Publié il y a 3 h - Mise à jour le 04.03.2025 - Propos recueillis par Abdel Samari - 4 min  - vu 1149 fois

FAIT DU SOIR Sandy Chabine, psychologue à Nîmes : "On n'a jamais eu autant d'adolescents en souffrance psychique"

La psychologue et psychothérapeute, Sandy Chabine, installée sur l'avenue Jean-Jaurès à Nîmes.

- Photo DR

"C'est quasiment un adolescent sur quatre qui présente des troubles psychologiques."

Psychologue et psychothérapeute à Nîmes, Sandy Chabine, spécialisée dans la prise en charge des traumatismes (agressions, harcèlement, accidents, phobies) chez les adultes comme les adolescents, revient sur la santé des adolescents après l'agression au couteau survenue au collègue privé Saint Jean-Baptiste-de-la-Salle. Interview.

Objectif Gard : Comment vont les adolescents nîmois et gardois aujourd’hui ?

Sandy Chabine : Il faut savoir qu'aujourd'hui, on n'a jamais eu autant d'adolescents en souffrance psychique. On a beaucoup d'adolescents qui ont des envies suicidaires, qui sont en dépression. C'est quasiment un adolescent sur quatre qui présente des troubles psychologiques.

Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Une société d’abord trop anxiogène. Puis l'ouverture sur le monde, à travers l’ultra médiatisation, l’accès pour les jeunes à beaucoup trop d'informations. Sans compter la mise en danger sur les réseaux sociaux. Tout cela entraîne une montée des phénomènes de harcèlement. Les jeunes se retrouvent noyés et doivent malheureusement subir aussi les tracas des parents, les tracas de la société et les tracas qu'on traverse à l'adolescence.

"C'est difficile pour les parents d'accompagner leurs enfants"

Dans votre cabinet, vous rencontrez de nombreux adolescents ou jeunes adultes. Comment les aider à retrouver un équilibre ?

On se retrouve avec beaucoup d'adultes qui effectivement sont en échec dans leur parentalité. Ils ne comprennent plus ce qu'il se passe. Souvent, j’entends des parents démunis qui expriment leur difficulté : « Je n'étais pas comme ça à l'adolescence, j'ai effectivement traversé des périodes difficiles, mais j'ai l'impression de ne pas reconnaître cette étape de la vie. » Ce sont généralement les premières remarques. C'est difficile pour les parents d'accompagner leurs enfants, leurs jeunes. Ils ne comprennent pas car ils ne vivent pas les mêmes problématiques. Les parents se retrouvent un peu coincés à ne pas savoir que faire, mettre des limites, ne pas en mettre, l'effet de l'autonomie. Et en même temps vivre dans un monde qui paraît plus dangereux qu'il n'a pu être pour vous, pour moi, pour les générations.

Ce que vous expliquez, c’est que cette situation résulte aussi de l’incapacité des adultes à faire face à ce monde violent et nouveau ?

Est-ce que mon enfant, je le laisse sortir au risque qu’il soit en danger ? Ou est-ce que je le laisse sortir pour qu'il développe un peu des compétences, qu'il soit autonome et qu'il arrive à gérer des situations qui puissent être anxiogènes ? En même temps, on voit bien aujourd'hui qu'avec tout ce qu'il se passe dans le monde, les attentats, le covid, les solutions parfaites n’existent pas. Est-ce que je dois rester chez moi cloîtré et avoir peur ? Certains se posent déjà la question de ne plus vouloir vivre dans cette société de la peur et dans la propagande. D’autres, au contraire, se disent qu’ils doivent continuer à vivre et à profiter de la vie malgré tout ce qui arrive.

"Une partie du cerveau est en état de choc"

Il n'y a pas de bonne réponse...

Évidemment que la bonne réponse n'existe pas et que toute l’ambivalence est là. Mais l'adulte est là aussi pour donner ce cadre autant que possible. Que ce soit l'adulte, le parent, mais aussi les institutions comme dans le cas précis, le collège qui j'ose espérer a mis tout ce qu'il fallait pour accompagner la souffrance qu'ont pu subir tous les élèves, ceux qui étaient témoins de l'agression et puis tous ceux qui en ont entendu parler.

Il y a aussi cette vidéo de l’agression qui a circulé…

C'est bien la problématique. Les images ne sont pas adaptées à tout le monde. Tous les témoins, tous ceux qui ont assisté, tous ceux qui se sont un peu intéressés de près à ce sujet, ils ont eu ce qu'on appelle un traumatisme. Ça veut dire qu'il y a une partie du cerveau en état de choc, qui est sidérée. Les éléments sensoriels, donc les images, les sons, les odeurs, ce genre de choses, restent en tête de façon indélébile. Ensuite, on rentre dans une phase que l’on appelle de stress aigu. Ce sont des symptômes comme des ruminations, des cauchemars, des difficultés d'endormissement, des difficultés avec le fait de se nourrir, le renfermement, etc. Il faut donc, le plus vite possible, verbaliser ce que l’on a vécu. D’abord, avec sa famille. Si cela est nécessaire, avec des professionnels de santé. Et puis pour toutes les personnes qui au bout de quelques jours continuent à ressentir ces symptômes, dans ce cas, il faut une prise en charge plus adaptée.

Comme une thérapie ?

Bien sûr. Il y a des thérapies aujourd'hui, notamment la thérapie EMDR. Elle est spécialisée dans la prise en charge des traumas et c'est la seule qui est reconnue par l'Organisation mondiale de la santé. C'est tout à fait adapté pour les adolescents. Il suffit de quelques séances. C'est une thérapie qui peut être brève et dans ce cas-là, elle peut être très pertinente pour l'accompagnement.

En tant qu’experte de l'accompagnement de ces adolescents en souffrance, est-ce que selon vous, cette génération est perdue ?

Alors, je ne crois pas qu'elle soit perdue. Par contre, je crois réellement qu'on devrait être dans une logique de prévention et non dans une logique de soin. C'est-à-dire que l'idée, c'est qu'au collège, on sait que c'est la période la plus compliquée. Tout le monde peut dire qu'il a eu des mauvais souvenirs au collège. Et je crois que la société ne prend pas suffisamment en compte cette réalité. C’est très surprenant qu’en 2025, il n’y ait pas encore de cours réguliers sur le consentement, sur les violences en règle générale, pas que sexuelles, pas que les agressions. Il y a tout un champ de prévention à faire au niveau des adolescents et de leur santé psychique qui devrait être mis en place. Je ne sais pas, peut-être que les psychologues pourraient être dans la boucle pour faire de la prévention avec des groupes de parole...

Propos recueillis par Abdel Samari

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