VERGÈZE Filtres et pureté de l’eau : la Commission d’enquête sénatoriale fait étape chez Perrier
Présidée par le sénateur nîmois Laurent Burgoa, la Commission d’enquête visant à faire la lumière sur les pratiques des industriels de l’eau embouteillée (*) a visité, ce vendredi, le site Perrier de Vergèze.
Nestlé Waters, numéro un mondial de l’eau en bouteille, se retrouve dans l’œil du cyclone. Propriétaire de la marque Perrier, la multinationale suscite, depuis 2021, des controverses concernant la production de ses eaux. En novembre dernier, une Commission d’enquête sénatoriale a été mise en place, à la demande des sénateurs socialistes. Elle est présidée par le sénateur LR du Gard, Laurent Burgoa. Ce vendredi, la commission a visité le site de Vergèze qui emploie 1 000 personnes, « sans compter les emplois indirects », souligne le Gardois.
« La visite a été très utile », avance le rapporteur de la Commission, le sénateur PS Alexandre Ouizille. Dès son arrivée, le parlementaire a vu « les armoires dans lesquelles étaient dissimulés les traitements illégaux par ultraviolet des eaux minérales naturelles ». Toutefois, le socialiste rassure : « Aujourd’hui, je ne vois pas de motif d’inquiétude ». En revanche, sur la certification « eau minérale naturelle », « les traitements ne sont pas conformes à la définition de l’eau minérale naturelle, du point de vue de la direction générale de la santé et de l’audit de la Commission européenne. »
Quel est le problème ?
La non-conformité de l’eau minérale naturelle de Perrier aurait deux sources. D’abord, « la pureté originelle » de la source ainsi que ses différents forages. À Vergèze, « deux puits ont été déclassés par le préfet en raison d’un problème de qualité des eaux », rappelle la sénatrice écologiste, Antoinette Guhl. Ainsi, il ne s’agit plus d’eau minérale naturelle, mais bien « d’eau de boisson » regroupé sous la houlette de la nouvelle appellation « Maison Perrier ». La Commission attend donc « l’analyse des trois hydrogéologues qui, sur place, doivent nous dire si la pureté originelle est toujours garantie ».
La deuxième difficulté vient de la micro-filtration : avec des filtres utilisés à 0,2 micron (contre un seul autorisé de 0,8), « ce traitement est considéré comme de la désinfection ». « Selon la direction générale de la santé, ces filtres ne sont pas conformes. Ce qui ne veut pas dire que Nestlé n’a pas déjà des solutions en tête », témoigne Alexandre Ouizille. Dans le Gard, le préfet a indiqué à Nestlé « qu’il avait deux mois pour faire la démonstration que la pureté originelle et la filtration ne change pas le microbiome de l’eau (flore microbienne). C’est ça qui faut attendre maintenant ».
Le président de la Commission et élu gardois, Laurent Burgoa, a avancé qu’il était « primordial de maintenir l’activité économique sur tous les sites industriels, quels qu’ils soient. Les élus du territoire ont insisté sur le fait que le site est un acteur positif. » Dans cette affaire, les intérêts économiques peuvent-ils être préservés au détriment de la santé des consommateurs ? « Il n’y a rien d’alarmant, rassure Alexandre Ouizille, il ne faut pas opposer santé et emploi. Il faut garantir la santé des Français et assurer la continuité de l’emploi. » Et de faire remarquer : « La marque Maison Perrier est montée très fort en termes de production. » Cette production est-elle obligée de rester sur le site de Vergèze ?
« Nous irons au bout de la vérité »
Reste à connaître, dans le dossier, l’implication des responsables politiques. « Nous irons au bout de la vérité, même si elle nous conduit sur le chemin de l’Élysée, comme les révélations de la presse semblent l’indiquer », poursuit le rapporteur. Dans quelques semaines, la Commission auditionnera la présidente de Nestlé : « Je l’ai sensibilisée à jouer le jeu de l’audition. C’est dans son intérêt et celui du groupe. Je ne souhaite pas utiliser les armes juridiques et pénales pour la contraindre. » Enfin, en évoquant sa visite de ce matin, Alexandre Ouizille, n'a pas franchement apprécié qu'au cours d'une audition, « l’avocat a dit à chacun des salariés de ne pas répondre. » Et de cogner : « Dans ce dossier, il y a eu quand même une incurie administrative (…) Aucun article 40 (**) n’a été déclenché. Ça n’a pas été le cas partout, dans la région Grand Est par exemple… »
Dans six mois, les sénateurs produiront un rapport qui pourrait se traduire ensuite, par l’adoption d’une loi.
*L’intitulé exact de la Commission est : « Commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés. »
**Plaintes et dénonciations d'un fonctionnaire au procureur de la République.