FAIT DU JOUR Aux quatre coins du monde, Kevin Lebon prend de la hauteur
Infirmier au CHU Carémeau de Nîmes, Kevin Lebon s'est lancé dans une activité pour se couper du monde : l'alpinisme. Après avoir gravi le Mont Blanc, le Kilimandjaro (Tanzanie), le Mont Elbrouz (Russie), ce Belge veut relever le défi d'atteindre le plus haut sommet de chaque continent avec comme destination finale, l’Everest.
C'est l'histoire d'un Belge venu de Charleroi qui débarque en France, par amour, il y a huit ans. Kevin Lebon, infirmier au CHU Carémeau de Nîmes s'est découvert depuis deux ans une passion pour l'alpinisme. "Quand j'ai vu Kilian Jornet réalisé deux ascensions de l'Everest en moins d'une semaine, ça m'a fasciné. J'ai lu des récits et j'ai vu le film "L'Ascension" et ça m'a motivé." Mais le budget nécessaire pour une telle expérience, compris entre 40 000 et 50 000 €, fait revenir Kevin à la réalité. Alors avant de s'attaquer au toit du monde, il commence par le Mont Blanc, plus haut sommet des Alpes. "Le dépassement de soi et l'esprit d'équipe sont des valeurs qui me correspondent", justifie-t-il avant de se lancer dans l'aventure.
Avec une enveloppe de 3 000 €, l'infirmier, qui a attiré un ami, est au rendez-vous en juillet 2018. "Les trois premiers jours sont un entraînement sur des cols. Je n'avais jamais mis de crampons, il fallait donc se familiariser avec cet environnement", explique celui qui a été pongiste (*) semi-professionnel en Belgique. Après cette première phase intense, Kevin est le dernier représentant du plat pays. Son compatriote abandonne et l'équipe poursuit à cinq. Car pour réaliser l'ascension du Mont Blanc, la loi oblige d'avoir un guide pour deux grimpeurs.
Arrivé en tramway à la gare du Nid d'Aigle à 2 300 mètres d'altitude Kevin peut commencer son défi et s'enfoncer dans la neige. Après une première nuit à 3 100 mètres, il doit réaliser l'ascension finale. "La nuit a été très courte puisque l'on est parti à minuit car il faut franchir le couloir du Goûter avant le lever du soleil pour éviter les éboulements." Un passage où 102 personnes ont perdu la vie de 1990 à 2017. Après neuf heures d'effort avec des pieds meurtris par les ampoules, face à 65 km/h de vent et une température comprise entre -25 et -35°C, Kévin atteint le sommet à 4 810 mètres. "J'ai fondu en larmes tellement c'est une aventure fantastique", se souvient-il.
Une première expérience qui lui donne envie de se lancer dans un pari fou : réaliser le challenge des sept sommets qui consiste à gravir les montagnes les plus élevées de chaque continent. Il débute ce défi incroyable en février 2019 en réalisant, en dix jours, l'ascension du Kilimandjaro en Tanzanie, qui culmine à 5 893 mètres. "Je me suis senti bien. Même si les conditions de l'ascension finale étaient très rudes avec 100 km/h de vent." Un trek extrême où le Gardois d'adoption a pu compter sur l'aide précieuse de porteurs qui transportent des sacs de 15 kilos. Un soutien indispensable qui va faire défaut à Kevin sur le sommet suivant.
Avalanche et demi-tour
Retour à de l'alpinisme pure en juin dernier avec le Mont Elbrouz situé en Russie et considéré comme le plus haut sommet d'Europe. "Nous devions au départ inaugurer une nouvelle voie jamais empruntée au sud-ouest de la montagne. Mais les porteurs ne sont jamais venus au rendez-vous", regrette t-il. Le groupe décide de partir seul et de transporter les affaires jusqu'au premier camp en deux voyages. Le lendemain, l'infirmier allège son sac à 12 kg et ne conserve que le strict minimum. "Je n'ai gardé qu'un caleçon et qu'une paire de chaussettes pour les cinq derniers jours !", s'amuse t-il pour décrire cette situation complexe.
D'autant plus que les déboires s'enchaînent et qu'une avalanche se déclenche sur l'itinéraire. "Les pisteurs russes partis en éclaireurs nous disaient que la neige ne tenait pas et qu'il y avait des crevasses insurmontables. On a décidé de tous faire demi-tour." Un retour à la case départ, seulement quatre jours après le début, effectué sous une pluie torrentielle. Mais Kevin ne fléchit pas et reste déterminé sur son objectif. "J'étais infaillible", assure t-il. Quatorze heures de route plus tard, le groupe retente sa chance par le versant sud, la voie habituelle. Avec les péripéties des premiers jours, l'ascension de 3 800 à 5 600 mètres doit se faire d'un seul trait.
"Normalement, il faut passer une nuit pour acclimater le corps à l'altitude. Là on a simplement fait une randonnée", explique Kevin qui avale des comprimés avant le départ, à minuit, pour éviter le mal des montagnes, sur les conseils des deux médecins présents. À 8h, il arrive au sommet malgré une montée éprouvante. Un nouvel exploit réussi pour cet homme de 33 ans qui auparavant, pour la petite histoire, recevait un traitement pour soigner son asthme.
Deux sur sept pour le Nîmois, le chemin est encore long mais l'aventure se poursuit. "Je pars gravir l'Aconcagua (6 962 mètres) du 8 au 25 janvier 2020. C'est le dernier voyage que je peux payer", affirme Kevin qui a dû ficeler un budget de 7 000 € pour dompter le plus haut sommet d'Amérique du Sud dans les Cordillères des Andes.
Le coût de telles expéditions risque de freiner Kevin par la suite qui recherche activement des sponsors pour le soutenir dans cette aventure. Ce dernier peut déjà compter sur le soutien permanent de son épouse. "C'est elle qui retravaille mes photos", précise fièrement Kevin. Ce résident de Congénies aimerait partir sur le Denali (Alaska, Amérique du Nord) en 2021 avant de grimper sur l'Everest. Le Gardois finirait par le Mont Vinson en Antarctique et la Pyramide de Carstensz en Océanie. Il se donne entre huit et dix ans pour accomplir le défi de sa vie. Même si comme le dit Kevin, il n'y a pas d'âge pour réaliser ses rêves : "Mon guide en Russie avait bien 70 ans !"
Corentin Corger
* Joueur de tennis de table.
Pour suivre les expéditions de Kevin, rendez-vous sur sa page Facebook : Kevin Lebon : ready to explore.