Publié il y a 4 h - Mise à jour le 13.03.2025 - Anthony Maurin - 6 min  - vu 65 fois

NÎMES Gaulois mais Romains !

Le Musée de la Romanité (Photo Archives Anthony Maurin).

Du 29 mai 2025 au 4 janvier 2026, le musée de la Romanité à Nîmes invitera le public à une immersion dans l’histoire fascinante de la Gaule romaine avec l’exposition « Gaulois, mais Romains ! ».

Le Musée de la Romanité (Photo Archives Anthony Maurin).

Avec « Gaulois, mais Romains ! », vous verrez des chefs-d’œuvre du musée d’Archéologie nationale. Cette exposition retrace l’histoire de la Gaule conquise par Rome et illustre la manière dont les Gaulois ont non seulement intégré, mais aussi réinterprété la culture romaine. Il s’agit donc de déconstruire les stéréotypes traditionnels autour de la Gaule chevelue et barbare pour dévoiler un territoire et une société organisés, à la culture et aux traditions développées.

Le cadre chronologique s’étend de la défaite d’Alésia, en 52 av. J.-C., jusqu’au IIIe siècle, période durant laquelle s’expriment pleinement les multiples facettes de cette « gallo-romanité. » L’exposition offre également l’occasion de revenir aux origines du musée d’Archéologie nationale, fondé par Napoléon III en tant que « musée gallo-romain », et qui a contribué à façonner certains stéréotypes sur la Gaule. 

Nicolas de Larquier, conservateur du Musée nîmois (Photo Musée de la Romanité).

À travers un partenariat exceptionnel avec le musée d’Archéologie nationale, l’exposition explore la manière dont les cultures gauloise et romaine se sont entremêlées pour façonner une identité nouvelle, riche et complexe. Ce dialogue entre deux civilisations révèle un monde en pleine mutation, où traditions locales et influences romaines s’unissent pour forger une société que les historiens qualifient de gallo-romaine. Une immersion historique qui offre un nouvel éclairage captivant sur la Gaule romaine.

Débutant par une section introductive consacrée aux stéréotypes liés au peuple gallo-romain (du mythe d’Astérix aux représentations idéalisées du XIXe siècle), l’exposition questionnera la manière dont ces images ont influencé notre compréhension de la Gaule romaine. La première section plonge les visiteurs dans la société gallo-romaine, s’interrogeant sur les habitants de la Gaule romaine. Qui étaient-ils ? Quels liens unissaient les Gaulois et les Romains ?

La deuxième section transporte le public dans le domaine des dieux, en explorant les pratiques religieuses et le panthéon gallo-romain. Entre croyances locales et influences romaines, cette séquence révèle comment les Gallo-Romains ont adapté et transformé leurs cultes, donnant naissance à une spiritualité syncrétique.

La file d'attente pour entrer au Musée de la romanité cet été (Photo Archives Anthony Maurin).

Enfin, la dernière section propose une réflexion sur la discipline archéologique elle-même, en retraçant l’histoire du musée d’Archéologie nationale depuis sa création sous Napoléon III. Cette partie illustre comment l’archéologie a contribué, parfois malgré elle, à façonner des stéréotypes culturels encore présents dans notre imaginaire collectif. 

Sortir de la forêt gauloise

La Gallia Comata désigne la Gaule indépendante, avant sa soumission par Jules César. Elle est située au nord de la province romaine qui deviendra la Narbonnaise. L’adjectif « comata » signifie « chevelue ». Parmi les représentations de la « Gaule chevelue », l’image d’un territoire sauvage, recouvert de forêts et habité par des sangliers, est devenue un cliché largement répandu dans la littérature.

Peuplant les forêts, le sanglier est à la fois un animal totémique et un gibier noble. Il figure sur les monnaies gauloises et sur les armes celtiques. Bien représenté dans la mythologie celte, le sanglier tisse des liens avec le monde divin. On le retrouve parmi les motifs de la sculpture religieuse. Dans les mondes grec et romain, il est un gibier dangereux et agressif dont la capture est héroïque : « Je le vois qui hérisse ses soies, qui jette le feu par les yeux ; je perçois le bruit de ses dents qu’il aiguise contre vous », disait Philocrate.

Les arènes amphithéâtre de Nîmes vues du Musée de la Romanité (Photo Anthony Maurin).
Les arènes de Nîmes vues du Musée de la Romanité (Photo Anthony Maurin).

Pour les Romains, le sanglier est un animal de qualité en chasse, au second rang, juste derrière le lion. Le chasseur se méfie autant du mâle que de la laie qui défend ses marcassins. Affronter le sanglier, c’est d’une certaine manière affronter la mort dont naît la grandeur. Ainsi, cette section propose d’introduire la dualité gauloise et romaine avec le sanglier, animal qui revêt une place particulière dans les deux cultures et dont l’environnement entretient l’imaginaire de cette Gaule sylvestre.

La société gallo-romaine

Après la conquête romaine, et surtout au cours du Ier siècle, un nouveau système social adapté du modèle romain se met en place. Aux côtés des hommes libres, vivent des esclaves, des affranchis… Certains sont gaulois, d’autres sont venus d’Italie ou d’autres provinces de l’Empire. Certains sont citoyens et embrassent une carrière politique, d’autres sont marchands, artisans, soldats, enseignants, médecins, prêtres, etc. Cette première section permet de « dresser le portrait » des habitants des provinces gauloises, non pas d’un point de vue géographique, mais en fonction de leur place dans la société.

