FAIT DU JOUR Le député LFI Alexis Corbière : « Je suis impressionné par les manifestations à Nîmes »
Après le grand meeting à Alès la semaine dernière, d’autres figures de la Nupes se retrouvent, ce soir au Grand hôtel de Nîmes, pour débattre de la réforme des retraites. Le député de La France insoumise, Alexis Corbière, est de la partie. Interview.
Objectif Gard : Quel regard portez-vous sur Nîmes et le Gard ?
Alexis Corbière : Un regard plein de tendresse et d’envie. Le soleil et le vent de la région sont ceux de ma jeunesse et ma famille. Je suis né à Béziers et reste un méridional vivant en région parisienne. Les habitants du département sont souvent les oubliés de nos grands débats nationaux alors qu’ils connaissent de vraies difficultés. Ce n’est que dans les chansons que « la misère est moins pénible au soleil ». Je suis donc content de venir ici, ça va être un beau meeting avec beaucoup de personnalités qui incarnent la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale, NDLR)
À Nîmes et en France, la dernière manifestation contre la réforme des retraites a réuni moins de manifestants. Y-a-t-il un essoufflement de la mobilisation ?
Oh, je ne dirais pas ça ! Au contraire, la mobilisation contre la réforme des retraites atteint des niveaux inédits. Je suis d’ailleurs impressionné par les manifestations organisées dans ces villes dites « moyennes » comme Rodez, mais aussi dans le département comme Nîmes, Alès, Le Vigan, Bagnols-sur-Cèze… Dans ces mobilisations se mêlent les classes moyennes et populaires. Ça veut quand même dire quelque chose ! C’est la colère de notre peuple obligé de prendre sa voiture pour travailler, au service public dégradé, qui connaît des difficultés pour trouver un médecin ou encore les fermetures d’écoles dans les petites communes… Ils subissent des politiques publiques injustes qu’ils ressentent comme du mépris social et n’ont pas les mêmes problématiques que les grands centres urbains.
« La Nupes fait son baptême du feu social »
Vous êtes en meeting à Nîmes quelques jours après celui d’Alès (relire ici). Qu’allez-vous dire aux Gardois ?
C’est tout un peuple qui se dresse ! 70 % de nos concitoyens sont contre. 93 % des actifs ! Il faut soutenir avec énergie les manifestations impulsées par l’intersyndicale. Mais, le politique ne doit pas s’effacer, nous devons décortiquer ce texte, pour démontrer combien il est injuste et injustifié, et proposer un autre horizon de société. Vous savez, au départ, la Nupes est un accord politique et législatif qui est né dans un baptême du feu électoral. Elle fait aujourd’hui son baptême du feu social. La Nupes va prouver son utilité dans cette mobilisation. Elle va se renforcer.
Lors de ces meetings, n'avez-vous pas le sentiment de prêcher des convaincus ?
Même des convaincus ont aussi un petit coeur qui bat et ils ont besoin en permanence de réconfort… Ces meetings servent à redonner de l’énergie. C’est une sorte, disons-le, de « communion » politique. Ça fait du bien ! Mais, il y a toujours des gens qui hésitent qui viennent à ce genre de soirée. Et toute conscience gagnée à l’action collective est une victoire.
Du coup, ça va faire du bien à Olivier Faure, premier secrétaire du PS, qui sort d’un congrès particulièrement compliqué….
(Rires) Bon, je ne vais pas me mêler des élections internes du PS. En revanche, tout le monde a annoncé que sa tête allait tomber. A l’arrivée, ce n’est pas le cas, il a gagné. De plus, son concurrent (Nicolas Mayer-Rossignol, NDLR) n'était pas anti-Nupes... Il y avait aussi d'autres enjeux dans ce congrès comme le contrôle d'un parti. Aujourd’hui, c’est nécessaire que l’on s’unisse pour mener à bien ce combat dans un contexte de grande tension politique.
La tournée de la Nupes ressemble quand même à une campagne électorale. Préparez-vous une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale ?
Ça je ne sais pas.. C’est une possibilité qu’Emmanuel Macron a mis sur la table. On lui répond chiche ! Mais, quand on est républicain vraiment, on ne fait pas de la politique que le temps des élections.
Honnêtement, ça va bientôt faire une semaine que la réforme est examinée à l’Assemblée. Pensez-vous réellement pouvoir la mettre en échec ?
