EXCLUSIF Près d'Alès. Témoignage : "C'était l'assaut de Saint-Denis chez moi"
Dans la nuit de mercredi à jeudi, une famille résidant dans un village à proximité d'Alès a été la cible d'une perquisition. Les forces de l'ordre ont agi sur ordre du préfet du Gard, dans le cadre de l'état d'urgence et de la menace terroriste qui pèse sur le territoire national. Au lendemain de cette intervention et après plusieurs heures de fouilles, ces habitants de confession musulmane sont choqués.
Ce jeudi après-midi, le calme est revenu au village. Quelques heures plus tôt, au beau milieu de la nuit, le quartier entier est réveillé par l'arrivée des gendarmes. Sur un ordre de perquisition, le préfet Didier Martin vient d'ordonner « de procéder sans délai » à la perquisition de la maison de Gérard*, dans laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que se trouvent des personnes, armes ou objets susceptibles d'être liés à des activités à caractère terroriste ».
Âgé de 56 ans, Gérard habite cette maison depuis 14 ans. Il ne comprend pas, aujourd'hui, de quoi il est accusé. Les larmes aux yeux, le père de famille raconte sa nuit d'horreur : « Il était un peu plus d'une heure du matin. Un bruit nous a réveillés, ma femme, moi et mes enfants de 16 et 12 ans. Sur le coup, je pensais que c'était des jeunes qui défonçaient mon portail. En ouvrant ma fenêtre, j'ai vu que c'était des gendarmes. Ils étaient au moins une cinquantaine, certains cagoulés, d'autres avec des casques. Ils avaient bouclé tout le quartier. La fenêtre de la chambre de ma fille a reçu un impact. Je l'ai entendu dire : 'Papa, papa, on m'a tiré dessus'.
Quand ils sont rentrés dans la cour, ils m'ont plaqué contre la porte, m'ont menotté et donné deux coups de poing dans le dos. C'était l'assaut de Saint-Denis chez moi. Ils ont demandé à mes enfants et à ma femme de se mettre à plat ventre. Puis une trentaine de gendarmes a fouillé de partout, en foutant tout en l'air. Ils m'ont traité comme si j'étais un terroriste. A plusieurs reprises, j'ai demandé ce qu'il se passait mais personne ne m'a répondu. Vers 3h45, ils sont partis. Ils devaient avoir honte, car ils se sont excusés. Sauf que c'est trop tard, le mal est fait. Ils ont horrifié les enfants, qui ne sont pas allés à l'école aujourd'hui. Ils sont chez le médecin car mon fils aussi a pris un coup. Ce qui s'est passé, c'est pire qu'un amalgame. Est-ce que c'est ma barbe qui les a amené ici ? La barbe ne fait pas le musulman. Et le musulman ne fait pas le terroriste. Ça fait très mal au cœur ».
Les voisins sont eux aussi dans l'incompréhension. Bruno, qui vit juste en face, a été réveillé « par le bruit des tirs ». Il décrit la scène : « Je pensais que c'était la télévision, qui passe en boucle l'assaut de Saint-Denis. J'ai vite compris que c'était dans ma rue : j'ai entendu des tirs et j'ai vu à la fenêtre un flic casqué avec un M16 (fusil d'assaut, Ndlr) ». Sa femme, qui connaît bien la famille de Gérard, n'arrive toujours pas à y croire. « Ce sont des gens très discrets, gentils et généreux, qui n'ont aucun problème avec personne ici ». Pour un autre voisin, cette perquisition est « un fiasco » des services de l’État. Pourtant, ces derniers assurent « que des soupçons avérés ont conduit à prendre cette décision ». Ils affirment également que « le rapport balistique de l'intervention ne fait état d'aucun tir ». La Préfecture n'a pas souhaité en dire davantage, contrairement à Gérard, qui n'a pas envie de se taire.
*Le prénom a été changé.
Elodie Boschet
elodie.boschet@objectifgard.com