LE 7H50 de Driss El Moudni : « Si on continue, on va créer de la confrontation »
Accepter les différences et respecter la loi. C’est le message du président du Conseil régional du culte musulman, Driss El Moudni, qui réagit après l’agression de deux fidèles à la mosquée de Bayonne.
Objectif Gard : Lundi soir, un membre du Rassemblement national a tiré sur deux fidèles de la mosquée de Bayonne. Comment réagissez-vous ?
Driss El Moudni : Pour être franc, je n’ai pas été étonné. Depuis des semaines, les responsables politiques parlent de l’islam, du voile… C’était trop. Certains élus veulent parler parce qu’il y en a un qui a parlé. La parole politique, à mon avis, n’est plus exacte. Elle ne sort pas du cœur, c’est du cinéma pour plaire aux autres. Ça créé de la division et de la méfiance, alors qu’au contraire, notre rôle devrait être de rassembler pour pouvoir vivre ensemble.
Comment la communauté musulmane du Gard a-t-elle réagi ? Y-a-t-il eu de la peur ou au contraire, une affirmation encore plus forte des convictions ?
Des gens ont appelé, ils ne savaient pas vraiment ce qu'il s'était passé. Certains fidèles ont voulu manifester… Pour moi, ça ne sert à rien, ce n’est pas le problème. Vous savez, plus on tape sur l’islam, plus des gens vont entrer dans l’islam. Si on continue sur ce chemin, on va créer de la confrontation.
Pourquoi manifester ne sert à rien, selon vous ?
Ça crée plus de zizanie qu’autre chose. Il y a la loi, elle doit être respectée par tous que l’on soit musulman, catholique, protestant ou athée. Tenez, quand on brûle un feu rouge, les points sautent pour tout le monde ! Aujourd’hui, les responsables politiques doivent dire clairement ce qu’ils veulent.
Aujourd’hui la loi interdit le port du foulard dans les écoles et administrations publiques. Faut-il aller plus loin ?
Les musulmans respectent la loi et ceux qui ne le font pas sont fautifs. Seulement dans la rue, on ne peut pas empêcher les gens de s’habiller comme ils veulent. C’est la même chose lorsque l’on invite une personne, en référence à la maman qui accompagnait les enfants au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. La laïcité permet de créer un espace où tout le monde trouve son compte. Or aujourd’hui, certains veulent s’affirmer et n’acceptent pas que les autres fassent de même.
Que ce soit d’un côté ou de l’autre, n’observe-t-on pas une radicalisation de notre société ? Le week-end dernier, un élu Rassemblement national Yoann Gillet a été agressé à Nîmes…
Ce mot radicalisé est bon pour tout. Alors oui, on se radicalise dans la politique, la religion ou même dans notre comportement au quotidien. À propos de M.Gillet, c’est de la haine gratuite. On ne peut pas taper, blesser ou tuer quelqu’un parce qu’il est différent. Si nous ne sommes pas d’accord, il y a la justice.
Enfin, d’après vous, comment lutter contre ces formes de radicalités ?
Les gens sont libres et différents. En France, on a la chance d’avoir ce multiculturalisme. Seulement, ce ne peut être une richesse que si nous la considérons comme telle. Dans notre république, il y a des lois à respecter. Ce sont les mêmes pour tout le monde. Aussi, il faut lutter contre les inégalités. Quand on regarde les musulmans tassés dans les quartiers, confrontés au problème du chômage... C’est un problème. Quand on veut que les gens s’intègrent il faut les accepter. Ce n’est pas en leur tapant dessus que ça va marcher.
Propos recueillis par Coralie Mollaret