FAIT DU JOUR Benoît Roig, président d'Unîmes : "Notre capacité d'accueil est bloquée"
Arrivé en 2013 à Vauban et vice-président de la recherche pendant quatre ans, Benoît Roig a pris la présidence de l'université de Nîmes le 22 janvier dernier. Cet ancien rugbyman âgé de 47 ans, qui a évolué en première division avec le RCN, a accepté d'évoquer les projets en cours, les enjeux et la problématique de l'agrandissement d'Unîmes.
Votre prédécesseur Emmanuel Roux a fait beaucoup pour l'université de Nîmes et avait une aura national. N'est-il pas difficile de prendre la relève ?
Le plus difficile c'est d'avoir pris la suite de façon brutale. On a été informé le 5 décembre pour une prise de fonctions le 7 janvier pour Emmanuel et j'ai été élu le 22 janvier. Entre-temps, il y a eu les quinze jours des vacances scolaires. Je n'étais pas forcément préparé à accepter la présidence dès maintenant même si j'ai été accompagné par les équipes déjà en place. Et ça a été un soulagement.
Quelle a été votre priorité sur ces deux premiers mois de mandat ?
On a les deux projets immobiliers (réhabilitation Hoche + halle des sports) sur lesquels nous nous attelons et surtout nous sommes en pleine période d'évaluation par le HCÉRES (Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur). C'est avec ce dossier qu'après on négocie les moyens qui nous sont octroyés. Ça détermine un petit peu l'avenir de l'établissement. On est également en pleine négociation pour la dernière filière Staps (ouverte en septembre 2018) pour la deuxième et troisième année. Sans cette dotation ça serait compliqué de gérer 250 élèves à la rentrée prochaine.
Vous avez été vice-président de la recherche pendant quatre ans. Comment comptez-vous développer cet axe et en quoi peut-il permettre à Unîmes de se démarquer ?
L'université c'est la formation et la recherche. La formation initiale on fait globalement un peu tous la même chose (sciences, langues, sport). On essaie de se démarquer par des formations originales, comme le Master Production, usages et interprétation des fictions. Concernant la recherche, on a travaillé sur deux axes identitaires qui nous permettent de nous différencier de Montpellier, Marseille et Avignon : les sciences du risque et le design social. Je veux continuer à les développer en ayant un plus grand nombre d'équipes pour pouvoir aborder ces deux thèmes plus en profondeur. Cela nous a déjà permis de créer l'école doctorale et de compter presque 50 étudiants. L'idée est de travailler ensemble avec les deux universités de Montpellier et celle de Perpignan mais de garder notre spécificité avec peut-être la place de créer un troisième angle. On a acquis la légitimité régionale et nationale. Il manque un petit travail à l'international. Il est bien identifié par les universités partenaires que le risque et le design c'est Nîmes.
"On a une urgence par rapport à Staps"
Avez-vous des exemples concrets de formations originales ?
On a vraiment accès sur des formations professionnelles où, là, on va essayer de caler nos formations sur les besoins du territoire. Vous avez une licence pro sur les métiers de l'environnement qui est très en vogue. On a un Master sur le nucléaire ciblé sur le démantèlement avec Marcoule qui n'est pas loin. On a une formation sur l'oenotourisme, le textile avec la toile de Nîmes. Et puis on en a une sur les agents de recherche privée que tout le monde ne fait pas.
Concernant les infrastructures, où en sont les projets de halle des sports et de cafétéria ?
Sur l'aspect universitaire on a deux projets. La réhabilitation de la deuxième moitié de l’hôpital Hoche où doivent déménager à terme toutes les sciences et on se retrouverait avec deux sites : Vauban et Hoche. On n'aurait plus les Carmes. Les travaux n'ont toujours pas débuté, du retard a été pris. Sur le site Vauban, l'installation d'une halle de sports est prévue, accompagnée d'une cafétéria (Space), le nouveau concept du Crous, également avec des locaux étudiants et un pôle santé. La phase d'avant-projet a été lancée. C'est sûr que ça ne sera pas prêt pour la rentrée prochaine mais il sera achevé. On a une urgence par rapport à la formation Staps même si on est bien soutenu par la municipalité qui met à disposition les équipements de façon gracieuse. On devrait accueillir une centaine d'étudiants supplémentaires dans cette filière.
"Ancrer l'université dans sa cité"
Ces projets sont un tournant pour l'établissement ?
