd’hui, nous distribuons une soixantaine de paniers par semaine et avons 110 familles adhérentes », précise Jean-Luc. Pour la ferme du Rouinet, le prix du panier sur une liste comprenant entre 8 et 12 produits du jardin, est fixé à 25€.
Stéphanie Marin