SOIR DE VICTOIRE Il y a six ans, l'insoutenable élection de Denis Bouad au Département
Tout l’été, Objectif Gard vous raconte les soirées de victoire de nos politiques gardois. Des moments souvent bouleversants comme l'épopée de Denis Bouad, en 2015, pour la présidence du Conseil départemental.
Plus la bataille est rude, plus grande est la victoire. Ce n'est pas l'élu du canton d'Uzès, Denis Bouad, qui nous contredira. Après 25 ans de vie publique, le socialiste a réussi non sans mal à présider le Conseil départemental du Gard. Nous sommes en mars 2015, en pleine campagne des élections départementales. À l'époque, c'est le maire de Vauvert, Jean Denat, qui préside la collectivité. Le Camarguais a accédé au pouvoir, en cours de mandat, grâce à ses relations à Matignon. Ce qui ne manque pas d'irriter le Blauzacois, faisant toutefois jeu collectif.
Coup du destin
La campagne est difficile, harassante. La Droite incarnée par le duo Laurent Burgoa-Thierry Procida unit ses forces pour faire tomber le Gard, historiquement à Gauche. La réforme des cantons, deux ans plus tôt, a diminué le poids politique des Cévennes, forces vives de la majorité sortante. Dans chaque territoire, les binômes battent campagne. Vieux routard de la politique, Denis Bouad choisit l'écologiste Bérengère Noguier pour former son tandem. La Gauche est unie à Uzès. L'ex-maire de Blauzac, encarté au PS, y règne en maître depuis sa victoire, en 2004, contre « l’imbattable Jean-Luc Chapon ».
À ce moment-là, personne ne sait que Denis Bouad deviendra président du Département. À la tête du bailleur social Habitat du Gard, son poids politique est prépondérant. Sa réélection, le 26 mars, n'est pas vraiment une surprise. En revanche, la défaite de ses camarades, elle, est inattendue. Sur le territoire de Vauvert, canton du président Jean Denat, le Rassemblement national sort vainqueur. Stupeur à Gauche ! Ajouté à cela, la Droite arrive en force, privant la Gauche d'une majorité absolue. De ce chaos politique né un espoir : Denis Bouad.
Le trublion Pissas
« Il fallait quelqu’un qui soit assez consensuel pour garder la collectivité », se souvient l’intéressé. Seulement voilà, dans le Gard rhodanien, un candidat, lui, sabre le champagne : Alexandre Pissas. Le président des pompiers a conservé son canton, sans le soutien du Parti socialiste. Répudié, le maire de Tresques est désormais convoité. La Gauche cherche à tout prix à décrocher son soutien. La Droite, elle aussi, veut s'attirer ses faveurs. En position de force, Alexandre Pissas joue sa carte à fond, négociant âprement son ralliement.
Entre quatre yeux avec Denis Bouad, les prétentions du Tresquois sont ambitieuses : première vice-présidence, légion d’honneur, mission ministérielle sur les pompiers... Il demandera même la présidence d'Habitat du Gard, se heurtant au refus catégorique de Denis Bouad. Le Gouvernement de Manuel Valls rappelle à l'ordre Alexandre Pissas, espérant que le socialiste qu'ils ont un temps rejeté rentre au bercail.
L'enfer des trois tours
L'élection pour la présidence du Département se joue quelques jours plus tard, le 2 avril. Une foule impressionnante d'élus et journalistes se bousculent, rue Guillemette. Les 46 élus s'avancent pour le premier tour à bulletin secret. Deux candidats sont en lice : Denis Bouad et le Nîmois Laurent Burgoa. Avec 22 voix pour la gauche, 4 pour le FN, 18 pour la droite et deux bulletins blancs, Denis Bouad est en tête. Le socialiste n'a pas pour autant gagné, puisqu'il doit recueillir la majorité absolue (22 voix + une).
Assis au premier rang, Denis Bouad ne bronche pas. Pour ce troisième tour, la Droite peut encore l'emporter avec les voix du Rassemblement national. Proche du Blauzacois, le communiste Patrick Malavieille glisse à Laurent Burgoa : « Ne fais pas le con ! » L'élu nîmois se lève, le cœur serré, il annonce le retrait de sa candidature. La gauche récolte 22 voix pour, contre 19 abstentions. La majorité absolue n'étant pas requise pour le dernier tour. « Tu m'as fait quelques frayeurs entre 9 heures et 11h30 », lance soulagé Denis Bouad à son adversaire.
Et maintenant ?
« Le soir, on a bu une coupe de champagne et on a mangé avec l’ensemble des élus de la majorité » se remémore Denis Bouad. Les réjouissances sont de courte durée. En majorité relative, la collectivité s’annonce rude à gouverner sans compter les difficultés financières. Le président entreprend une profonde réforme de l'institution. Il poursuit le plan de Très haut débit, la construction de collèges et créé plusieurs services pour les maires : contrats territoriaux et agence technique de développement.
Son implication est telle, que beaucoup le voient sénateur. Simon Sutour, sénateur sortant, l'adoube pour le remplacer au Palais du Luxembourg. Au Département, le socialiste - et son alléchant budget d'investissement de 140 M€ - compte parmi les élus les plus influents. Denis Bouad en joue, dédaignant même son parti politique d'origine. Au-delà du pouvoir, sa fonction semble le régaler. « C’est un homme qui aime tâter le cul des vaches avec un bon rosé et un Pélardon », relève un maire avisé. Une sorte de Chirac gardois dont la candidature au Sénat pourrait, elle-aussi, bien faire pschitt.
Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com