FAIT DU JOUR Que mange-t-on à la cantine en terre de Camargue ?
Un collectif vient de voir le jour en Terre de Camargue, composé de parents engagés dans le mieux manger à la cantine. Visite de la cuisine centrale par des membres du collectif, échanges de mails… Rien n'y fait : entre communauté de commune et collectif, c'est un dialogue de sourds. Argumentations croisées.
En mars dernier, un œuf ketchup au menu de la cantine des maternelles de la cantine de Saint-Laurent-d'Aigouze choque une maman soucieuse de l'équilibre alimentaire de son enfant. Celle-ci en parle à d'autres parents, ils épluchent les menus et constatent qu'il ne sont pas conformes à l'idée qu'ils se font d'un exemple diététique à suivre et de bonnes habitudes alimentaires à prendre. Un collectif de parents est créé : "Du bio et du local pour nos enfants". Leur premier contact avec la communauté de commune se solde par une invitation à visiter les locaux qui abritent la cuisine centrale à Aigues-Mortes.
Au départ, les mamans voulaient manger à la cantine avec les enfants. On leur propose la cuisine centrale. Mais même avec une dégustation organisée en fin de visite, elles sont déçues. La visite est guidée par Christelle Bertini, vice-présidente de la CCTC en charge de la restauration scolaire, et Marie-Hélène Goziozo, diététicienne et adjointe en chef de la centrale. Le courant passe mal et très vite le dialogue est rompu.
Face à cette situation de blocage, le collectif envoie des communiqués à la presse locale, et la communauté de communes propose aux journalistes une visite de la fameuse cuisine suivie d'un échange avec Christelle Bertini, Marie-Hélène Goziozo et Christine Pala, directrice du pôle cadre de vie à la communauté de commune.
La cuisine centrale confectionne chaque jour, 1 300 repas pour les 7 restaurants scolaires maternelles et primaires de son territoire (1 100 repas). Les bénéficiaires des repas à domicile et les centres de loisirs. Le collectif reconnaît que les locaux sont d'une hygiène irréprochable et que toutes les précautions sanitaires sont prises et respectées, ce que par ailleurs la presse constate lors de sa visite. Ce point convenu, où sont les griefs ?
Trop gras, trop sucré, pas assez bio…
Premier reproche, on l'aura compris, certains plats mis au menu. En ligne de mire ceux qui entrent sous la dénomination de "produits très transformés" : crème dessert, jus de fruit, barre glacée, gâteaux, poisson pané, Ketchup, pizza… Trop gras, trop sucrés, trop transformés… Marie-Hélène Goziozo objecte, "nous travaillons en suivant les préconisations du Gemrcn (Guide national des recommandations nutritionnelles qui vise à améliorer la qualité nutritive des repas servis en collectivité dans le cadre de la lutte contre l'obésité : fréquence de représentation des plats, grammage des portions…, NDLR) et du plan national santé publique."
"Quand un aliment de ce type est proposé, sa fréquence est limitée et son taux de gras ou de sucre compensé sur le menu," développe la diététicienne. L'argument est jugé irrecevable par Anaïs Lebeau et, derrière elle, par le collectif. "Je ne veux pas que ma fille mange des barres glacées à trois ans, c'est trop tôt," objecte la maman. La pizza c'est pareil quand au ketchup…" Ce à quoi, la partie adverse parle de plaisir de l'enfant. "Ce ne sont pas eux qui décident", rétorque fermement Anaïs Lebeau. Dont acte.
De 83 à 91% des plats ou accompagnements sont cuisinés sur place par les agents
Suivent les produits dits "transformés", c'est-dire cuisinés. Côté cuisine centrale, on affirme mettre un point d'honneur à préparer des recettes comme à la maison, en cuisinant 86% des plats de viande, 80% du poisson et 91% des accompagnements du plat principal. Un bon point ? Pas pour le collectif qui met en cause les produits utilisés et exige traçabilité et transparence. "J'ai demandé à vérifier toutes les provenances. On ne me répond pas, alors ça m'inquiète", pointe Anaïs Lebeau.
Autre sujet d'inquiétude, le fait que les plats soient livrés dans des barquettes en plastique et réchauffés dedans. "Les contenants utilisés sont certifiés conformes et ne contiennent pas de Bisphénols notamment", précise Christelle Bertini. Elle ajoute, "la nouvelle loi Egalim (agriculture et alimentation), fixe un cadre qui comporte trois mesures, dont l'une concerne la suppression des contenants en plastique. Nous y réfléchissons en ce moment et travaillons à une solution à la fois saine et durable".
" En attendant, des transferts sur la nourriture sont possibles", avance le collectif. "Nous avons pris contact avec d'autres collectifs dont "un monde sans plastique" et leurs conclusions sont inquiétantes pour la santé de nos enfants", pense la maman.
Regarder dans l'assiette du voisin…
Pour conclure, le collectif cite en exemple la Petite Camargue, la communauté de communes voisine, qui travaille beaucoup avec des producteurs locaux, cuisine plus et pour un même volume de repas livrés quasiment à prix égal." Nos méthodes de travail ne sont pas les mêmes", argumente l'élue de terre de Camargue.
Et elle développe, "avec 10%, nous sommes déjà au-dessus de la moyenne nationale en Bio et travaillons à l'augmenter. Pour ce qui est du frais (autre grief), nous n'avons pas de légumerie et envisageons de faire appel à un fournisseur capable de préparer nos légumes pour augmenter le pourcentage de frais dans les assiettes."
Les responsables de la cuisine centrale, reconnaissent ne pas avoir atteint la perfection mais se battre avec les multiples contraintes de la restauration collective pour arriver à une cuisine encore plus saine et variée qui procure autant de plaisir à l'enfant qu'elle a de qualité nutritionnelles et serait d'accord pour la création d'une commission parents et enfants pour ouvrir la discussion.
Le collectif dit ne pas avoir de griefs et vouloir collaborer mais oppose un certain scepticisme et exige une transparence, qu'il affirme lui être refusée. Les parents engagés dans la croisade du mieux manger à la cantine viennent d'imprimer 6 000 tracts qui seront distribués sur le territoire. Aujourd'hui, ils affirment être 90 réunis dans un groupe privé et sont déterminés à ne rien lâcher. Pour le collectif les enjeux sont d'importance : "Ma fille me réclame des barres glacées et n'aime plus les légumes, déplore Anaïs. La guerre serait-elle déclarée ?
Véronique Palomar Camplan