NÎMES Le quart monde au coeur de la ville : une mère jugée pour délaissement de ses quatre enfants
Tribunal. Une mère défaillante était convoquée pour s'expliquer devant le tribunal correctionnel pour avoir délaissé ses enfants...
"Tout le monde a oublié ces enfants : les institutions, l'école, l'assistante sociale. La maman était emprisonnée dans la drogue, le papa incarcéré. Tout le monde a oublié ces enfants, répète le vice-procureur, Willy Lubin, qui s'interroge : "Je dois vous avouer, ça ne m'arrive pas souvent mais en préparant ce dossier j'étais plongé dans une tristesse incroyable. Est-ce que l'on peut dire que l'on naît tous égaux, s'interroge le représentant du parquet de Nîmes qui réclame 10 mois de prison et un mandat de dépôt à l'audience.
Pas de nourriture, les enfants livrés à eux-mêmes
Lorsque les policiers ont pénétré au domicile, au squat plutôt de cette mère de famille, ce n'était pas la misère mais le quart monde. Electricité coupée en plein hiver, pas de chauffage, une saleté absolue et généralisée. Et un frigo totalement vide. Des enfants obligés de voler dans une grande surface pour manger, des petits âgés de 5 ans à 14 ans, avec un grand qui gardait ses frères et soeurs lorsque sa mère sortait pour se droguer ou se prostituer, de jour comme de nuit, pour payer sa consommation de stupéfiants. Non vous n'êtes pas à l'autre bout de la planète, dans un pays sans système social, mais au coeur de Nîmes où une maman et ses quatre enfants dormaient parfois dans la rue près des Arènes. Une situation qui a duré plusieurs mois et qui a pris fin en octobre 2019.
Une mère de famille totalement dépassée qui a avoué les faits de délaissement d'enfants. Elle parle sans émotions à l'audience : "Je reconnais. Je suis maintenant totalement sevrée mais ils ont souffert, c'est certain. Je suis actuellement incarcérée pour des vols. J'étais dans la dépression, isolée, sous l'emprise de la drogue", expose la mère de famille.
Les services sociaux avaient été sollicités
Des enfants qui ont eu des propos émouvants devant les enquêteurs en soulignant notamment qu'ils avaient froid et faim. " Des enfants qui ont beaucoup souffert de cette situation", selon la soeur du papa qui a dénoncé les faits et s'est battue seule contre tous pour que ces quatre neveux soient pris en charge. Mais là aussi, le silence des institutions est inexplicable. Mais alors comment interpréter ce silence assourdissant des services sociaux? "Je suis allée voir l'assistante sociale", explique-t-elle.
"Mais elle n'est jamais venue chez vous pour se rendre compte de cette situation de grande souffrance et de précarité ?", s'interroge le président Jean-Pierre Bandiera. "Des services sociaux sans aucune efficacité puisque quatre enfants étaient livrés à eux-mêmes, sans électricité en plein hiver", ajoute le magistrat. Il a été déclenché un signalement qui n'a pas abouti puisque l'Aide sociale à l'enfance a classé sans suite. C'est assez préoccupant sur le fonctionnement de l'institution", note surpris le président du tribunal correctionnel de Nîmes qui met également en avant "le silence de l'Éducation nationale qui n'a pas signalé la déscolarisation de ces enfants".
"Au départ lorsque l'on est venu me voir, on me raconte une histoire inaudible, avec quatre enfants disparus et que l'on a retrouvé plus tard. L'école ne savait pas. L'assistante sociale ne proposait pas de solution. J'ai essayé de faire bouger en alertant la police", plaide maître Magali Fiol, le conseil des enfants. " Le fils aîné m'a dit : ''surtout que l'on ne fasse pas de mal à ma maman'' et ''est-ce que je vais pouvoir la revoir''."
" Elle a reconnu les faits, mais elle n'a pas été que mauvaise. Elle a aimé ses enfants avant de sombrer dans l'enfer de la drogue", note maître Marguaux Expert pour la mère de famille, qui est incarcérée pour d'autres infractions. Elle a aussi été victime d'un système complètement défaillant."
Le tribunal correctionnel de Nîmes a condamné ce mardi 22 février cette maman à 10 mois de prison dont 5 avec un sursis probatoire l'obligeant à soigner ses addictions et à travailler. Elle a de plus une interdiction des droits civils et familiaux pour une durée de deux ans.
Boris De la Cruz