FAIT DU SOIR Violent braquage à l’hôtel Chouleur de Nîmes
Dans la nuit du 24 au 25 janvier 2022, Anthony et Billel braquent et dévalisent l'hôtel quatre étoiles du centre-ville de Nîmes. Le veilleur de nuit, menacé et ligoté, est contraint de donner la caisse...
Masque, casque, arme, tout est prêt. Les deux malfaiteurs, originaires du Chemin-Bas d'Avignon, montent sur le scooter et parcourent les ruelles du centre-ville de Nîmes. Arrivés devant le luxueux hôtel Chouleur, ils garent leur véhicule dans une petite rue à quelques pas. Les deux hommes portent un pantalon de travail jaune flashy et un masque chirurgical. Ils sonnent à la porte de l’hôtel. Il est 2h40, le mardi 25 janvier 2022.
La caméra de l’interphone s'allume, le concierge les interroge. « Nous sommes des travailleurs et nous souhaitons réserver une chambre pour demain si possible », expliquent les bandits. Le veilleur ouvre la porte d'entrée pour les accueillir. Ils se dirigent, ensemble, à la réception. Mais tout va basculer… « Je m'apprêtais à prendre les informations nécessaires pour leur réservation, quand je me rends compte que l’un d’entre eux me braque avec une arme, derrière ma tête », raconte le professionnel lors de l’enquête.
Le veilleur de nuit ne bouge plus, il est paralysé. « Ne joue pas au héros avec nous et tout va bien se passer. Donne nous tout l’argent et tu pourras retrouver ta famille en vie », menacent les voleurs. La victime les amène dans une salle, au fond du bâtiment. Les malfaiteurs lui ligotent les mains avec des câbles Serflex. Le concierge est dans l’obligation de les guider jusqu’au coffre. Les recettes du week-end sont divisées dans six enveloppes. Les deux hommes volent tous les billets de banque. Ils dérobent au total 5 500 €.
Avant de partir, les bandits prennent une dizaine de téléphones fixes afin que la victime ne puisse joindre personne. Le veilleur est amené dans une petite pièce sombre. « Tu restes ici pendant cinq minutes. Si tu bouges, on tire dans tes jambes », lancent-ils avant de le fouiller et de lui prendre son portable. Après avoir obéi, le jeune homme, traumatisé, se précipite dans le bureau de son directeur et contacte la police de Nîmes à 2h50.
L’arrestation
Une enquête est immédiatement lancée. Les voleurs sont identifiés par les caméras de vidéosurveillance de la ville. Grâce à leurs pantalons fluos, leur trajet est facilement repérable. Ils sont repartis direction Pissevin. Les policiers de la BAC font un tour dans le quartier nîmois. Cette nuit-là, il fait très froid. Les rues sont désertes. Puis à 3h50, les forces de l’ordre croisent deux individus qui ressemblent fortement au descriptif des voleurs. À la vue de la police, les suspects prennent la fuite. Ils sont finalement interpellés avec les 5 500 € en liquide et le téléphone de la victime. En garde à vue, ils nient les faits. Mais ils seront mis en détention provisoire le 26 janvier 2022.
Le duo de malfaiteurs est originaire du Chemin-Bas d'Avignon. Le premier s’appelle Anthony. Marié et père de famille, il est éboueur. Le second se nomme Billel. À 27 ans, il ne travaille pas et vit chez sa mère. Malgré de nombreuses auditions, les deux suspects continuent de nier. Après de nombreux mois en détention, Billel sera placé sous contrôle judiciaire le 25 octobre 2023 avant d’être incarcéré une nouvelle fois pour une autre cause. Anthony est mis sous contrôle judiciaire à partir du 14 mars 2024 jusqu’au jugement. Le juge des libertés et de la détention a pris cette décision car le père de famille s'est enfin décidé à reconnaître les faits.
« J’ai pris le dossier en cours. Et un jour mon client se confie. Il me dit qu’il a même menti à sa femme et qu’elle pense qu’il est totalement innocent alors qu’il a bien braqué l'hôtel Chouleur le 25 janvier 2022. Je lui ai donc conseillé de tout assumer devant la justice et sa femme. Son honnêteté a servi car il a pu sortir de détention », soutient maître Widuch, l’avocate d’Anthony. Ce dernier a toutefois précisé aux enquêteurs qu’il ne dénoncerait personne. De son côté, Billel n’a jamais reconnu. En fin d’enquête, un autre homme est identifié dans l’affaire. Il est mis en détention provisoire pour complicité de vol avec violence le 11 mai 2023. Magid est suspecté d’avoir prêté son casque de moto et les deux pantalons de travailleurs. Deux mois plus tard, il sera placé sous contrôle judiciaire jusqu’au jugement.