Un tournant peut-être pas mais en tout cas c'est le cheminement logique de la croissance de l'université. In fine, le but est de construire une réelle vie de campus. Jusqu'à présent, on n'avait pas pu la structurer avec des offres sportives suffisantes, offres culturelles différentes, des déplacements organisés entre les sites. Des services que l'on va développer. Dès que l'on sera sur deux sites avec l'ensemble des installations ça va unifier la vie étudiante. Même s'il n'y aura pas de liaisons entre les deux sites avec le TCSP, des projets d'aménagement de voirie sont en cours pour faciliter l'accès. On finalise une structuration débutée il y a 10 ans avec Emmanuel Roux qui a eu des acquis que personne d'autres n'aurait eu. En termes de moyens la conjoncture est moins favorable. J'aurai peut-être moins de reconnaissance nationale mais je veux vraiment ancrer l'université dans sa cité. Il faut absolument plus d'interactions entre Unîmes et son environnement proche.
Le manque de place est-il problématique dans le développement de l'université ?
Alors ça c'est certain. Il y a une grosse erreur qui a été faite. On va déménager la partie scientifique de Hoche sans augmentation de mètres carrés. C'est une problématique à laquelle je suis sensibilisé depuis mon arrivée. Si je veux augmenter la capacité d'accueil de l'université, je suis bloqué car en terme d'infrastructures on est limité. Une fois que Staps sera finalisé on sera à 5 000 étudiants. Honnêtement, sur une ville comme Nîmes il y a le potentiel de pouvoir largement monter à 7 500 étudiants. Mais on ne peut pas croître comme on le voudrait.
"On réfléchit à créer un IUT sur le Gard"
Mais de ce fait ce taux de saturation va arriver dès la prochaine rentrée ?
Sur Parcours sup on est à plus 25% de vœux ciblés sur l'établissement donc on s'attend à une augmentation tout en restant sur la même offre de formation car on sait que l'on ne pourra pas accueillir plus d'étudiants. Si je n'ai pas les structures pour mettre les étudiants, je ne peux pas développer de la formation.
Alors comment unifier si la nécessité d'un nouveau site semble inéluctable ?
J'ai porté cette problématique auprès des responsables politiques et institutionnels mais ça va être compliqué. Sur Vauban, il n'y a plus de foncier. Et sur Hoche, c'est la même chose. On va chercher des possibilités dans les mois à venir. Dans le département du Gard, il n'y a rien dans l'enseignement supérieur. Il y a les Mines à Alès mais c'est une école d'ingénieur. On réfléchit à créer un IUT quelque part dans le Gard un peu comme on fait nos homologues montpelliérains, perpignanais qui ont des antennes. Le problème c'est qu'il faut des moyens mais si des communes sont intéressées on est ouvert à la discussion. Le président du conseil départemental vous dirait qu'il est "dans le département le plus pauvre de France". Il faut aussi faire en fonction de la population donc ce n'est pas idiot de transporter l'université sur des sites un peu moins favorisés.
Concernant le logement étudiant, des évolutions sont-elles prévues ?
Il y a aussi l'aspect logement. La cité Matisse dotée d'environ 600 logements (Pissevin) fermera. Un logement universitaire sera construit de l'autre côté du périphérique, derrière la Maison des compagnons. Pour être tout à fait franc ce n'est pas un projet très intéressant pour les étudiants d'Unîmes car ça leur fait loin. Mais ça va concerner ceux de Montpellier qui sont à la fac de médecine et à l'IUT. On discute avec le Crous pour trouver une solution de logement plus près de nos deux sites.
Pour conclure, est-ce que l'université de Nîmes sort peu à peu de l'ombre de Montpellier ?
Un premier inconvénient que l'on avait et que l'on est en train de résorber, c'est la disponibilité de formations au-delà de bac +3. Aujourd'hui si vous voulez faire un master vous allez choisir l'université où il y a également la licence. On fait l'effort d'avoir des masters dans quasiment toutes nos filières car c'est un facteur d'attractivité. On est en train de travailler sur un master en physique que l'on n'a pas. On est persuadé que ça nous permettra d'attirer beaucoup plus en licence. On est plus le collège universitaire qui formait les bac +3 pour les envoyer à Montpellier. Mais, mise à part les infrastructures, on est aussi sous doté en encadrement par rapport aux autres universités. Donc on ne peut pas se permettre d'aller trop vite.
Propos recueillis par Corentin Corger