POLITIQUE Les débuts de… Yvan Lachaud
Yvan Lachaud est comme qui dirait un enfant du pays. Un enfant qui a fait ses classes politiques dans l'univers local et compte bien boucler la boucle en 2020. Retour sur son parcours.
Né dans le quartier Richelieu à Nîmes d'une mère au foyer et d'un père militaire, Yvan Lachaud est un pur Nîmois. Après une enfance qu'il qualifie de "modeste mais heureuse", c'est dès l'âge de 14 ans que le virus du travail l'emporte. Il démarre sa vie professionnelle par des petits boulots chez les épiciers du coin. Habile touche-à-tout, il bricole pour ses voisins : l'électricité, les petits travaux d'entretien courant.
Très tôt il comprend que pour payer ses études, il lui faudra mettre la main à la pâte. Issu d'une famille mixte - sur le plan de la religion s'entend-, protestant par sa grand-mère et catholique par son père, c'est finalement vers l'enseignement catholique qu'il se dirige. Tout d'abord à l'école Saint-Baudile puis à Saint-Stanilas. Très impliqué, il deviendra enfant de coeur. C'est dans cette ambiance qu'il apprendra les rouages de l'entraide, de l'altruisme et de l'accompagnement de son prochain.
Au lycée puis à la faculté, il poursuit son investissement et donne des cours aux élèves en difficulté. Conjointement il coiffe les casquettes plurielles de sonorisateur, de responsable d'un centre de loisirs à la Grande-Motte et de président d'un groupe folklorique qui a traversé le monde et joué dans 57 pays. "Je ne prenais jamais de vacances", raconte-t-il.
L'Institut d'Alzon en lien avec le parcours politique
Cette volonté d'accompagnement de l'autre le distinguera et favorisera son intégration à la direction de l'Institut d'Alzon. "J'ai accepté la mission en 1987 afin de restructurer le parc immobilier qui était dispersé dans plusieurs coins de la ville et développer l'internat", relate le président de l'Agglomération nîmoise.
Yvan Lachaud n'en reste pas là et parvient à convaincre Jean Bousquet, alors maire de Nîmes, de lui céder pour le franc symbolique l'ancien Parc des expositions de la rue Sainte-Perpétue dans l'objectif d'y construire l'Institut d'Alzon. Validée en 1989, la construction sera effective en 1992. "Au départ, nous étions 40 salariés. Aujourd'hui, nous en sommes à 260 emplois directs et 700 au total en comptant l'ensemble des sous-traitants et professeurs externes. Il s'agit d'une belle opération pour la ville et génératrice de création d'emplois", se félicite Yvan Lachaud.
C'est en 1984, quand le président de la République de l'époque, François Mitterrand, envisage de nationaliser l'enseignement privé, que le centriste prend sa première carte de militant au CDS (Centre de démocratie sociale), un mouvement de centre-droit. Pressé par Jean Bousquet, il accepte de devenir son directeur de campagne pour les Municipales et les Législatives. "Il vivait comme une passion la ville de Nîmes. Mais il n'a jamais quitté son métier d'origine. Ce qui lui a permis d'avoir une vision pour Nîmes", se souvient Yvan Lachaud.
Élu d'opposition pendant plusieurs années, puis conseiller régional en 1998, il franchit les portes de la mairie de Nîmes en 2001 avec son meilleur ennemi d'aujourd'hui, Jean-Paul Fournier. Dans son ombre, il devient premier adjoint au maire de Nîmes, chargé des finances. En mars 2014, il prend la tête de Nîmes Métropole à la suite d'un accord électoral avec la droite.
Parallèlement, il devient député de la 1re circonscription du Gard de 2002 à 2012. Au cours du deuxième mandat, il co-rédige deux rapports parlementaires qui aboutiront à la loi de 2005 sur la scolarisation des enfants en situation de handicap, puis sur leur formation professionnelle. "Nous avons transposé ce que nous sommes parvenus à faire dans l'enseignement privé", commente-t-il.
