Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 18.01.2021 - thierry-allard - 4 min  - vu 1190 fois

VILLENEUVE-LÈS-AVIGNON Marianne Clevy, une nouvelle directrice pour redynamiser la Chartreuse

Marianne Clevy est la nouvelle directrice de la Chartreuse de Villeneuve (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Plus qu’un monument, la vénérable Chartreuse de Villeneuve est aussi un centre national des écritures du spectacle. Rencontre avec sa nouvelle directrice, Marianne Clevy.

La Chartreuse, Marianne Clevy la connaissait avant d’en devenir la directrice début décembre, après deux mois de « tuilage » passés en compagnie de sa prédécesseur Catherine Dan. Elle y avait été autrice en résidence, en tant que traductrice, il y a des années de cela. Car la nouvelle directrice de la Chartreuse a un profil d’artiste avant tout.

« J’ai été metteuse en scène de la compagnie Avril pendant dix ans puis à la co-direction de cette compagnie », rejoue celle qui a aussi été comédienne, ce qui se perçoit dans son aisance à l’oral. « Mon fondamental c’est le plateau, ce qui permet d’avoir un lien avec les artistes, une écoute sensible au processus de création », poursuit-elle, se disant « passionnée » par ledit processus. Dans un centre d’écriture du spectacle, elle est donc gâtée.

Avant d’atterrir à la Chartreuse pas du tout par hasard - elle lorgnait le poste depuis un bon moment déjà -, Marianne Clevy dirigeait un festival itinérant en Seine-Maritime, « Terres de paroles », « consacré à toutes les littératures », précise-t-elle. Elle y faisait déjà dans l’accompagnement à l’écriture. Auparavant, Marianne Clevy a aussi co-dirigé la Maison Antoine Vitez, association créée il y a trente ans à Montpellier, de grande renommée, qui traduit des textes de théâtre du monde entier en français. Et encore avant, elle a dirigé pendant dix ans le festival « Corps de texte », à Rouen, « consacré à la création contemporaine théâtrale, un lieu de recherche et de création », précise-t-elle.

Voilà pour un parcours qui la mène aujourd’hui, logiquement pourrait-on dire, à la direction de la Chartreuse, « une grosse maison plurielle », comme elle l’appelle, ravie d’avoir à être au four et au moulin, ou plutôt dans l’accompagnement des auteurs comme dans la gestion et l’entretien au quotidien d’une grande bâtisse et de ses jardins. Un nouveau terrain de jeu pour celle qui affirme travailler « en fonction de (ses) connaissances, (son) expertise, l’écoute du terrain et (son) instinct. »

Quatre saisons

Dynamique, Marianne Clevy l’est assurément, en tout cas manifestement. Alors même si elle s’inscrit dans la continuité du travail de sa prédécesseur Catherine Dan, on sent chez elle une volonté de redynamiser la Chartreuse, « en considérant qu’elle est visible et préhensible toute l’année », avance-t-elle. Car de son point de vue, les Rencontres d’été, qui se tiennent au mois de juillet pendant l’effervescence avignonnaise du Festival, constituent un temps fort trop isolé.

« Je veux remettre visiblement un équilibre toute l’année dans les activités de la Chartreuse, il y a les Rencontres d’été, il y aura aussi des Rencontres d’automne, de l’hiver et du printemps, affiche la nouvelle directrice. Ça a l’air très bête, mais c’est un endroit qui vit ces quatre saisons pleinement. » À l’automne par exemple, en plus de la Fête de l’architecture, des Journées du patrimoine ou encore du Festival du polar, Marianne Clevy verrait bien un salon de l’édition théâtrale, qui n’existe nulle part aujourd’hui.

Au printemps, la directrice prévoit de programmer Totem, d’ordinaire pris dans les Rencontres d’été, « avec un travail autour de la création contemporaine et dramatique, et une année sur deux de la musique, et une année sur deux des marionnettes », présente-t-elle. Et dans les Rendez-vous aux jardins, événement national qui fait la transition entre printemps et été, Marianne Clevy va rajouter des lectures en plein air pour le jeune public.

L’idée est donc « d’étaler la saison en posant des moments de rencontre festivaliers en dehors de l’été », résume-t-elle, tout en n’oubliant pas que l’activité fondamentale de la Chartreuse est de recevoir des auteurs en écriture. Et outre l’écriture, Marianne Clevy veut s’ouvrir vers la lecture. Sous Catherine Dan, la Chartreuse s’est dotée d’une bibliothèque et compte également une librairie. Sous Marianne Clevy, elle va se doter d’un comité de lecteurs chartreux, en collaboration avec des bibliothèques amies, comme celle de Villeneuve, celle de Bagnols/Cèze ou encore une du côté d’Avignon.

Des lecteurs volontaires seront invités à lire une sélection de textes théâtraux et de romans, tout en se réunissant régulièrement dans les médiathèques pour en débattre et sélectionner un auteur dans chaque catégorie. Un dispositif que Marianne Clevy a déjà éprouvé en Normandie, « qui est très convivial et joyeux et qui ne coûte rien », et qui aura pour but de proposer dès cet automne une fête autour des deux auteurs sélectionnés, à la Chartreuse.

La conjoncture actuelle, dictée par une crise sanitaire aussi éprouvante qu’interminable ? La directrice ne veut pas vraiment en parler. « Nous sommes toujours dans des perspectives », élude-t-elle, préférant dessiner l’après pandémie d’un virus qui est devenu au fil des mois un ennemi impitoyable pour la culture, et surtout le spectacle vivant. L’occasion pour elle de rappeler que la Chartreuse produit du spectacle de manière indirecte, puisqu’ici il s’agit de texte, « ce qui reste d’un spectacle vivant, qui est un art de la disparition. »

Évidemment, le travail initié par Catherine Dan autour de la francophonie va se poursuivre et s’amplifier - « il nourrit tout le travail et concerne tous les événements », précise-t-elle -, tout comme ceux auprès de la jeunesse ou des expositions, pour lesquelles elle aimerait « une plus grande régularité et une matérialisation de la littérature. » Le contexte, mais aussi l’air du temps la poussent à insister sur le numérique, notamment autour des expositions. « Nous ne voulons pas nous y perdre, mais nous ne sommes pas contre », avance-t-elle. Vénérable, la Chartreuse, mais dans l’air du temps.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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