Dotés d’une fortune personnelle, des citoyens d’exception accèdent aux plus hautes fonctions politiques et administratives. Les témoignages de ces élites provinciales sont nombreux : inscriptions, statuaires… Certains objets et pratiques culturelles témoignent de leur implication dans la vie publique et économique des cités.

La présence de l’armée romaine en Gaule n’est pas systématiquement synonyme de conflits comme le laissent sous-entendre les aventures d’Astérix. La conquête passée, dans le contexte de la Pax Romana (paix romaine), les soldats restent toutefois présents. Ils peuvent être employés à des missions de contrôles : exploitation des carrières, travaux d’adduction d’eau, frappe de la monnaie…

Monument funéraire d’un couple de notables romains nîmois Musée de la Romanité (Photo Anthony Maurin)
Monument funéraire d’un couple de notables romains nîmois (Photo Anthony Maurin)

Comme tous les sujets de l’Empire, les Gallo-Romains étaient soumis au service militaire. En principe, les citoyens romains devaient servir vingt ans dans les légions, tandis que les pérégrins (hommes libres non-citoyens) effectuaient vingt-cinq ans de service dans les troupes auxiliaires.

Les sociétés antiques sont des sociétés serviles. Nombreux, les esclaves sont cependant peu visibles parmi les témoignages historiques et archéologiques. La présence d’esclaves se résume souvent à la mise en lumière des entraves en fer, retrouvées en quelques exemplaires, qui servaient à enchaîner les esclaves mais aussi les prisonniers ou même des animaux.

En Gaule romaine, un nombre assez important de stèles funéraires montre le défunt tenant ses outils, ou encore pratiquant son métier. Forgerons, sabotiers, scieurs de long, drapiers, foulons, peintres, bouchers et boutiquiers sont ainsi montrés à l’ouvrage, tandis que d’autres sont connus par leurs noms laissés sur leurs outils.

L’occupation du sol de la Gaule romaine s’appuie sur la structuration d’un réseau viaire, d’un maillage de villes (chefs-lieux de cités et agglomérations secondaires) et d’habitats ruraux. Les fermes et les villas, dispersées sur le territoire, n’en sont pas moins de vastes établissements dont les constructions couvrent couramment deux ou trois hectares et abritent plusieurs dizaines de personnes.

Très souvent, ces villas ont été détruites, parfois volontairement, et ont ensuite fait l’objet de nivellement et de récupération de matériaux.

Le domaine des dieux

Avant la conquête de la Gaule par César, les Gaulois possédaient un panthéon foisonnant et complexe. Les représentations gallo-romaines nous en livrent quelques images et quelques noms, prouvant que ces dieux continuent à être vénérés aux côtés des nouveaux dieux romains. L’association de dieux gaulois et de dieux romains, qui mêle intégration de la religion romaine et fidélité aux cultes indigènes, est par là même un symbole de la romanisation.

Quelque chapiteaux présents au Musée de la Romanité (Photo Anthony Maurin).
Quelque chapiteaux présents au Musée de la Romanité (Photo Anthony Maurin).

La collection gallo-romaine du musée d’Archéologie nationale se compose de nombreuses représentations divines exécutées dans des dimensions et des matériaux variés (calcaire, marbre, alliage cuivreux, terre cuite…), et témoigne du très grand nombre de divinités peuplant le panthéon gallo-romain et de la diversité de leurs images.

L’invention de l’archéologie gallo-romaine

Émile Espérandieu n’est pas un inconnu à Nîmes. Militaire, épigraphiste-archéologue, il est originaire de Saint-Hippolyte-de-Caton, dans le Gard. Il se fit un nom dans le monde de l’archéologie en étudiant et publiant la sculpture en pierre de la Gaule dans des recueils qui portent toujours son nom, avant de devenir le directeur des fouilles d’Alésia en 1906. C’est en 1918 qu’il se retire à Nîmes où il devient le conservateur des Monuments antiques et des musées archéologiques. Il fut également membre de l’Académie de Nîmes et de son École antique.

Napoléon III se passionne pour Jules César, l’histoire romaine et l’archéologie. Soucieux de réconcilier les Français, jusqu’alors divisés par leurs origines nationales, Napoléon III cherche à créer une France gallo-romaine susceptible de transcender les affrontements de mémoire. Les fouilles d’Alésia conduisent à la fondation du Musée gallo-romain à Saint-Germain-en-Laye dans l’ancien château des rois de France, le 8 mars 1862.

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Le traumatisme de la défaite militaire de 1870 face à la Prusse entraîne un parallèle explicite avec la défaite de Vercingétorix face à Jules César à Alésia en 52 av. J.-C. Cette comparaison permet de valoriser le héros gaulois et l’urgence à se mettre à l’école de son vainqueur. La Gaule conquise par Rome étant devenue une brillante province civilisée, la France vaincue par la Prusse doit donc se réformer en s’inspirant des méthodes efficaces de son vainqueur. Ainsi, pour être ancienne et légitime, la France doit être gauloise, mais pour être civilisée et civilisatrice, elle doit être romaine. Autrement dit, la France doit être gallo-romaine… La boucle est bouclée, l’expo vous le montrera !

Anthony Maurin

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