FAIT DU JOUR Gard rhodanien : l’annulation du BIG, symbole d’une période où « on ne sait pas trop où on va »
Comme nous vous le révélions mardi soir, pour la première fois depuis 2012, le salon Business in Gard rhodanien, le BIG pour les intimes, ne se tiendra pas cet automne.
En cause, les incertitudes qui planent sur les organisateurs en cette période de crise sanitaire, d’autant plus dans un département classé en rouge sur le front de la pandémie de covid-19. « On a attendu jusqu’à septembre, mais avec toutes les mesures sanitaires à géométrie variable, nous ne sommes pas capables de prendre un risque financer sur un événement susceptible d’être annulé », nous expliquait mardi Patrick Scorsone, le président de l’association le Collectif qui organise le BIG. Un risque qu’il évalue à un peu plus de 100 000 euros pour un événement comparable à celui de 2019.
La décision d’annuler l’événement a été prise à l’unanimité du conseil d’administration, qui regroupe de nombreux chefs d’entreprise répartis dans les différents groupements et associations économiques que compte le Gard rhodanien.
Les raisons d’une BIG annulation
« Un tel événement, c’est une grosse machine qui nécessite énormément de temps de préparation », souligne Vincent Champetier, président de l’association Grisbi, le cluster des entreprises du service, du bâtiment et de l’industrie du Gard rhodanien qui participe à l’organisation. Or, « avec le confinement, nous n’avons pas pu travailler comme nous l’aurions voulu », rajoute le président de la délégation Bagnols de la Chambre de commerce et d'industrie, Philippe Broche.
S'ajoute à cela le fait que « les finances du BIG sont assises sur certains financeurs qui ont réduit leurs postes communication et événementiel. Ça devenait compliqué », poursuit Philippe Broche. « Et les entreprises qui s’occupent de l’organisation du BIG préfèrent mobiliser leur énergie sur leur propre boîte », ajoute-t-il.
Et hors covid, le contexte n’est pas plus favorable. Les relations entre certains poids lourds du monde économique local et l’Agglo du Gard rhodanien se sont tendues depuis plusieurs mois, la faute notamment à l’épisode du Versement transport, encore mal digéré par certains estomacs. Des dissensions se sont également faites jour au sein même du Collectif autour des municipales, certains reprochant à d’autres de politiser le monde économique. Enfin, la guerre froide, entre d’un côté les délégations Alès et Bagnols de la CCI et de l’autre le siège de la chambre consulaire à Nîmes, ne facilite pas les choses.
En un mot comme en cent : les planètes n’étaient non seulement pas alignées, mais complètement décalées avant même que le covid-19 ne passe par là. En rajoutant une crise sanitaire sans précédent, impossible de lancer la BIG machine.
« Un problème de confiance dans la relance de l’économie »
Faut-il pour autant y voir un symbole de l’état du monde économique du Gard rhodanien ? « Je ne pense pas qu’il y ait une signification », tranche Vincent Champetier. « Il y a eu une demande forte pour le BIG, des donneurs d’ordres l’ont réclamé », affirme pour sa part Philippe Broche. En clair, la légitimité de l’événement, grand raout qui permet aussi et surtout de faire du business, n’est pas remise en cause.
Reste qu’à l’instant T, la situation économique du Gard rhodanien est « difficile », de l’aveu du président de la délégation Bagnols de la CCI. « Sur le tourisme et la restauration, il y a eu une bonne activité, sur le commerce local l’été n’a pas été trop mauvais, par contre pour l’industrie, il faut absolument un redémarrage ou un déblocage des chantiers », affirme-t-il. Et notamment dans le nucléaire, où certains attendent avec une grande impatience, pour ne pas dire plus, le redémarrage des gros chantiers du CEA à Marcoule. « Sinon l’impact économique va être énorme », pronostique Patrick Scorsone.
Nonobstant le nucléaire, d’autres secteurs, comme l’événementiel ou les entreprises travaillant avec la commande publique, inquiètent. « Pour l’événementiel c’est extrêmement compliqué, mais on le savait, commente Vincent Champetier. C’est aussi compliqué pour les groupes qui travaillent avec les communes, le covid est tombé en période électorale. Aucun appel d’offres n’est sorti. »
Dans l’ensemble, Vincent Champetier refuse de noircir le tableau et l’affirme : « Il y a de l’activité. » Seul problème, et de taille, la visibilité quasi nulle, qui « freine les investissements et la croissance », rajoute-t-il, alors que certains des membres de son groupement « s’excusent presque d’avoir du boulot. » « On ne sait pas trop où on va », estime Philippe Broche qui voit plus largement « un problème de confiance dans la relance de l’économie. » Une frilosité, ou plutôt un attentisme, qui peuvent être expliqués par la crise sanitaire, dont les évolutions sont toujours aussi difficiles, pour ne pas dire impossibles, à anticiper. En partie.
L’épée de Damoclès
En partie seulement, car une expression revient chez les entrepreneurs : « l’épée de Damoclès. » Cette fameuse épée qui plane sur leur tête, avec le risque de leur tomber dessus, est purement économique. « Il y a les reports de charges. Qu’est-ce que ça va donner au 15 octobre et au 15 mars ? », pose Vincent Champetier. Et à plus long terme, les premières traites des PGE, les prêts garantis par l’État, vont tomber au printemps prochain.
Une mesure saluée lors du confinement. « Le PGE a aidé sur le moment, reconnaît Philippe Broche. Mais aujourd’hui on n’est pas plus avancés. Les trésoreries sont mises à mal et les aides de l’État sont à bout de souffle. » Patrick Scorsone résume son point de vue en une phrase : « On a hypothéqué nos entreprises. »
Le Gouvernement a annoncé il y a quelques jours un plan de relance, dont 25 milliards iront aux TPE-PME. Ces mêmes TPE-PME qui sont, pour une bonne partie d’entre elles, dans le flou. Avec pour seule certitude ou presque le fait qu’elles risquent de subir encore un moment les conséquences de la crise sanitaire.
Thierry ALLARD