La situation se complique en 2017. Dans le cadre d'une majorité composée des élus UDI et Républicains, il conduit une politique tournée vers l'attractivité économique et l'enseignement supérieur. Des choix stratégiques qui ne sont pas au goût de Jean-Paul Fournier qui le taxe régulièrement de "girouette". Un qualificatif qu'Yvan Lachaud réfute : "je suis du centre droit et je ne changerai pas. Je suis humaniste, libéral, social et européen. J'en ai marre de ces querelles stupides."
Dans l'optique de vouloir "travailler avec tout le monde pour reconstruire cette ville", Yvan Lachaud devra composer et s'associer pour créer les conditions du rassemblement autour de sa personne. "Je pilote 700 personnes tous les jours. La politique c'est pareil. J'ai horreur de tourner le dos même à ceux qui ne sont pas de mon parti. Chez les autres aussi il peut y avoir de bonnes idées", convient-il.
Une approche intellectuelle et une démarche qui ressemblent furieusement à celles d'Emmanuel Macron lors de la Présidentielle de 2017. Et qui ne sont pas sans éveiller les soupçons d'une volonté de rapprochement d'Yvan Lachaud avec le locataire de l'Élysée. "Emmanuel Macron a de vraies qualités. Réformer le pays c'est compliqué. Pourquoi toujours critiquer ? La réforme de la SCNF était nécessaire", analyse le patron de l'Agglo.
Comme le mentor de la République en marche, celui de Nîmes métropole fait confiance aux entreprises : "elles font vivre le pays. Si les collectivités étaient dirigées comme des entreprises, on ferait de sacrées économies". Après l'épisode douloureux de la Saur dans l'émission de France 2 Cash Investigation, ce n'est pourtant pas forcément la recherche d'économies qu'on associe spontanément à Yvan Lachaud.
Et pourtant, ce dernier souhaite s'en convaincre et surtout... en convaincre les autres. "Je fais en sorte de toujours trouver les meilleurs solutions possibles. Je pense avoir volontairement remis en cause la DSP (Délégation de service public) Transport avec Kéolis et reculé pour l'Arena de Manduel. J'espère donc que l'on retiendra mon image de travailleur. J'aime bien apporter mes compétences, mon savoir-faire. Après, il peut y avoir des différences d'appréciations", analyse-t-il.
Mais ce qui tient le plus à coeur au prétendant à la mairie de Nîmes en 2020 c'est avant tout l'éducation des plus jeunes : "éduquer c'est plus difficile qu'enseigner. J'ai transformé d'Alzon en ce sens. Ma volonté était de pousser vers l'excellence et non pas l'élitisme." 100 millions d'investissements plus tard et une carrière politique bien entamée, Yvan Lachaud pense avoir la tête sur les épaules : "je n'ai jamais quitté mon métier, cela permet de garder les pieds sur terre et d'être humble chaque jour face à la réalité."
Donner aux autres, c'est prendre le risque de délaisser sa famille. Un terrain intime que le centriste veut garder pour lui, même si son épouse et ses enfants ne sont jamais très loin : "toutes les huit semaines, je consacre une semaine entière à ma famille. Une forme d'espace de décompression que j'essaie de conserver au maximum."
Cette bulle d'oxygène est aussi l'occasion de voyager, d'investir de nouveaux terrains de jeux comme la Chine avec l'école française d'Alzon qui a ouvert ses portes il y a peu. Mais aussi de mener des projets solidaires en y associant des élèves de l'établissement : "avec une dizaine d'élèves et une collecte de fonds, nous sommes parvenus à ouvrir une école en Tanzanie afin de scolariser 500 filles."
Faire et... laisser faire. "Au bout de trois semaines ces gamins sont totalement changés. Sans eau, sans électricité, ils sont soumis aux règles basiques de l'entraide. Pareil au Vietnam où nous avons ouvert une école maternelle." Croyant agnostique - "Ma foi est plus forte que le doute", dit-il -, ces temps d'arrêt loin de la politique locale lui offrent l'opportunité de la réflexion et du recul sur ses actions. "Je retrouve un côté paisible et serein" loin du tumulte. L'occasion d'investir un terrain plus spirituel... Et peut-être moins complexe que de convaincre les Nîmois du bien-fondé de sa démarche politique.
Abdel SAMARI