Honnêtement, comme vous dites, ce sont aussi les mobilisations sociales qui vous donnent le résultat. Mais, ce qui se déroule à l’Assemblée est également majeur. Aujourd’hui les macronistes y sont minoritaires. Chaque texte présenté est une bataille à l’issue incertaine. La soixantaine de députés Les Républicains n’est pas unanime sur le sujet. Beaucoup ne veulent pas voter ce texte et ils ont raison ! Ce sont des députés LR issus d’un électorat populaire de Droite, qui estiment que travailler deux ans de plus, ce n’est pas juste. Et si cette réforme est adoptée, elle pourrait les mettre en danger électoralement.
« Je ne veux pas donner la main à Marine Le Pen ! »
À l’Assemblée, le RN et la Nupes sont opposés à la réforme des retraites. Pourtant, vous n’entendez toujours pas faire cause commune pour mettre en échec ce texte.
Dans cette période, je ne veux pas donner la main à Marine Le Pen ! En réalité, le RN est dans une opposition de confort. Nous, nous sommes une force utile. J'observe que même les députés macronistes de Renaissance ont déposé plus d’amendements qu’eux. C’est dire leur faible engagement. Par ailleurs, les députés macronistes ont voulu nous tendre un piège sur la question de la motion référendaire. Nous étions les premiers et nous avions plus de signataires. Pour désigner le groupe qui allait présenter cette motion, les Macronistes ont opté pour le tirage au sort. C'était le seul moyen de donner une chance au RN. C'était donc bien un jeu politicien ! Une troisième motion déposée par le groupe LIOT aurait pu rassembler tout le monde. Mais Mme Le Pen a refusé de retirer la sienne pour qu’elle soit mise au vote.
Dans le Gard, le député de la majorité Philippe Berta a expliqué que tous les pays européens avait reculé l’âge légal de départ, dont le Portugal et son gouvernement socialiste. Malgré l’opposition, n’y-a-t-il pas une forme de fatalité à l’application de cette réforme ?
Je récuse ce type d’argument. Quand on compare avec d’autres pays, on ne regarde ni le nombre d’année de cotisation, ni le système de retraite, ni le niveau de leur pension… Et puis, de toute manière, pourquoi se niveler par le bas ? C’est quoi cette histoire ? On peut avoir le goût de défendre ce que l’on a fait de bien en France. Par des luttes sociales, nos anciens ont bâti des systèmes de retraite robustes qui nous sont enviés dans le monde entier. C’est cela qu’il faut défendre !
Vous êtes pour un retour de la retraite à 60 ans. Est-ce vraiment réaliste ?
Bien sûr, d’autres financement sont possibles. Il faudrait par exemple que le Gouvernement remette en cause des exonérations de cotisations faites aux entreprises qui coûtent si chers et affaiblissent nos caisses de retraites… Cette réforme a lieu dans un contexte d’inflation pour les salariés qui constatent, par ailleurs, que de grandes sociétés ont fait des surprofits ! Hier encore, Total a annoncé réaliser 19 milliards d’euros de bénéfices ! Dans le pays, il y a un problème de partage de richesses : une minorité de gens accumule la majorité de l’argent. Cinq personnes les plus riches possèdent autant que 27 millions les plus pauvres. C’est toujours aux mêmes que l’on demande de faire des efforts. Et ça, les Français ne l’acceptent plus. Le Gouvernement doit sentir cette farouche opposition et être raisonnable et a minima.. être démocrate.
Menaces, hurlements, invectives… L'Assemblée est assez « bordélique » depuis les dernières législatives. N’est-ce pas un triste spectacle montré aux Français ?
Ce qui est violent, c’est d’imposer deux ans de travail supplémentaire aux gens ! Ceux qui fichent le « bordel » c’est le Gouvernement. Certes, les débats sont vifs mais, c’est parce que les macronistes n’y ont pas de majorité absolue. Donc, il n'y avait pas beaucoup de débat serré. N’oublions pas que l’Assemblée a déjà connu de grands moments d’histoire, avec passion et joutes verbales. Et quand vous mettez 577 personnes élues dans une pièce, la nuit pendant des heures, ça crée une tension et une ferveur que chacun comprendra.
À l’Assemblée, la séance de mercredi a été marquée par le retour du député Adrien Quatennens, condamné pour des violences sur son épouse. Son retour n'intensifie-t-il pas le climat de tension déjà très fort ?
L’essentiel, aujourd’hui, c’est la bataille des retraites. Il faut rester concentrer là-dessus et ne pas donner, par nos attitudes, d’arguments à ceux qui instrumentalisent cette affaire pour détourner le débat…