L’audience au tribunal
Le mardi 29 octobre 2024, les trois prévenus sont jugés devant le tribunal correctionnel de Nîmes. « J’ai été menacé par des gens. Ils m’ont obligé à participer à ce braquage sous peine de représailles sur ma famille. D’ailleurs, le lendemain de mon arrestation, la voiture de ma femme a été brûlée. J’étais en danger donc pour ne pas prendre de risque j’ai obéi », se défend Anthony à la barre du tribunal. Ce vol était préparé. Du repérage a été fait en amont et de nombreuses informations privées sur l'hôtel ont fuité. En effet, les voleurs savaient où était le coffre. D'ailleurs, le braquage aurait dû se faire la veille comme le prouve un message retrouvé dans le téléphone d'Anthony : « On ne fait rien ce soir, le gérant est là. On décale à demain quand c’est le petit jeune. » Le père de famille regrette : « J’ai honte de ce que j’ai fait, mais je promets qu’on ne voulait pas faire de mal, on voulait seulement prendre l’argent. » Ce dernier a 17 mentions à son casier judiciaire dont des faits de vol.
Dans le box, Billel continue de nier : « Je n’y étais pas, je n’ai aucune information à donner. Ce soir-là, j'étais dans un salon de thé, je fumais ma chicha. J’ai seulement prêté mon scooter et le soir, lors de mon arrestation, j’étais venu le récupérer ». Pourtant, une photo suspecte a été retrouvée dans le smartphone de son complice. Sur le cliché, Billel est en train de compter les billets. Questionné par le président Jean-Michel Pérez, le prévenu explique : « J’étais impressionné par la liasse donc je voulais seulement toucher les billets. » Quant à Magid, le troisième suspect, il nie avoir été complice de cette infraction : « J’ai seulement prêté mon casque à Anthony car c’était mon meilleur ami à cette époque. Mais je ne savais absolument pas qu’il avait le projet d’aller braquer un hôtel, encore moins qu’il allait prendre mon casque pour ce délit. »
Maître Chamski plaide pour la partie civile : « Aujourd’hui on attendait d’avoir davantage de précisions sur les individus qui ont préparé ce braquage. Comment avaient-ils autant d’informations ? On ne sait toujours pas qui est au milieu de tout ça, c'est une véritable angoisse pour mes clients de l'hôtel Chouleur. Cette personne fait peut-être encore partie du personnel de l’hôtel. Certes, les 5 500 € ont été rapidement restitués mais l’enjeu était de savoir qui donne toutes ces informations, mais personne ne veut parler par peur. »
Estelle Meyer, procureure de la République, donne ces réquisitions : « Billel est l’organisateur. La victime affirme qu’il tenait l’arme durant les faits. Puis, l’argent est retrouvé sur lui. Je requiers une peine de sept ans de prison et un mandat de dépôt. Anthony assume son implication totale. C’est celui qui va ligoter le concierge. Puis il dit avoir été forcé, mais à aucun moment on trouvera des traces de menaces dans son téléphone. Je demande une peine de cinq ans de prison, un mandat de dépôt. Enfin, Magid reconnaît matériellement avoir prêté un casque. Je demande une peine de trois ans de prison, un mandat de dépôt, et l'interdiction de détenir et de porter une arme pendant cinq ans. »
Maître Vialette plaide pour Magid : « Mon client a prêté le casque qui a seulement servi à se rendre en scooter à l’hôtel. Durant le braquage, le casque n’a servi strictement à rien. Je demande la relaxe. » Sa consœur, maître Widuch, qui plaide pour Anthony, demande au tribunal de ramener les réquisitions à de plus justes proportions. Enfin, maître Selmi intervient pour Billel. « Il faut des certitudes pour condamner. Vous n’avez aucune certitude. On demande sept ans de prison en disant qu’il y a des éléments accablants alors qu’aucun élément prouve sa culpabilité », prononce-t-il.
Le tribunal a condamné Anthony à quatre ans de prison dont 18 mois de sursis. La partie ferme pourra se faire sous bracelet électronique. Billel a écopé de quatre ans de prison avec mandat de dépôt à l’audience. Et Magid a reçu 12 mois de sursis simple. Malgré le jugement passé, il reste encore beaucoup de mystères dans cette affaire… Qui était à la tête de ce braquage et qui a donné le plan ?