ALÈS Le cri d'alerte du collectif solidarité migrants : "L'État fabrique des sans-papiers et de la misère"

Une partie du collectif s'est rendue à l'école Sans Frontière d'Alès pour pousser un cri d'alerte sur la situation actuelle des étrangers en France.
- R.F.Le collectif solidarité pour les migrants pousse un cri d'alerte et dénonce les façons de faire de l'État sur le refus d'octroi des titres de séjours pour les migrants.
"On est venu pour dénoncer certaines choses qui ne sont pas conformes à la loi", attaquent fort les membres du collectif solidarité pour les migrants. Ce collectif, regroupant 14 associations, dont la Cimade, la Ligue des droits de l'homme, le Secours Catholique, Amnesty International, ou encore l'École Sans Frontière d'Alès, dénonce les méthodes de l'État concernant l'octroi ou le refus des titres de séjour. "Certains perdent leur travail trop tôt, c'est la faute de la préfecture", accuse la Cimade. Selon eux, c'est "l'État qui fabrique des sans-papiers et de la misère" en renvoyant dans le circuit des migrants qui faisaient partie du système français.
"Beaucoup de ces migrants n'ont pas de réponse à temps et perdent leur travail au moment du renouvellement de leur titre de séjour. On se demande si l'État ne fait pas exprès ! Ils se cachent derrière l'excuse du manque de personnel", complètent les représentants du Secours Catholique et de la Cimade. Selon le collectif, qui existe depuis une dizaine d'années, la population n'est pas suffisamment informée des difficultés rencontrées par les étrangers et met en cause la préfecture, qui ne respecte pas la loi en repoussant les échéances de renouvellement des titres de séjour.
Neuf ans d'attente pour cette famille
C'est le cas d'Arben et Suela, présents à cette assemblée. Ce couple originaire d'Albanie vit et travaille en France depuis plus de neuf ans. Âgés d'une cinquantaine d'années, ils ont vu grandir leurs trois enfants dans leur nouveau pays d'adoption. L'un d'eux, diplômé d'un baccalauréat, a même réussi à obtenir une place à l'École des Mines d'Albi, ainsi qu'une alternance dans une entreprise du secteur. Mais lors de la demande de renouvellement de son titre de séjour à sa majorité, l'étudiant a vu sa demande repoussée à trois reprises, avec des récépissés de la préfecture. Une lutte intense et une situation délicate qui ont conduit son employeur à le licencier. Si la situation a été réglée au tribunal grâce au soutien d'un avocat, il est actuellement le seul membre de sa famille en règle. Car malgré une présence en France depuis neuf ans, le couple a vu son titre de séjour refusé à plusieurs reprises et a même reçu une OQTF (Obligation de quitter le territoire français). Un combat de longue haleine pour ce couple, qui fait partie de nombreux cas similaires, comme le souligne le collectif solidarité pour les migrants.
Arben, le père de famille, explique en français qu'il a déjà obtenu trois promesses d'embauche de différents employeurs : "La seule chose dont j'ai besoin, c'est ce fameux papier pour travailler." Une situation dont il n'est pas le seul à souffrir. "Nous avons eu 14 personnes depuis le début de l'année qui sont venues nous voir, explique le collectif, mais pour certains, il est déjà trop tard, et pour beaucoup, ils ont peur de prendre un avocat", assure le collectif.
Des métiers en tension dans le besoin
Pour expliquer ce problème, le collectif cherche à sensibiliser le grand public : "Je pense qu'il y a un manque de connaissance de la population sur ces problèmes-là. Ils ont des préjugés et rejettent massivement les immigrés. Ils ne savent pas à quel point il est difficile pour des étrangers d'avoir une situation correcte et de travailler en France. Il faut les informer."
Un cri d'alerte lancé depuis les évolutions législatives de ces deux dernières années, d'abord avec la loi CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), mise en place en janvier 2024 par Gérald Darmanin, puis la circulaire Valls, qui permettait aux sans-papiers de demander une régularisation après cinq ans passés sur le territoire. Ce délai a été porté à sept ans depuis l'arrivée de Bruno Retailleau au ministère de l'Intérieur. "Cette loi ne fait que régulariser cette méfiance. Beaucoup de familles ont dépassé les sept ans et n'ont toujours pas de réponse", déplore le collectif. "Des médecins reçoivent des OQTF, c'est quand même scandaleux. Et la majorité d'entre eux travaillent dans des secteurs en tension, comme le médical et le bâtiment."
À Bagard, une famille syrienne est hébergée depuis 2017 par le diacre de l'Église catholique, Pierre Pradel. En collaboration avec la paroisse de Saint-Christol-lès-Alès, il explique avoir tout vécu avec cette famille : "On s'est battus pour eux. Ils ont tout connu, de la naissance d'un enfant à l'obtention d'un hébergement et de l'électricité, jusqu'à une OQTF uniquement pour la mère de famille. Nous avons gagné au tribunal administratif car nous avions un dossier solide, accompagné d'une pétition des habitants de la ville."