Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 16.10.2021 - thierry-allard - 4 min  - vu 3395 fois

FAIT DU JOUR Le projet Argan-Amazon de Fournès entaché de prises illégales d’intérêts ?

Le panneau du permis de construire du futur centre de tri à l'entrée du terrain, à Fournès (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

La maire de Fournès, Christelle Hinque, et plusieurs élus font l’objet de plaintes pour « prise illégale d’intérêt » sur le dossier Argan-Amazon, qui doit voir le géant du commerce en ligne ouvrir une plateforme logistique sur la commune dans les prochains mois.

« On a fait des recherches dans le cadastre et on a eu une grosse surprise ». C’est comme ça que Gérard Tornay, membre de l’Association pour le développement de l’emploi respectueux de l’environnement (ADERE), à Fournès, raconte cette découverte pour le moins intéressante. L’association, opposée au projet de plateforme Amazon sur la zone de la Pale, à la sortie de l’autoroute A9, travaille depuis plusieurs mois sur le projet.

Ce qu’elle a découvert, c’est tout simplement qu’« entre 30 et 40 % du terrain du projet appartient aux deux oncles de madame le maire (Christelle Hinque, ndlr) et son premier-adjoint, Thierry Boudinaud, vend lui aussi un terrain, tout comme le frère d’une élue, Laurence Castan », présente Gérard Tornay, qui donne aussi le nom du maire d’une commune voisine, qui aurait vendu deux terrains.

Pour lui, et pour l’association ADERE, c’est évident, « il y a un conflit d’intérêt. » À l’aube de l’été, un des membres de l’association en avise alors le préfet, le conseil municipal et les conseils départemental et régional puis, devant l’absence de réponse, décide de déposer plainte le 2 juillet contre les quatre élus concernés.

Gérard Tornay et Patrick Genay, de l'association ADERE (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Un deuxième vote le 8 juillet

Cette situation conduit le conseil municipal de la commune à revoter des délibérations le 8 juillet, au cours d’une séance exceptionnelle du conseil municipal présidée par l’adjoint Frédéric Forte. Dans le compte rendu de ladite séance que nous nous sommes procuré, il est clairement indiqué que « M. Forte explique que suite à des délibérations qui ont été votées en toute bonne foi en 2018 par Mme Hinque, dont des oncles possèdent des parcelles, M. Boudinaud possédant une parcelle, et Mme Castan Laurence, dont le frère possède une parcelle sur la zone de la Pâle (projet Argan), ces délibérations pouvant être entachées d'irrégularités, Madame le Maire a estimé préférable de les soumettre de nouveau au conseil municipal. »

Au cours de ce conseil, les élus voteront cette fois le projet et les différents aménagements nécessaires, comme les nouveaux accès nord à la zone de la Pale sans que ceux mis en cause ne prennent part ni au débat, ni au vote. Idem pour la délégation de signature pour la vente des chemins ruraux, confiée cette fois à Frédéric Forte et non plus au maire. Au cours de la même séance, le conseil votera la protection fonctionnelle à Christelle Hinque, Thierry Boudinaud et Laurence Castan, « pour la plainte déposée auprès du procureur de la République pour prise illégale d’intérêt », précise le compte rendu.

Du côté des services de l’État, on indique sobrement que « dès que la préfecture a eu connaissance d’une possible prise illégale d’intérêts, elle a demandé aux élus concernés d’y mettre fin. » Quelque peu embarrassée par cette affaire, la préfecture rappelle que « les élus en situation potentielle de prise illégale d’intérêt se sont retirés du dossier, et les délibérations ont été retirées et revotées. » En revanche, la préfecture souligne que « c’est au juge de dire si cela suffira, comme il y a des plaintes au pénal. »

Nous avons tenté de joindre à plusieurs reprises sans succès le maire de Fournès, Christelle Hinque, ainsi que le deuxième maire cité par l’ADERE.

Le terrain en question, à la sortie de l'autoroute A9, à Fournès (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Sur le fond du projet, maintenant : l’association ADERE, par la voix de Patrick Genay, affirme que « un emploi chez Amazon, c’est deux emplois locaux de perdus. Ce n’est pas du développement local de l’emploi. » Pour rappel, la plateforme, de 30 000 m2 sur un terrain de 13 hectares, doit créer a minima 150 emplois, selon le député de la troisième circonscription, Anthony Cellier.

Patrick Genay, apiculteur dans le civil, y voit plutôt « des grands hangars et du béton sur 13 hectares. » Quant aux retombées fiscales, « il n’y aura que la taxe d’aménagement de 75 000 euros, mais il n’y aura pas de valeur ajoutée, ni de chiffre d’affaires, donc les impôts, ce sera rien du tout », avance Gérard Tornay.

Un projet alternatif

L’association reproche aussi au projet de mettre encore plus de camions sur les routes, notamment au rond-point de la sortie d’autoroute toute proche, « ce qui nous paraît aberrant. » « Le projet va rajouter 545 camions par jour, c’est une hausse de 120 % de la fréquentation du rond-point. Quand on sait qu’on a déjà beaucoup de mal pour sortir… », souffle Gérard Tornay. Sans compter la pollution qui, « avec le vent, va se diriger sur le centre du village », ajoute-t-il. L’ADERE craint aussi la consommation en eau de la plateforme qui pourrait impacter un réseau « qu’il faut refaire », ou encore la « co-visibilité » du futur entrepôt avec le Pont du Gard.

Après avoir énuméré ces arguments, l’association avance un « projet alternatif » composé d’un lieu de production agricole bio pour les cantines scolaires, accompagné d’un lieu d’accueil touristique ou encore d’artisans. « Le projet alternatif découle du travail d’un atelier du conseil de développement du PETR (le Pôle d’équilibre territorial et rural, ndlr) avec, entre autres, les socioprofessionnels », rappelle Patrick Genay. Un projet que l’ADERE affirme avoir « chiffré ».

Quant à la plateforme Amazon, l’association la verrait bien pas très loin de la sortie d’autoroute, sur la friche de SIRAP-Vitembal, à Remoulins. « 80 % de la surface est inutilisée et il y a une voie SNCF directe qui permet de faire du ferroutage. Là, on les fait les 600 emplois », s’enthousiasme Gérard Tornay, avant d’affirmer que « la mairie nous a adressé une fin de non recevoir sur notre projet ».

Pour autant, l’ADERE ne compte pas lâcher, et l’affirme : « On ira jusqu’au bout. On utilisera tous les moyens légaux. » Y compris monter une liste aux municipales ? « Non, on ne se présentera pas », affirme Gérard Tornay, même si l’association se verrait bien « accompagner des élus. Dans une commission extra-municipale, par exemple. » D’ici là, elle n’en a pas fini avec le projet Argan-Amazon, comme le précise Gérard Tornay : « Maintenant, nous allons attaquer le permis de construire ». 

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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