BAGNOLS/CÈZE Les opposants au projet Amazon de Fournès rencontrent le député Cellier
Une manifestation d’opposants au projet de plateforme logistique d’Amazon à Fournès s’est tenue ce vendredi devant la permanence du député Anthony Cellier, à Bagnols.
Sur place, des représentants d’Attac, de l’association de Fournès ADERE, de la Confédération paysanne et d’Agir pour le climat Alternatives citoyennes Gard rhodanien (AC2GR) ont une nouvelle fois dénoncé de projet à l’occasion d’une campagne nationale co-organisée par Attac. D’ailleurs, le porte-parole national d’Attac, Raphaël Pradeau, avait fait le déplacement pour l’occasion.
Une campagne pour dénoncer « la complicité du Gouvernement dans le développement d’Amazon en France », explique le porte-parole, avant d’estimer qu’Amazon « est une des pires multinationales. Elle prétend créer de l’emploi mais en réalité elle détruit des commerces. C’est un leurre. » Idem sur le terrain fiscal : « On nous dit qu’Amazon rapporte des impôts locaux. Mais c’est un autre leurre. Amazon est un spécialiste de l’évasion fiscale », poursuit Raphaël Pradeau.
Toujours sur ce terrain fiscal, Attac dénonce « une fraude massive à la TVA. 98 % des vendeurs des plateformes d’e-commerce ne sont pas immatriculés correctement. » Résultat d’après l’organisation : « Une distorsion de concurrence et 4 à 5 milliards d’euros de manque à gagner par an pour l’État, dont 1 milliard pour Amazon », affirme le porte-parole.
Alors les manifestants sont venus devant la permanence du député pour lui présenter une liste de revendications. D’abord un moratoire sur les entrepôts d’Amazon en France, puis faire en sorte qu’Amazon paie ses impôts en France et régularise sa TVA et enfin créer une taxe exceptionnelle sur les plateformes d’e-commerce, « une mesure de justice fiscale », estime Raphaël Pradeau.
Patrick Genay, pour l’association de Fournès ADERE, estimera pour sa part que le projet Amazon de Fournès était « un déni de démocratie à tous les niveaux », avant de rappeler que de multiples recours avaient été initiés sur l’autorisation environnementale de la préfecture, le permis de construire et au pénal sur des accusations de prises illégales d’intérêt contre plusieurs élus locaux (Objectif Gard vous avait révélé cette partie de l’affaire ici, NDLR). « L’enquête au pénal dure depuis plus d’un an, nous attendons », précise Patrick Genay, avant d’ajouter que les recours en sont au contentieux.
Comme depuis le début, Patrick Genay, apiculteur dans le civil, dénonce la destruction de terres agricoles et considère le projet Amazon comme « un cheval de Troie » ouvrant la voie à l’artificialisation d’une zone de 51 hectares (le projet Amazon en fait 13). La Confédération paysanne, par la voix de Marie-Hélène Fayolle, le rejoint sur ce point. Quant à AC2GR, par la voix de sa secrétaire, Corinne Courteille, elle pointera ce qu’elle considère comme une incohérence : « Le député soutient la campagne "Loyal au local" et soutient Amazon. »
Un dialogue de sourds
Le député les a finalement reçus, ainsi que la presse, pendant une heure et demie. Une heure et demie d’un dialogue de sourds le plus souvent entre le parlementaire et les opposants au projet. « Moi le dossier Amazon je n’en fais pas un totem médiatique. Je m’interroge sur son modèle et son impact environnemental et climatique », affirmera Anthony Cellier, avant de rappeler son rôle de rapporteur de la loi énergie-climat ou encore d’organisateur en septembre dernier des "24 heures du climat".
Il refusera en revanche de dire s’il voterait pour le moratoire demandé par Attac et la Convention citoyenne pour le climat, renvoyant sa réponse à l’issue du débat parlementaire à venir, tout en dénonçant le caractère « binaire » du « mode de réflexion » de « certaines associations », provoquant un léger tollé dans l’assemblée, et plus loin le caractère « caricatural » de la présentation d’Amazon.
Reste que le député, qui doit faire partie des parlementaires qui auditionneront mercredi le président d’Amazon France, se montre critique sur la méthode employée par le géant du e-commerce à Fournès. « Je lui dirais à quel point je suis mécontent de leur absence de communication, qui peut prêter le flanc au doute. » « C’est un excellent résumé de notre rencontre », grincera Raphaël Pradeau, « il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre », rétorquera le député.
Au téléphone, le président de l’Union des professionnels de proximité (U2P) Éric Affortit dénoncera « la concurrence déloyale d’Amazon, qui doit payer ses charges comme tout le monde. » Anthony Cellier rappellera que la France avait mis en place la taxe GAFA, « mais ce n’est pas suffisant, il faut trouver une dimension européenne. » Accusé de « dérouler le tapis rouge » à Amazon, Anthony Cellier s’inscrira en faux en affirmant que « les règles de droit sont les mêmes pour tout le monde. » Quant à l’incohérence pointée par AC2GR sur le soutien au commerce local, le député affirmera qu’il était pour que « les consommateurs aient le choix, mais j’orienterais leur choix vers le local. »
Sur la question de savoir s’il était pour ou contre le projet de Fournès, Anthony Cellier affirmera qu’il « accompagne(rait) les élus locaux sur le soutien ou le non-soutien à ce projet. Plus démocratique que ça, je n’ai pas. Je pense cependant qu’il serait intéressant qu’Amazon entre en contact avec eux, discute. » Mieux vaut tard que jamais.
Thierry ALLARD