LAUDUN Mohed Altrad : "ce qui m’anime, c’est rendre service à l’humanité"
Le grand patron, à la tête du groupe Altrad qui pèse 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et 17 000 salariés dans le monde, était hier soir au Forum de Laudun pour le salon BIG.
Elu Entrepreneur mondial de l’année 2015 par le cabinet Ernst & Young, Mohed Altrad est venu raconter son histoire et faire passer un message qui dépasse largement le cadre de l’économie, surtout eu égard au contexte post-attentats de Paris.
« Mon destin était de devenir berger »
« Mon parcours a commencé très mal », raconte le chef d’entreprise en guise d’introduction, né « dans le désert syrien, près de Raqqa », ville devenue tristement célèbre en tant que fief des barbares de Daesh. « Mon père était chef d’une tribu bédouine », poursuit Mohed Altrad, élevé par ses grands parents après que son père l’a délaissé et la mort de sa mère. « Mon destin était de devenir berger », affirme-t-il. Mais lui préférait l’école, et financera l’achat de ses fournitures scolaires en louant à ses copains son seul bien, un vélo. « C’est ma première affaire », lancera-t-il avec un sourire.
Arrivé en France à Montpellier dans le cadre d’une bourse d’études, le jeune syrien trouve « un pays fermé sur lui-même » et veut rentrer chez lui. Il choisit finalement de rester, obtient un diplôme d’ingénieur et un autre d’informatique avant de lancer une première entreprise puis de reprendre celle qu’il a transformé en leader mondial dans son secteur. Comme quoi « on peut commencer par les conditions les plus pénibles mais avoir sa chance, réussir quelles que soient les difficultés », affirme-t-il.
« L’argent n’est pas suffisant pour animer une personne »
Derrière un petit accent la voix est douce, mais laisse transparaître la détermination de l’homme. Un homme qui aujourd’hui l’affirme : « l’argent n’est pas suffisant pour animer une personne. » Alors qu’est-ce qui fait marcher Altrad ? « Ce qui m’anime, c’est rendre service à l’humanité. Ça commence par son voisin, sa famille et ses amis, mais aussi avec tous ceux qu’on ne connaît pas. On doit être solidaire, cela fait appel à des valeurs comme la fraternité, l’humilité. »
Et pour l’entrepreneur, et même si l’économie libérale en est parfois loin, « ce message d’humanité et de paix passe aussi par l’économie, sans l’économie il est très difficile de vivre en paix. »
Aujourd’hui à la tête d’un groupe mondial, Mohed Altrad a fait le choix d’en laisser le siège à Montpellier, et même de reprendre le MHR, le club de rugby de la ville, « pour renvoyer l’ascenseur, faire quelque chose pour cette ville. » Une ville et un pays auxquels il a dû s’intégrer, tout en ne se reniant pas « aujourd’hui je me pose la question : suis-je français, occidental ? Ou arabe, oriental ? Est-on fait pour être les deux ? Entre la Syrie et la France, il n’y a pas de pont. Le pont il faut se le fabriquer en acceptant l’autre, mais aussi en consentant un effort pour aller vers l’autre. »
Thierry ALLARD