Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 04.08.2021 - marie-meunier - 4 min  - vu 3867 fois

FAIT DU SOIR Food trucks : une tendance grandissante malgré la crise sanitaire

À Rochefort-du-Gard, les jeudis food trucks sont devenus une institution. Reste à savoir si l'instauration du pass sanitaire à partir du 9 août viendra freiner la fréquentation. (Marie Meunier / Objectif Gard)

De plus en plus de communes organisent des rassemblements de food-trucks sur les places publiques pendant l'été. C'est le cas ici à Pujaut le mardi soir. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Dans les mariages, les manifestations, les marchés... Les food trucks ont désormais leur place dans le paysage des festivités. Les municipalités sont de plus en plus nombreuses à organiser des rassemblements exclusivement composés de cuisines roulantes. Si la tendance croît d'année en année, elle s'apprête à subir de nouvelles perturbations avec l'entrée en vigueur du pass sanitaire.

Depuis 2014, le Gallarguois Steve Canovas sillonne le Gard et l'Hérault avec son camion Renault Master. Suite à un licenciement, il a entrepris une reconversion professionnelle en lançant son food-truck "La crêpe maison". À l'arrière de son véhicule, il a aménagé une mini-cuisine équipée avec plancha, hotte et crêpière. Presque chaque midi, chaque soir, il vend à un endroit différent.

Steve Canovas tient depuis 2014 son food-truck "La Crêpe maison" et sillonne le Gard et l'Hérault. (DR)

Quand il a commencé, cette activité était encore confidentielle. Aujourd'hui, il déborde de demandes : "C'est la première année où on n'a pas besoin de démarcher, ce sont les gens qui nous appellent. Cet été, on est plein et on a déjà des réservations pour 2022", atteste Steve Canovas. Lui gare son food-truck à la sortie des entreprises pour les employés le midi, mais aussi lors de rassemblements de food-trucks ou encore pour des fiançailles. "Notre chiffre d'affaires n'était pas fou au départ. En 7 ans, il a dû augmenter de 50%", se réjouit-il.

"Il y a un côté ultra libre"

Alors comment expliquer cet engouement pour les food-trucks ? "C'est la facilité. Dans les fêtes, c'était souvent les bénévoles du comité des fêtes qui se relayaient pour faire à manger. Ils ne pouvaient pas profiter pleinement de la soirée. Avec les food-trucks, ils ne s'occupent de rien", avance Steve Canovas.

Côté fréquentation aussi, les food-trucks trouvent leur public. Pendant les rassemblement, chaque petit camion propose ses spécialités : italiennes, thaïe, tex mex, burgers... Les différents stands sur roues installent leurs tables, libres d'accès, invitant aux retrouvailles : "On vient là parce que c'est en plein air. On peut se servir un peu partout, il y a le choix et ce n'est pas cher. On retrouve plein de monde. Le mardi soir, tout le village se réunit", lance Axel, à table avec ses amis au rassemblement de food-trucks de Pujaut. Son amie, Agathe, rebondit : "Il y a un côté ultra libre. Les gens ne se prennent pas la tête à réserver à l'avance. Tout est très spontané."

Si à Rochefort-du-Gard ou à Villeneuve-lez-Avignon, les soirées food-trucks sont devenus des événements incontournables de l'été drainant beaucoup de monde, certaines communes franchissent juste le pas cette année. C'est le cas de la ville de Pont-Saint-Esprit qui a décidé de faire venir 4-5 camions chaque vendredi soir pour accompagner les concerts dans le parc de l'hôtel de ville. Le tout dans un esprit "guinguette" qui a déjà séduit les participants : "On voit des food-trucks de partout aujourd'hui. Ça va dans le sens de l'attente du public : ils peuvent profiter du concert en se restaurant sur place", justifie Cyndie Vigier du service culturel de la municipalité spiripontaine.

Pass sanitaire : un véritable frein ?

