FAIT DU JOUR Récit d’une journée tragique sur le front des incendies
Depuis le début de l’été, le Gard connaît une saison de feux de forêts particulièrement intense. Si jusqu’ici les dégâts n’étaient que matériels, hier le pilote d’un avion bombardier d’eau Tracker a péri lors d’un crash alors qu’il luttait contre les flammes à Générac. Récit d’une journée tragique.
On dit que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit. Pourtant, en une semaine, la paisible commune de Générac, dans les Costières au sud de Nîmes, a connu deux feux de forêts particulièrement graves : près de 500 hectares partis en fumée mercredi, à cause d’un incendie criminel, d’après les premiers éléments de l’enquête, et un deuxième, non loin du premier, ce vendredi. Ce feu, qui était toujours en cours à l’heure tardive où nous écrivions ces lignes et qui avait détruit plus 300 hectares, s’est déclaré hier en début d’après-midi.
Il est environ 14 heures quand les sapeurs-pompiers retournent à Générac, pour un nouvel incendie parti encore une fois de la route départementale 14. Pas aidés par le vent, les pompiers se retrouvent rapidement face à un feu une nouvelle fois virulent, qui progresse dangereusement vers la route de Franquevaux. Au même moment, les soldats du feu sont aussi engagés sur dix départs de feu en tout dans le département, dont deux autres fronts importants, à Montignargues, où 11 hectares sont alors en train de brûler, et à Vauvert, où 170 hectares avaient brûlé hier soir.
Rapidement, d’importants moyens aériens suppléent les pompiers au sol, notamment à Générac, où un poste de commandement est établi, et à Vauvert. Parmi eux, le bombardier d’eau Tracker n°22, qui ne rentrera jamais à sa base de Garons. Les soldats du feu font face à des incendies extrêmement virulents, tant à Vauvert qu’à Générac, commune déjà meurtrie cette semaine. Dépité, le maire de Générac Frédéric Touzellier confie à Objectif Gard dans l’après-midi qu’il s’agit cette fois encore « d’un incendie criminel, on en est sûrs. »
Justement, les gendarmes, qui recherchent déjà activement le pyromane qui aurait mis le feu mercredi, interpellent et placent deux personnes en garde à vue ce vendredi après-midi, officiellement pour des « vérifications ». L’enquête se poursuit alors que les pompiers font face à une situation de plus en plus critique, notamment à Générac, où une dizaine d’habitations sont évacuées. En milieu d’après-midi, on compte pas moins de 180 sapeurs-pompiers et quatre Canadairs sur cet incendie, 80 pompiers à Vauvert et autant à Montignargues. À ce moment-là, deux pompiers sont légèrement blessés et des sapeurs-pompiers des départements voisins viennent renforcer les troupes gardoises, déjà bien éprouvées ces derniers jours.
C’est en fin d’après-midi que le drame se produit. Il est 17h20 lorsqu’un avion bombardier d’eau Tracker de la sécurité civile, engagé dans la lutte contre l’incendie de Générac, se crashe près du mas de Reculan, à Générac. Des secours et des moyens médicaux sont envoyés sur place. Les informations arrivent au compte-goutte, jusqu’à ce que vers 18h45 la préfecture du Gard ne confirme le crash et la mort du pilote du Tracker n°22.
Dès la confirmation de la nouvelle, les réactions et les hommages au pilote décédé se multiplient, jusqu’au président de la République Emmanuel Macron, qui saluera un homme qui « a donné sa vie pour sauver celle des autres. » Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner et le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez seront sur place, à Générac, ce samedi matin.
À l’heure où nous écrivions ces lignes, 11 hectares avaient brûlé à Montignargues, 170 hectares à Vauvert et 315 hectares à Générac. Le tout à l’orée d’un week-end à haut risque pour les sapeurs-pompiers : le temps sec et le vent devraient une nouvelle fois compliquer la tâche des soldats du feu. C’est ce que redoute le commandant Jacques Pages du SDIS du Gard, au micro d’Objectif Gard : « Si les conditions météorologiques ne s’améliorent pas, c’est à dire si on est toujours concernés par un mistral comme aujourd’hui, entre 20 et 30 km/h voire un peu plus en rafales, et il est annoncé plus puissant demain (aujourd’hui, ndlr), si on a des conditions similaires, j’espère que nous n’aurons pas le même nombre de départs de feu. »
Thierry Allard, avec Corentin Corger et Boris de la Cruz