Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 24.11.2017 - thierry-allard - 4 min  - vu 956 fois

FAIT DU JOUR Gard rhodanien : la gouvernance du tourisme en crise ouverte

A peine huit mois après la création d’une association Office de tourisme intercommunal du Gard rhodanien, rien ne va plus entre la présidente de l’association et l’Agglo, qui a la compétence tourisme. Plongée au coeur d’un imbroglio qui risque fort de coûter cher au tourisme local.
Lors de l'assemblée générale de constitution de l'association Office de tourisme du Gard rhodanien, le 28 février dernier. De G. à D. : le vice-président de l'Agglo délégué au tourisme Gérard Castor, la présidente de l'association Emmanuelle Bromblet, la directrice du tourisme à l'Agglo Claire Prost, la directrice du service développement économique de l'Agglo Emily Pagès et le conseiller communautaire Philippe Gamard (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

« Oui, il y a une crise de gouvernance », reconnaît Emily Pagès, directrice du service développement économique de l’Agglo du Gard rhodanien auquel le tourisme est rattaché.

« On a eu zéro concertation »

Un constat limpide et incontestable : après une interview polémique chez nos confrères du Midi Libre, la présidente de l’association Office de tourisme du Gard rhodanien s’est mise à dos une partie du directoire de l’association et a fait éclater au grand jour toute une série de crispations et d’incompréhensions qui débouchent aujourd’hui sur cette fameuse crise. « Je pense qu’il y a un problème de langage, je n’ai pas l’impression de parler la même langue », explique Emmanuelle Bromblet au sujet de l’Agglo. Une phrase qui résume assez bien la crise actuelle : à la tête de la Vieille Fontaine, hôtel-restaurant à Cornillon, représentante de ces socio-professionnels à qui l’Agglo a voulu donner toute leur place dans l’élaboration des stratégies touristiques, elle se retrouve, de son propre aveu, face à « un univers nouveau. » Un univers administratif qui peut être lourd et abscons de prime abord.

Par exemple, la présidente de l’association a proposé « une grosse campagne de marketing sur le web, qui engloberait tout. J’ai contacté des agences de pub, qui m’ont dit que c’était 150 000 euros, mais pour de la pub, du développement, une promotion du tourisme pendant deux ans, un logo, un slogan, des relations presse. » En clair : l’artillerie lourde. Pour le site internet, elle consulte son fils, étudiant à l’école 42 de Paris, pour élaborer un cahier des charges gratuitement. Seulement voilà, du côté de l’Agglo, on rappelle que ça ne se passe pas comme ça : « elle nous demande de valider un devis qui n’existe pas car il a été fait pas son fils, s’étrangle Emily Pagès. 150 000 euros pour un cahier des charges réalisé par son fils, ça ne se fait pas, la chose publique est bien plus complexe. »

A côté de ça, Emmanuelle Bromblet reproche à l’Agglo « un manque de concertation. » « Depuis le début, on me présente des documents déjà signés, je conçois que des engagements ont déjà été pris, mais on a eu zéro concertation, j’en ai ras-le-bol qu’on nous impose des prestataires ! » L’Agglo se justifie en rappelant que l’association a été constituée toute fin février, et que les commandes avaient été passées avant, notamment pour les cartes et fascicules dénoncées par Emmanuelle Bromblet, qui les trouve « dépassées. » Dans la même veine, la présidente affirme avoir refusé de signer deux devis cet été, « et à partir de là, ça a été le black-out. » Aujourd’hui, elle explique ne plus avoir de relations avec l’Agglo ni avec la directrice du tourisme, Claire Prost. Cette dernière semble confirmer à demi-mots. Interrogée sur la nature de ses relations avec Emmanuelle Bromblet, elle explique avoir « pris beaucoup de recul sur cette situation », et « consacre(r) la majorité de (son) temps aux équipes et aux dossiers en cours, même s’il est indéniable que certains dossiers sont en suspens. »

La présidente de l'association Office de tourisme Gard rhodanien Emmanuelle Bromblet, au coeur de la polémique (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

« La solution doit venir de l’association »

Et il y en a des gros, des dossiers. Par exemple celui de la marque du territoire, « Provence-Occitane », qui ne convainc pas, c’est le moins qu’on puisse dire, Emmanuelle Bromblet. « Mais les socio-professionnels ont travaillé dessus pendant des semaines, c’est son association, et elle arrive pour dire que c’est de la merde ! », tempête-t-on en off du côté de l’Agglo. Emmanuelle Bromblet affirme de son côté que le nom « a été choisi lors d’une matinée de travail », et que d’une manière générale, « toutes les propositions qu’on a fait ont été refusées. » « Ce n’est pas vrai, rétorque Emily Pagès. Très rapidement, l’association a voulu anticiper le plan d’actions en mettant en place des actions de marketing, et ça a été fait. »

A l’Agglo, on estime qu’il y a « une forme d’impatience » chez la présidente de l’association, alors que 2017 doit être « une année de transition, d’observation, d’évaluation, de travail de fond. » « On nous a demandé d’attendre et d’observer, c’est ce qu’on a fait, estime Emmanuelle Bromblet. Mais quand on a demandé de participer à deux grands salons européens à Bruxelles et Berlin, on nous a dit qu’on n’était pas prêts, mais il faut bien commencer quelque chose ! »

Aujourd’hui, Emmanuelle Bromblet se demande « à quoi sert l’association », et se dit certaine que l’Agglo veut « la mettre à la porte », alors qu’elle réfléchit à une démission, fatiguée de « dépenser toute cette énergie pour rien. » Côté Agglo, on rappelle que « si l’association est paralysée, c’est parce que sa direction ne fonctionne pas, note le directeur de cabinet du président Guillaume Jarrié. La solution doit venir de là. » Comprenne qui pourra (voudra), sachant que l’association est indépendante. D’autant plus que « dans ce contexte, il est irresponsable de transférer de l’argent public et du personnel à l’association, poursuit Guillaume Jarrié. Ça doit se faire sur la base d’un projet et d’une association qui fonctionne. »

On en est là, la situation semble complètement bloquée et la balle est dans le camp de l’association, dont la présidente affirme ne pas « faire ça pour emmerder l’Agglo, mais pour que le tourisme avance. Je reconnais que je questionne, je veux savoir à quoi correspond un chèque avant de le signer. Là, au lieu de travailler sur l’été prochain, on se dispute. » Une réunion du conseil d’administration de l’association est programmée pour fin novembre ou début décembre. « Ce sera pour parler des problèmes internes, mais ils ne pourront pas me démissionner, la seule façon de le faire est de demander une assemblée générale extraordinaire », explique la présidente. Du côté de l’Agglo, on reconnaît que le plus tôt sera le mieux, et on espère repartir sur de nouvelles bases, car « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, le système associatif est un bon outil. »

Lire aussi : GARD RHODANIEN Les pros au cœur du nouvel Office de tourisme intercommunal

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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