Si le concept a trouvé jusqu'alors son public à Pont-Saint-Esprit, Cyndie Vigier est inquiète pour les prochaines dates : "Au départ, le pass sanitaire n'était pas exigé, cela s'est bien passé. Depuis le 23 juillet, on a dû le demander à l'entrée. On a dû refuser des personnes. On a été pris de court. On espère que d'ici la fin de l'été, les visiteurs auront pris le coup et seront moins réfractaires."

À Pont-Saint-Esprit, entre 4 et 5 camions-restaurants s'installent dans le parc de l'hôtel de ville le vendredi soir pour accompagner les concerts. Des food-trucks étaient aussi venus à l'occasion du festival Fanfa'Rhône. (photo service communication Pont-Saint-Esprit)

En effet, depuis le 21 juillet, le pass sanitaire est demandé dans tous les lieux publics recevant plus de 50 personnes. En revanche, pour les rassemblements de food-trucks exclusivement, la règle n'entrera en vigueur qu'à partir du 9 août, ces derniers étant considérés au même statut que les restaurants.

Au rassemblement de Rochefort-du-Gard, les gérants de food-trucks profitent donc des deux dernières soirées sans cette contrainte supplémentaire. Dès le 12 août, la place de la République sera entourée de barrières, les pass vérifiés à l'entrée. "Ça ne va pas arranger la saison. On n'a pu commencer à véritablement travailler que le 19 mai. On aura eu juin, juillet en plein, le mois d'août devrait être tronqué. L'hiver risque d'être long pour manger. Ça fait deux ans qu'on tire sur la trésorerie", déplore Cécile Riera, saisonnière qui tient le camion "Rose and food" depuis trois ans. Elle-même est soumise à la vaccination : "Je n'avais pas envie mais j'ai senti venir... Pour continuer à venir ici, c'est soit faire un test PCR pour chaque jeudi, soit être vaccinée."

Une "concurrence déloyale" envers les restaurateurs ?

Malgré ce grain de sable dans l'engrenage, les propriétaires de food-trucks sont soumis à moins de pression que les restaurateurs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Myriam Truc a acheté son Citroën de 1984 et mis dedans "La cantine du sud". "J'avais un restaurant sur Villeneuve-lez-Avignon. Après être partie un peu à droite, à gauche, je ne me voyais pas en reprendre un. Le fonds de commerce, les employés... C'est beaucoup de problèmes en plus", exprime-t-elle.

Ce que le public aime dans les food-trucks, c'est les petits prix, la convivialité et le grand choix de nourriture. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Il faut compter entre 60 et 80 000 € pour l'achat d'un camion food-truck. Bien moins cher qu'un restaurant en dur. Alors si beaucoup de mairies ont cédé à la tendance, d'autres y voient de la "concurrence déloyale". Aux Angles, Jean-Louis Banino est fermement opposé à l'arrivée de ces camions-cuisines sur la place publique. "On me le demande sans arrêt. Mais les restaurateurs payent des impôts, des loyers, remboursent des emprunts... Les food-trucks, eux, ils ne déboursent presque rien. Ce n'est pas juste. On a assez de restaurants aux Angles."

Hormis quelques municipalités récalcitrantes et les méfaits de la crise sanitaire, les food-trucks ont encore de beaux jours devant eux. Originaire des États-Unis, le concept a contaminé l'Europe et la France, jusque dans les petits villages. Véritable alternative au sandwich du midi pour les travailleurs ou moment de partage entre amis le soir sur les tables disposées tout en long, ces camions connaissent un succès grandissant. Les gérants jouent de plus en plus sur l'originalité des couleurs et des saveurs pour gagner en attractivité. Mais que les établissements traditionnels se rassurent : "C'est un bon concept, mais ça n'empêche pas de se faire un bon restaurant quand même", conclut Agnès, une Rochefortaise, qui n'hésite pas à faire le compromis.

Marie Meunier

Marie Meunier

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