Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 16.01.2015 - baptiste-manzinali - 3 min  - vu 182 fois

CHARLIE HEBDO Solidarité ou curiosité malsaine ?

Rupture de stock dans les kiosques et buralistes nîmois du dernier Charlie Hebdo. (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Depuis trois jours, les kiosques et bureaux de presse sont littéralement assiégés par les clients venus s'arracher le dernier numéro de Charlie Hebdo. Les revendeurs constatent des actes d'incivilités surprenants.

Tous les matins, quelques minutes suffisent pour écouler les stocks, et créer de la frustration chez les retardataires. Aux alentours de 8h30 ce matin du côté du bureaux de presse Lekhedive rue du Général Perrier, une affiche annonce déjà la couleur. Plus de Charlie Hebdo. Ici, seulement cinq exemplaires sont vendus chaque jours, ce qui est nettement insuffisant aux vues des attentes du public. Rien de surprenant pour Mme Vidier, gérante du magasin : "Cinq, c'est très peu, mais il faut les comprendre (ndlr - les éditeurs du journal), ils n'avaient pas une logistique adéquate, cela prend du temps à mettre en place".

De son propre aveu, jamais elle n'avait connu un tel engouement pour la sortie d'un journal. Si cela représente un réel gain financier pour ces professionnels, aucun ne souhaite revivre cette expérience. "J'espère que cela n'arrivera plus, surtout dans ces circonstances. Les gens veulent tout, tout de suite." ajoute Mme Vidier. Un client du magasin nous relate qu'un autre gérant de kiosque, en arrivant, a préféré ne pas ouvrir ses grilles aux vues du nombre de clients trop impatients qui attendaient devant. Mais ce ras-le-bol ne peut pas s'expliquer seulement par l'impatience et la précipitation dont fait preuve cette clientèle. D'après l'ensemble des revendeurs interrogés, les frustrations ressenties par ces clients insatisfaits provoqueraient des actes d'incivilité et d'agressivité surprenants.

"On s'est fait cracher dessus, insulter. Vous parlez d'une solidarité..."

Rupture de stock dans les kiosques et buralistes nîmois du dernier Charlie Hebdo. (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

À la Maison de la Presse de la Coupole, où 100 exemplaires par jour sont vendus en trois minutes, Mr Gory est sceptique sur les motivations de cette clientèle qu'il n'a pas l'habitude de voir fréquenter son magasin. "Les clients se chamaillent entre eux. La plupart vont être surpris une fois qu'ils liront ce qu'il y a à l'intérieur. Je pense que c'est plus de la curiosité malsaine qu'un vrai mouvement citoyen". Au Tabac des Arènes, Cathy est encore plus amère. Cette jeune employée a dû subir des injures et réactions violentes de la part de client n'ayant pas obtenu le Graal. "On s'est fait cracher dessus, insulter. Vous parlez d'une solidarité....Ça a été très difficile". Et parmi ceux qui avait réservé et réussi à l'avoir, certain n'ont pas hésité à le revendre à peine sorti du magasin à des prix atteignant 35 euros.

Alors qu'hier l'heure était au rassemblement et à l'union, certain de ces français qui manifestaient bras-dessus bras-dessous se battent aujourd'hui pour obtenir ce dernier numéro du Charlie Hebdo devenu un objet de désir très convoité. Pour le psychologue Gérard Mallassagne, rien de nouveau sous le soleil. "La grande manifestation de dimanche est une réponse à l'horreur et la barbarie. Cela relève de l'insupportable, alors on se rassemble. Mais au même moment, une fascination se crée. Les gens ont regardé les images des attentats en boucles sur les chaines en continue. Et puis les intérêts personnels reviennent plus l'on s'éloigne du traumatisme. On peut tout de même espérer que cela aura fait acte et que les choses ne seront plus comme avant."

À noter que le dernier tirage de cette envergure était celui du magazine l’Équipe au lendemain de la victoire en Coupe du Monde le 13 juillet 1998. À l'époque, le quotidien sportif s'était diffusé à 1 645 907 exemplaires, selon les chiffres de l'OJD. Pour Charlie Hebdo, le tirage annoncé s'étalant sur plusieurs semaines atteindra les 5 millions d'exemplaires, un record absolu.

Baptiste Manzinali

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