NON ÉLUCIDÉ Nîmes : meurtres en série au Mas maudit
Il est des lieux qui suscitent la crainte, la peur. A la réaction de cette voisine du « mas maudit », on comprend qu’elle n’a pas envie d’épiloguer sur la réputation de la maison située près de chez elle. « Ah oui, c’est le chemin juste au dessous. Il faut emprunter la route en terre et on y tombe dessus. C’est vrai que j’ai une vraie crainte, presque irraisonnable, mais je n’arrive pas à me rendre près de cette bâtisse. Il y a trop de morts qui hantent l’endroit ». Tout est dit.
La retraitée poursuit sa tâche dans son jardin en glissant un « bonne chance » qui glace un peu quant on connait le nombre de crimes qui s’est déroulé dans cette austère bâtisse encore habitée. Le « mas maudit » apparaît enfin, caché dans la garrigue bien au-dessus du nouvel hôpital psychiatrique Carémeau. D’apparence, l’endroit est idyllique avec le chant des cigales qui résonne à l’infini. C’est ici, dans une zone déserte, que s’est déroulé l’un des crimes gardois les plus marquant de l’après guerre.
Imaginez un peu, nous sommes en 1945, le 24 décembre précisément, lorsqu’un couple et trois enfants vont être égorgés. La nuit est tombée lorsqu’un berger qui habite plus bas dans les terres entend des détonations. Le lendemain, jour de noël, le berger découvre le massacre. Le couple d’agriculteur qui vend ses produits aux halles de Nîmes a été abattu, le cou de la femme présente une entaille. Deux enfants de 16 et 9 ans ont été tués, égorgés. La plus jeune des enfants, une fillette âgée de 7 ans a également été égorgée, elle vit encore. L’enquête s’enlise, car il n’y a pas de témoins dans cet endroit désert... A l’époque la Nationale 106 qui rallie Alès à Nîmes et mène vers l’autoroute n’était pas construite et le quartier Valdegour en contrebas du Mas Maudit était une belle colline sans construction. Il faudra attendre juin 1947, pour que l’enquête rebondisse grâce à l’arrestation d’un voleur de légumes. Un homme de 29 ans, père de deux enfants, donne des explications confuses aux enquêteurs qui décident de perquisitionner chez lui en centre ville. Cet homme a un terrain à 500 mètres du Mas Maudit. Chez lui les policiers vont découvrir une arme enrayée de même calibre que celle qui a tuée les paysans du Mas Maudit.
Marius R. avoue sans donner véritablement de raisons à cette tuerie. Il expliquera qu’il avait repéré les lieux notamment quelques jours avant en se faisant passer pour un policier à la recherche de collaborateurs. Il sera condamné à la peine de mort et deviendra dans l’histoire du département comme le dernier guillotiné.
Mais c’est à partir de la fin des années 60 que le « mas maudit » va devenir tristement célèbre. Une guerre de succession va s’enchaîner au fil des ans entre une femme Thérèse, et ses enfants. Elle ne parvient pas à récupérer son bien immobilier et à déloger ses enfants qui vivent au mas maudit. Au gré de plusieurs années de procédure, Thérèse qui dénonce la situation en faisant un piquet de grève quotidien pendant des années aux marches du Palais de Justice de Nîmes parviendra à récupérer son bien immobilier… en mai 1984 où le célèbre GIPN, le groupe d’élite de la police marseillaise déloge les enfants. Une possession qui portera malheur à la retraitée toujours en conflit ouvert avec certains de ses enfants au sujet de l’héritage du Mas maudit. Trois mois plus tard, en août, elle sera retrouvée assassinée, la gorge tranchée par un coup de pelle. Son meurtrier ne sera jamais identifié.
Et alors que l’on pensait qu’il en était terminé avec la légende noire du mas maudit, un autre crime va survenir. Parmi les fils de Thérèse, un de ses enfants sera lui aussi retrouvé mort abattu en mai 2006 d’une balle dans le jardin du mas. Là encore, le drame ne sera jamais élucidé. Pourtant un frère de la victime, un fils de Thérèse, a été inquiété, arrêté et placé en garde à vue, mais il n’avouera jamais. Mis en examen pour l’assassinat de son frère, il ne sera jamais jugé et reste aux yeux de la justice, innocent de ce crime. Le frère un temps soupçonné est mort. Il est décédé de mort naturelle après quelques mois de libération conditionnelle. Son avocat, Me Sylvie Josserand reste persuadée de l’innocence de son ancien client. « Il a toujours clamé son innocence. Force est de constater que les investigations entreprises n’ont jamais permis d’établir la culpabilité. Son décès survenu dans le cours de l’instruction a entraîné l’extinction de l’action publique et un non lieu », affirme la juriste.
Le mystère du Mas maudit et de ses crimes en cascade demeurent encore aujourd’hui bien énigmatiques.
Boris De la Cruz