FAIT DU JOUR Fadil Mohamedi, la bonne âme de Nîmes Olympique

Pour les joueurs, Fadil Mohamedi est beaucoup plus qu'un simple intendant.
- Photo : Anthony Maurin.Présent à Nîmes Olympique depuis 1999, Fadil Mohamedi voue une passion sans bornes au club auquel il dédie sa vie depuis un quart de siècle avec la discrétion qui le caractérise.
Le football n’est pas uniquement constitué de mercenaires, de requins et d’opportunistes. Il y a encore des personnes qui n’ont pour seul objectif de rendre service et d'œuvrer au quotidien sans compter les heures. Fadil Mohamedi fait incontestablement partie de cette catégorie de travailleurs de l’ombre. « Je suis très discret et je n’aime pas être mis en lumière », confie l’intéressé qui depuis le début de la saison a la charge de l’intendance pour les entraînements à la Bastide. « Après mon arrivée à 9h, je vérifie tous les équipements, je gonfle une cinquantaine de ballons et je prépare l'eau en mettant les numéros des joueurs sur les bouteilles ».
Formose Mendy : « Heureusement qu’il y a encore des gens comme lui »
Ce travail préparatoire effectué, la mission du nîmois n’est pas terminée : « Pendant l’entraînement, je range les équipements quand les joueurs passent d’un atelier à l’autre. Ça permet de ne pas perdre de temps. Puis, à la fin de la séance, tout le monde m’aide. » Les joueurs l'observent et ils connaissent l’importance du travail d’intendance. « C’est notre papi. S’il n’était pas là, ce serait compliqué dans l’organisation. Il nous remet les pieds sur terre, car il a encore la pèche. C’est un exemple. Heureusement qu’il y a encore des gens comme lui », souligne Formose Mendy, le capitaine nîmois.
La tâche peut paraître ingrate, mais elle est essentielle. C’est pourtant loin du Gard que le parcours de Fadil a débuté. C’était en Algérie en 1957 où il nait de parents marocains. À ces racines magrébines, l’homme veut associer son amour de la Corse, où, avec sa famille, il a passé son enfance et son adolescence. « Mes parents n’avaient pas de voiture. C’est le président de mon club de foot qui me conduisait au stade et je ne payais pas ma licence. Je ne connaissais pas les fêtes de Noël, mais une voisine m’offrait des cadeaux ». Il y a des choses qui ne s’oublient pas et l’homme n’a pas la mémoire courte.
La Zup, le championnat Nîmes-Ville, la SNCF et les TCN
L’île de beauté dans le cœur, la famille Mohamedi arrive à Nîmes en 1974 et s’installe dans la Zup sud. « Ce n’était pas comme maintenant », se souvient l’intendant. En parallèle, le jeune homme s’investit dans le tissu associatif avec toujours comme objectif d’aider son prochain. Dans la cité des Antonin, Fadil participe au championnat Nîmes-ville, et plus tard, c'est une carrière d’éducateur qui le mène notamment à Marguerittes, Bouillargues et à la Zup. Dans le privé, le natif d’Oran (Algérie) est agent de maîtrise à la SNCF, puis chauffeur de bus. « En 22 ans de présence, je n’ai jamais été en retard et j’ai raté qu’un jour parce que j’étais malade », précise celui qui est très à cheval sur la ponctualité.
Sa carrière professionnelle le conduit jusqu’à Bruxelles en Belgique : « J’ai fait partie des trois chauffeurs qui ont été chargés d’essayer le tram-bus de Nîmes. » Puis un jour de 1999, sur les conseils d’un éducateur, il entre à Nîmes Olympique pour s’occuper des U13. C’est le début d’une longue aventure dans laquelle Fadil dirige toutes les catégories. Des souvenirs en pagaille et quelques noms qui sortent du lot comme Gallon, Michel et Paquiez, qu’il découvre lors d’un tournoi en Corse. Il y a aussi des entraîneurs : Vannuchi, Dall'Oglio, Cavalli et Froger. En 2004, les jeunes Nîmois avec Hermach et El Zhar jouent la finale de la coupe Gambardella.
La finale de la coupe Gambardella 2004 ratée par timidité
Fadil a œuvré pendant le parcours des jeunes du NO, mais cette finale au Stade de France, il ne la voit pas. « Je travaillais aux TCN (Transports en commun nîmois, NDLR) et à cette époque je n’osais pas demander un aménagement de mon emploi du temps. Si c’était aujourd'hui, j’oserais ». Au centre d’entraînement de la Bastide, Fadil et son épouse s’occupent des futurs champions et ce n’est pas de tout repos : « Un jour, Kevin Denkey a failli rater un train pour rentrer à Nîmes et j’avais des joueurs dans le TGV et un autre qui était en retard. Il y a aussi la fois où Nicolas Benezet a fait le mur. »
Mais Fadil aime trop ses petits pour leur en vouloir et il s’est fait du souci pour eux. Comme s’ils étaient ses fils. Et puis, il y a un certain Adil Hermach, qu’il découvre à l’âge de 9 ans. L’éducateur donne sans compter au gamin talentueux et trois décennies plus tard, l’enfant devenu adulte lui permet depuis l’été dernier d’intégrer le staff professionnel. Pour Fadil, qui ne demande rien, c’est un honneur et la récompense du travail accompli. « C’est notre tonton. Je l’ai même vu accompagner des gens à l’hôpital à deux heures du matin. Il a juste besoin d’affection et d’amour, c’est justement ce que lui donnent les joueurs. Mais surtout, lui, c'est un vrai amoureux de Nîmes Olympique », explique, avec beaucoup de respect, Adil Hermach.
Fadil Mohamedi : « Nîmes Olympique, c’est ma famille »
Les qualités humaines de Fadil Mohamedi sont unanimement reconnues par les Crocodiles. « C’est quelqu’un de bienveillant, comme un papa. Il ressent les choses quand on ne va pas bien et c’est rare de voir ça », rappelle Simon Ngapandouetnbu et l’éloge est prolongé par le défenseur Waly Diouf : « C’est un homme avec le cœur sur la main. C’est un grand monsieur. Il nous met dans les meilleures conditions. C’est un bonheur au quotidien. On l’adore. » Si les joueurs professionnels donnent beaucoup de travail à l’ancien chauffeur de bus, il y rajoute son implication avec l’équipe de Régional 1. « Je suis le dirigeant numéro un de la réserve », précise Fadil.
Là encore, son activité est essentielle : « C’est une personne en or, une aide précieuse pour tout le centre. Il n’est jamais absent et il nous aide constamment. C’est un pilier pour nous », confie Mickaël Gas, le coach de la réserve nîmoise. Retraité depuis le mois de juillet, le fringant sexagénaire s’éclate avec ses Crocodiles et il n’a pas envie de stopper l’histoire : « Nîmes Olympique, c’est ma famille. » Mais tout a une fin, et l’homme, sans le dire, redoute le jour fatidique. « Le jour où je ne pourrais plus le faire physiquement ou si je sens que le club ne me fait plus confiance, je partirai ». Ce jour-là, Fadil refermera le portail qu’il a ouvert il y a 26 ans. Nul doute qu’il le fera discrètement, sans bruit et le cœur plein de souvenirs.