PONT-SAINT-ESPRIT « Cas de divorce sans fin » au conseil municipal
Les quelques Spiriponatins courageux qui ont eu la force d’assister en direct visioconférence au conseil municipal d’hier soir ont sans doute eu l’impression de regarder un audacieux cross-over entre le film « Un Jour sans fin » et la défunte série « Cas de divorce ». Un « Cas de divorce sans fin », en somme.
Car l’ex-majorité, désormais scindée bien comme il faut, avec l’ex-maire de Saint-Étienne-des-Sorts Didier Bonneaud en invité qui doit parfois se demander ce qu’il fait là, n’en finit pas de divorcer et se renvoie à la figure ad nauseam toujours les mêmes arguments avec une inimitié, pour ne pas dire une haine, palpable.
Seul l’ordre de l’envoi des amabilités et des éléments scénaristiques change, ce qui est un peu léger pour tenir l’audience en haleine sur un mandat de six ans. Une chose tout de même : le théâtre a changé. Désormais pour cause de centre de vaccination à la salle des fêtes, le vaudeville spiripontain mensuel se joue désormais à la Blache, ce qui coûte 140 euros par séance à la municipalité.
De ce spectacle de plus en plus pathétique nous ne retiendrons pas les énièmes lettres à la préfète de l’opposante d’UCS, Catherine Chantry, dont le budget timbres doit exploser, pour dénoncer toutes les irrégularités et illégalités qu’elle perçoit. Pas non plus les procès en constructivité, ni les élus de la majorité qui reprochent encore à leur opposition d’aujourd’hui d’avoir perçu leurs indemnités jusqu’au bout du mandat précédent, pas plus les interventions au ton professoral de la maire Claire Lapeyronie ou celles mielleuses, pour ne pas dire obséquieuses, du colistier de Catherine Chantry, Didier Bonneaud, dans une réinterprétation subtile du motif « good cop/bad cop ». Nous ne retiendrons pas, mais il faudra se forcer, le ton belliqueux de la plupart des échanges, qui donne plus envie de partir s’aérer dans un rayon de dix kilomètres que de se déplacer aux urnes.
L’Agglo pour commencer
Nous retiendrons que l’assemblée a été amenée à débattre du rapport de la Chambre régionale des comptes sur la gestion de l’Agglo du Gard rhodanien. Rapport qui nécessite une bonne dose d’optimisme ou de cécité pour être considéré comme « bon », sur lequel les élus spiripontains à l’Agglo se sont déjà largement exprimés en février. Pour ceux qui auraient raté l’épisode, on a eu droit aux mêmes acteurs : Claire Lapeyronie qui montre les dents de demande instamment « un plan d’actions » pour corriger ce que dit la CRC, Catherine Chantry qui parle d’un rapport « accablant » et en profite pour tirer sur la première vice-présidente de l’Agglo qui n’est autre que... Claire Lapeyronie, et le conseiller municipal de la majorité Luc Schrive qui, après sa spectaculaire démission de l’Agglo en février, en remet une couche en parlant de « cynisme édifiant » d’une Agglo dont il estime qu’elle ne profite qu’à Bagnols.
Voilà pour la substance d’un débat sur lequel tout le monde dans l’assemblée est finalement d’accord sur l’essentiel. L’épisode sur la baisse des attributions compensatoires, équivalent de la défunte taxe professionnelle collectée et reversée aux communes par l’Agglo, faisant par exemple consensus. L’adjoint Benjamin Desbrun, cible prioritaire de l’opposition, leur rappelant qu’il avait fait montre de son « agacement » face à cette baisse, et que finalement « nous avons été entendus pour trouver un meilleur compromis. » On verra lors du vote du budget de l’Agglo le 12 avril.
L’opposition refuse de voter
Le budget justement, autre gros morceau de cet ordre du jour municipal. Avec en amuse-bouche le vote des comptes de gestion et des comptes administratifs 2020, documents comptables qui viennent clore l’exercice précédent en établissant à l’euro près ce qui a été effectivement dépensé et ce qui est arrivé sur les comptes de la ville. Une nouvelle fois, Catherine Chantry reprochera à la majorité de ne pas lui avoir transmis les comptes de gestion définitifs, l’accusant de « cacher » ces informations par le truchement de « mensonges » et d’estimer que toutes les délibérations ayant trait à des questions budgétaires qui suivraient hier soir étaient « entachées d’illégalité ». En conséquence de quoi le groupe UCS ne prendra pas part au vote sur ces délibérations.
On vous passera le désolant débat sur l’ultimatum envoyé par Catherine Chantry aux services de la commune vendredi soir concernant le compte de gestion. Plus loin, l’opposante s’en prendra au décalage entre le budget primitif 2020 et le compte administratif : « La différence entre le budget prévu et celui réalisé dépasse le million d’euros », lancera-t-elle. Benjamin Desbrun lui répondra que c’était la faute du covid, « il y a eu des décalages d’exécution des travaux. Quand vous mettez tout ça bout à bout vous le trouvez votre million. »
Les amabilités se poursuivront sur l’affectation du résultat 2020. « Il y a un mois vous nous parliez d’épargne nette de 84 000 euros, et aujourd’hui on découvre 1,9 million de recettes », s’étrangle l’opposante, qui estime qu’avec cette somme, on pourrait baisser les impôts (spoiler : ça n’arrivera pas, les taux votés peu après restent les mêmes qu’en 2020). « Entre l’annuité de l’emprunt et les intérêts nous avons 1,6 million d’euros à rembourser », lui répondra Benjamin Desbrun, avant que Catherine Chantry ne lui lance d’arrêter « de jouer avec les chiffres. J’ai fait une formation. »
« La préfecture annulera vos délibérations, ce n’est pas un problème ! »
Après que, dans un remake de la campagne de 2020 l’opposante a proposé une nouvelle fois de baisser les impôts, et que la maire lui a rétorqué une nouvelle fois que la baisse des impôts interviendrait en 2023, place au vote du budget. Sur cette délibération, les débats seront plus courts et encore moins substantiels. Plutôt que de paroles, parlons chiffres donc : 23,4 millions d’euros de budget au total, dont 15,5 millions en fonctionnement et 7,87 millions en investissement en intégrant les reports évoqués par Benjamin Desbrun plus haut.
« C’est un budget empreint à la fois d’humilité et de conviction », commentera la maire, avant de lister les principaux investissements : « La fin de la RD6086, continuer de réparer l’église, les escaliers Saint-Pierre, l’Opération programmée d’amélioration de l’habitat, lancer le projet de nouvelle gendarmerie ou encore attaquer la rénovation de l’éclairage public. » Benjamin Desbrun remerciera ensuite l’opposition pour son refus de vote équivalent à une abstention, ce qui, techniquement d’après lui, équivaudrait à « un vote à l’unanimité. »
De quoi amuser Didier Bonneaud - « il faut remonter loin pour trouver une unanimité sur l’ensemble de ces délibérations » - mais pas Catherine Chantry, qui lancera, à la fin de ces débats que de toute façon « la préfecture annulera vos délibérations, ce n’est pas un problème ! » Fin de ce nouvel épisode de la saison 1 de « Cas de divorce sans fin ». Plus que cinq saisons.
Thierry ALLARD